Make a wish. [Gus]

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❝ Make a wish. ❞

« Je suis content que ça se passe si bien. »

Un sourire au bout du fil et Logan n’ajoute rien non. Parce qu’il ment. Il ment comme il respire à son père depuis des mois à présent. Il raconte que tout va bien. Que son travail se passe toujours autant merveilleusement bien. Que sa relation avec Sam n’a jamais été aussi parfaite. Mensonges éhontés oui, pour éviter que papa ne s’inquiète et ne revienne faire un tour dans le coin. Il sait qu’il le ferait. Logan le sait. Papa reviendrait parce qu’inquiet et il ferait face à la douleur de remettre les pieds dans une ville qui lui rappelle trop de souvenirs douloureux. Alors mensonges oui. De gros mensonges dans lesquels Logan s’enfonce un peu plus chaque fois qu’il a son père au téléphone. Il voudrait pouvoir lui confier la vérité en fait. Il voudrait pouvoir s’effondrer, lui dire à quel point sa vie a foutu le camp depuis que Sam l’a quitté mais non, il n’en fait rien. Il garde pour lui. Rien que pour lui. Et ça lui fait si mal… Si mal… C’est parce que ça lui fait à ce point-là mal qu’il écourte la conversation, comme à chaque fois.

« Papa je dois raccrocher on m’attend.
- D’accord. On se rappelle vite. Et quand vous aurez quelques jours, passez me voir avec Sam d’accord ? »

Les doigts serrent le téléphone. La gorge se noue. Les yeux commencent à piquer douloureusement. Il réprime une nausée Logan.

« Oui d’accord. » qu’il souffle pour toute réponse. « Bye. »

Impossible de maintenir la conversation plus longtemps. Totalement impossible. La main qui tremble, l’envie de chialer qui le reprend et Logan s’assoit sur un banc en pierre. Les yeux bleu azur embrumés de larmes se posent sur les bateaux à quai, sur ceux qu’il n’a plus à surveiller puisque sa journée vient de se terminer. Tardivement cette semaine puisqu’il travaille jusqu’après la tombée de la nuit pour les jours à venir. C’est calme. Excessivement calme. Sans doute beaucoup trop pour un esprit si torturé que l’est le sien en réalité. C’est que ça se bouscule dans sa tête là, de façon bien chaotique et infernale. Il renifle, essuie son visage à présent imbibé de larmes avec le revers de sa manche avant d’aller fouiller dans la poche intérieure de sa veste pour récupérer son paquet de cigarettes. Il en pince une entre ses lèvres et l’allume. Profonde inspiration, il laisse le goudron infecter ses poumons, la nicotine s’infiltrer dans son organisme avant de pousser un profond soupir en levant les yeux vers le ciel étoilé. C'est clair ce soir. Très clair. Si clair qu'il aperçoit même une étoile filante. « Fais un vœu » qu'on pourrait lui dire mais a-t-il seulement le moindre vœu à formuler ? Pas véritablement. Il pourrait faire le souhait que Sam lui revienne mais il ne le veut pas. Pas alors qu'il a tant souffert. Pas alors qu'il a été jeté comme une merde. Pas alors que ça lui a fait si mal. Que ça lui fait encore si mal. Guérir de cette douleur peut-être ? Oui, ça pourrait être un vœu à formuler ça mais il n'a pas le temps de le formuler le souhait. La traînée blanche a déjà disparu et c'est trop tard. N'est-on pas censé faire le vœu au moment où on la voit ? Trop tard donc pour lui. Comme souvent. Comme tout le temps. Il détourne son regard de ce ciel plus que magnifique, tire une nouvelle taffe sur sa cigarette et c'est là qu'il aperçoit la silhouette s'avancer sur le ponton. Il pourrait avoir besoin de plisser les yeux pour les reconnaître mais non, la vérité, c'est qu'il n'a besoin que d'un coup d'oeil pour le reconnaître. Augustus. Ce n'est finalement que la seule véritable information qu'il connaît à son sujet. Son prénom et le fait qu'il vit avec son père sur le bateau de ce dernier mais c'est tout. Les quelques mots échangés n'ont jamais apporté un lot supplémentaire d'informations, certainement pas d'informations personnelles. Mais il le reconnaît oui. Sa silhouette frêle, ses cheveux bruns. Et comme à chaque fois, bien malgré lui, voilà qu'un petit sourire vient naître sur ses lèvres. Il ne sait guère pourquoi sa présence lui fait cet effet-là. Quel effet d'ailleurs ? Il n'a pas cherché à mettre des mots dessus. Peut-être cela vient-il des regards d'Augustus, ces regards qui réchauffent un cœur qui pourtant lui semblait à jamais enfermé dans la glace. Peut-être est-ce aussi la simplicité et la gentillesse dont Augustus fait preuve quand il parle à Logan. Peut-être est-ce également l'étoile en or qu'il porte autour du cou et dont Logan n'a pourtant jamais osé lui parler, puisque c'est justement personnel. Il ne connaît même pas son âge alors se mettre à lui parler de religion...

