from dusk till dawn (kila)

les spores du sommeil qui inhument les paupières, alourdies par les premiers balbutiements de l’aube transperçant les muqueuses éraflées. c’est presque douloureux pour la créature d’ordinaire nocturne et trop peu familiarisée avec les premières couleurs du matin.  mila se sent ensevelie sous une généreuse couche de draps duveteux et de semi-paralysie particulière à l’engourdissement d’un réveil précoce. l’épiderme parcouru par ces signaux qui intiment de retourner se lover dans l’étreinte chaleureuse de morphée, le palpitant souffreteux d’avoir été arraché à son repos aussi brutalement. mais c’est l’encéphale qui fulmine trop, le redémarrage s’effectue en toussotements de fumée noirâtres et les rouages qui grincent jusque dans la mâchoire. quand les cils se désolidarisent, les craquelures du plafond dessinent des galaxies étrangères, le fourmillement tamisé de la ville qui se réveille n’a pas la même tonalité que d’habitude. poussière de secondes et c’est la réalisation presque agréable qui s’échoue sur le bout de la langue de la pièce dans laquelle elle est, de cette chaleur délicate qu’elle sent lui embrasser le corps à l’autre bout du matelas. bout de corps mélangés au sien, le bras grêle enlacé autour de sa taille, et sa respiration qui embrasse son cou. et malgré la luminosité encore trop timide, mila parvient à distinguer sous les mèches cascadant dans la rivière de tissu immaculé son visage, placardé d’une sérénité quasi religieuse. malgré le pincement qui se loge sous ses côtes, même culpabilité écoeurante qu’apporte la rosée et l’avènement d’un nouveau jour, elle s’autorise une contemplation silencieuse. emprunte le chemin subtil de la courbe dessinée par ses lèvres entrouvertes, l’arc de ses paupières hermétiques, le contour grave de sa mâchoire qu’elle brûle de retracer du bout des doigts pour en imprimer à jamais l’allure dans sa chair. mais non, la prudence lui scie les boyaux et chaque seconde de trop contre elle scille un peu plus sa volonté de l’abandonner. une nouvelle fois. c’est toujours le même scénario depuis que la passion a outrepassé le reste, depuis qu’elle lui a laissé un bout de son coeur sans même prendre la peine de le réclamer. alors elle revient, dès que le vide hurle trop, observer ce bout d’elle niché au fond de ses pupilles, tapisser ses tympans de ses soupirs et rallumer par la même occasion quelques astres dans la voûte céleste. puis dès que les songes se colorent du halo jaunâtre solaire, mila s’évapore comme un mirage, n’offre aucune explication en sachant pertinemment qu’elle aura toujours une place auprès d’elle. tout du moins elle l’espère. finalement, regroupant le peu de lucidité entassée dans sa caboche sciée, c’est le même combat. celui de s’extirper de l’étreinte molle dans laquelle l’enchaîne inconsciemment kitty sans l’extirper de ses rêves. elle est presque devenue experte à la manipulation, soucieuse des micro mouvements déchirant le visage de l’endormie pour savoir quand elle est trop brusque, au rythme un peu plus rapide de sa respiration qui se languit de la sienne, pousse le subterfuge jusqu’à glisser un coussin là où ses propres membres étaient. elle connaît aussi les coins de parquet plus âgés que les autres, au bois usé par le passage et qui grince sous ses pas. véritable parcours du combattant pour une heure si matinale, d’autant plus quand l’air gelé lui mord la peau avec violence, comme pour l’inviter à retourner sous les draps. mais elle ne peut pas. ne s’y autorise pas. mila tente de se glisser dans les vêtements abandonnés un peu partout, retraçant par la même occasion les souvenirs brûlants de leurs retrouvailles de la veille. et quand enfin elle s’autorise presque à se nommer victorieuse en vérifiant que kitty est toujours acculée dans une léthargie solide, un pivotement trop ambitieux de chevilles et sa main qui rentre en collision contre ce qu’elle croit être un verre déposé sur la table de nuit. la chute est atrocement lente, foutrement douloureuse et quand les éclats de verre s’étalent de partout sur le sol en un tintement strident, ce sont les pupilles qui s’écarquillent, refusent de constater l’étendue de sa maladresse. merde, qu’elle s’entend penser trop fort.