a thousand years/anna.

Invité

— a thousand years —

Il n'a rien à faire. Pas un plan à l'horizon, aucune idée ne traversant son esprit. Il n'y a pas assez de sommeil en lui, il a du mal à fermer l'oeil et, quand une paupière s'ouvre, l'autre suit refusant de laisser la première seule et le privant des quelques minutes de plus, celles vers lesquelles on aimerait se raccrocher, retrouver ses rêves, s'y fondre avec aisance, se laisser emporter ailleurs. Ailleurs, loin de Crescent, loin de cette ville dont il connait tous les recoins, toutes les avenues, toutes les maisons, tous les secrets. Il rêve encore d'autres ciels, d'autres soleils, d'autres étoiles. Des visages inconnus qu'il apprendrait à connaître, à faire tourner les simples spectateurs en amis, en confidents, en amoureux peut-être. Il rêve encore de succès, de voir son nom briller, de sentir ses muscles se tendre et se contracter, jusqu'à l'en brûler, jusqu'à lui faire mal tant il aurait dansé pour leurs yeux, n'importe quels yeux. Mais non, ça n'est pas la réalité, ça n'est pas sa réalité. Si les autres réussissent, Hyun lui, semble condamné à échouer. A suivre des chemins qui lui semblaient beaux et sûrs au premiers abords, pour se rendre compte que l'or dans lesquels il les avait vus briller n'était en fait qu'une contrefaçon. Tout ce qui brille n'est pas d'or, a dit un jour un sombre inconnu à qui il décalquerait bien le contour de ses doigts, de sa paume, sur la joue pour lui faire ravaler ses paroles cyniques et pourtant ô combien vraies. Il est là maintenant, dans une des nombreuses veines de Crescent, à tourner en rond sans songer à regarder son portable, à faire défiler la liste pour tromper la solitude avec quelqu'un qu'il connait depuis les couches. Il s'emmerde Hyun, et il semble trop fatigué, trop enragé pour y remédier. Alors il se laisse porter, marche sans but, sans plan, sans idée, et s'arrête finalement devant un marchant de glace. Ses papilles s'agitent, son ventre gronde comme pour lui rappeler son existence et sa négligence. Il s'approche, en achète une au parfum fraise, et retourne à ses érances jusqu'à distinguer une forme familière. Une pierre semble couler et se loger dans son estomac. Soudain, la glace n'a plus grand intérêt, la fraise n'a plus le moindre goût. Anna se trouve là, avec ses cheveux noirs qui cascadent et chatouille ses épaules. Il fait la moue, pince les lèvres et fronce les sourcils. Il n'est pas trop tard pour s'en aller, tourner les talons et disparaître un peu plus loin -dieu sait à quel point il est doué pour dispaître-. Hyun laisse entendre un soupir. Puis un autre, plus prononcé. Les soupirs semblent lui donner le peu de courage dont il dispose et il se rend vers Anna, avale la distance qui les sépare -seulement la distance physique, c'est déjà ça- et dit simplement. « tu t'emmerdes toi aussi ? » il arque un sourcil. « ou il n'y a que moi ? » un léger sourire, pas convaincu, s'invite sur le coin de ses lèvres.