Sourire donc.
Comme à chaque fois.

Mais le sourire se fane quand Logan remarque qu'Augustus tient dans ses bras une couverture et qu'il porte un gros sac à dos. La bouche se tord en une grimace et les sourcils se froncent : est-ce qu'il se serait disputé avec son père ? Est-ce qu'il l'aurait mis dehors ? Alors il se lève Logan. Instinctivement. De manière incontrôlable. Il se lève. Il en laisse tomber sa cigarette au sol qu'il écrase avant de s'approcher d'Augustus tandis que lui vient de quitter le ponton pour s'avancer sur la terre ferme.

« Augustus ! » qu'il le hèle et c'est la première fois en réalité qu'il l'appelle ainsi par son prénom. La toute première fois. Attention attirée, il ralentit un peu le pas jusqu'à ce qu'il ait rejoint le jeune homme qu'il observe de toute sa hauteur, avec une réelle inquiétude dans le regard. Une inquiétude qui perce au-delà du voile sombre qui habite les prunelles azurées de Logan. « Est-ce que tout va bien ? » qu'il lui demande sans détour aucun.

Car inquiet oui.
Pour lui.

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Il était presque vingt heures et comme bien souvent, Augustus dînait en tête-à-tête avec son père. Ils mangeaient leur soupe faite maison sans dire un mot mais Gus avait du mal à tenir en place sur sa chaise. Cela faisait des mois que le jeune homme bassinait son paternel avec la nuit des étoiles filantes et il était impossible qu’il ai oublié tant son fils lui en a parlé. Le plus jeune des deux avala son repas en un rien de temps et à peine eut-il fini son assiette qu’il se leva de table et fila dans sa piaule mal rangée. Son géniteur resta seul et poussa un soupir avant de porter une nouvelle fois sa cuillère à soupe à ses lèvres après avoir légèrement soufflé dessus.

Augustus rangea son carnet, ses jumelles et le télescope que son papa lui avait offert pour son dix-huitième anniversaire dans son sac à dos en prenant soin de ne rien abîmer. Il en avait rêvé et ce cadeau avait été pour lui le plus beau des présents. Papa Hodge savait décidément comme lui faire plaisir et le connaissait peut-être plus qu’il ne se connaissait lui-même. Il avait beau avoir dix-huit piges, Gus était comme un fou à l’idée de pouvoir observer ces étoiles filantes. Il était pire qu’un gamin à Noël, il trépignait d’impatience dans le petit bateau et tournait en rond en attendant que ce soit l’heure ce qui agaça un peu son vieux même s’il ne disait rien. L’enfant Hodge était loin d’être sot et il savait très bien que son parent détestait quand il était dans ses pattes. Le brun, ça le faisait rire intérieurement de le voir s’agacer pour si peu. Les deux hommes ne se parlaient pas beaucoup mais ils n’en avaient nullement besoin, ils se connaissent bien trop pour ça. Puis, il faut dire qu’ils préfèrent laisser de l’espace à l’autre, c’est mieux comme ça. Augustus arrêtait de piétiner pour jeter un oeil à l’horloge. C’était presque l’heure d’y aller. L’astronome en herbe retourna dans sa chambre et dépouilla son lit de sa couverture. Il la roula et la prit sous le bras. Gus s’empara de son paquet de clopes et du briquet qui traînaient sur son bureau et les fourra dans sa poche de blouson. Il retourna ensuite dans la petite pièce à vivre et lança à son père : « J’y vais. À plus. » Simple. Efficace. « Ok, amuse-toi bien. » répondit le quarantenaire, un sourire se dessinant sur son visage. Tout ce qu’il voulait, c’était voir sa progéniture heureuse et épanouie et les étoiles et les planètes semblaient le combler. Gus lui adressa un signe de la main avant de sortir sur le pont du navire. D’une grande enjambée, il retrouvait la terre ferme. Une bise fraîche vint le saisir et il fut traversé par un frisson. Il réajusta la bretelle de son sac sur son épaule et s’arrêta un instant pour contempler la nuit étoilée. Il trouvait le ciel magnifique ce soir-là et il se dit que ça allait être une belle soirée. Il marchait sur le quai, pressé. Il tardait à Augustus de pouvoir observer ces comètes qui le fascinaient tant. Il avançait d’un pas rapide quand il vit une ombre se détacher de la nuit noire. Une ombre imposante et rassurante à la fois. Une ombre qu’il aurait reconnu entre mille. Pourtant, s’ils s’étaient déjà croisés à plusieurs reprises dans le port, les deux hommes ne s’étaient parlés qu’une seule fois. Des paroles sans grand intérêt mais pendant ces quelques mots échangés, le jeune homme s’était noyé dans ses prunelles bleutées. Il ne savait pas grand chose de lui mais il avait l’impression de le connaître depuis des années. Il entendit Logan l’appeler par son prénom ce qui le sortit de ses tergiversations. Le fait de l’entendre prononcer son nom lui provoqua des papillons dans le ventre. Il se demanda comment un quasi inconnu pouvait lui faire un tel effet. Il se rapprochait encore plus près du surveillant portuaire et ce-dernier lui demanda si tout allait bien. « Logan ! Oui, tout va bien. » Un sourire étira ses lèvres, cherchant à rassurer son interlocuteur qui avait l’air inquiet pour lui. Et il trouvait ça touchant qu’on se soucie de lui. Logan n’était nullement obligé de se soucier de lui et pourtant il le faisait, avec tout le naturel du monde. « Je m’apprêtais à aller à la nuit des étoiles filantes pour tout te dire. » continua Gus. Il prit conscience que tout son attirail avait pu prêter à confusion et il ne voulait pas que Logan pense que son père l’avait mis à la porte parce que jamais il ne ferait ça. « Je t’aurais bien proposé de venir avec moi mais tu dois avoir du travail je suppose. » Une invitation dissimulée. Au fond, il ne savait pas trop ce qu’il attendait de cette bouteille à la mer, sûrement une réponse à ce coeur qui battait bien trop fort dans sa poitrine.

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Et pourquoi donc ? Pourquoi cette inquiétude alors qu'il ne le connaît qu'à peine en fait ? Si peu. Si peu... Il ne se l'explique pas. Ne cherche même pas à se l'expliquer en fait. Logan, là, tout de suite, il ne se pose pas de questions sur ce qu'il ressent, sur ce qu'Augustus éveille chez lui. Non, il veut juste s'assurer que le jeune va bien, qu'il n'a aucun problème. C'est tout ce qu'il veut savoir et à l'instant où la bouche d'Augustus s'anime, où les mots franchissent ses lèvres, le poids qui pendant quelques instants a pesé sur les épaules de Logan disparaît. Il dit que tout va bien alors tout va bien. Tout est bien. Et ça lui arrache un soupir de soulagement à Logan, ainsi qu'un sourire. Rassuré qu'il est. Puis les explications viennent finalement s'ajouter aux quelques mots rassurants. Augustus se rend à la nuit des étoiles filantes. D'où le sac. D'où la couverture. Logan hoche doucement la tête alors que la compréhension fait son chemin et s'impose. Il s'est inquiété pour rien. Augustus a juste prévu de quoi se couvrir puisqu'il a l'intention de passer une bonne partie de la nuit à regarder le ciel. Il faut dire qu'il est magnifique ce soir. Toujours ici, quand c'est dégagé, mais ce soir plus particulièrement. Logan l'a lui-même remarqué. Il a en même vu une étoile filante qui a filé d'ailleurs trop vite pour qu'il ait le temps de se décider à formuler un souhait. L'homme de science qu'il est, qu'il a été, pourrait ne pas s'attarder sur ce genre de futilités, de « légendes » mais c'est un romantique Logan. C'était. C'était... Pensée balayée rapidement, Logan se concentre sur Augustus, sur ses mots et la surprise soudain quand l'invitation est faite. De façon détournée, certes, mais elle est bien là l'invitation. Elle est bien là et Logan reste un instant sans réagir, ne sachant que faire, que répondre. Ou, plutôt, son instinct sait quoi faire, quoi répondre. C'est là, c'est facile en fait. Très facile mais sa raison et sa bienséance, en tout cas ce qu'il lui en reste, le poussent à ne pas écouter son instinct. Parce que ça lui a fait quelque chose, cette invitation dissimulée. Oui, ça lui a fait quelque chose et ce quelque chose il sait qu'il ne doit pas s'en approcher. Alors il sourit Logan. Le rictus teinté de tristesse comme à l'accoutumée, peut-être même un peu plus à cause de la réponse qu'il est sur le point de formuler.

« Je viens de terminer en fait. »

Idiot. Pourquoi ne pas mentir ? Ce serait plus simple. Mais non, il ne ment pas Logan. Pas là-dessus en tout cas.

« Mais je ne vais pas t'imposer ma présence. Tu as l'air d'avoir déjà tout prévu et... »

Voilà qu'il perd ses mots parce que cette vérité-là n'est pas tout à fait exacte. Il craint de s'imposer, c'est vrai, mais davantage parce qu'il craint de venir gâcher sa soirée à lui en fait. Il ne voudrait pas lui parasiter un moment qu'il a l'air d'attendre avec impatience.

« Je ferais mieux de rentrer. Bonne soirée Augustus. »

C'est si rapide. Si... Brutal en fait dans un sens mais c'est mieux. Encore un regard, peut-être un peu trop prolongé mais c'est difficile de se détacher du regard d'Augustus en fait parce qu'il a ce quelque chose... Ce quelque chose... Un bref soupir et Logan se détourne enfin, à contre cœur sincèrement. Vraiment à contre cœur. Mains glissées dans les poches de sa veste en cuir et ses pas le mènent dans la direction opposée à Augustus. Et il a, Logan, cette envie de se retourner, de le regarder, de revenir sur ses pas et d'accepter sa proposition. Elle est violente cette envie mais il parvient à la contrôler. Pendant quelques pas. De nombreux pas même. Il arrive cependant ce moment où il ne parvient plus à la repousser cette envie alors il s'arrête. Il reste là, sans se retourner. Il lutte encore l'idiot. Il lutte. Mais c'est trop fort alors il termine par se retourner pour voir la silhouette d'Augustus qui s'éloigne. Il pourrait le laisser partir. Juste... Il pourrait. Il devrait. Il doit. Mais il ne le fait pas. Parce que tout en lui le pousse à accepter cette invitation. Tout en lui le pousse à dire « oui », et à passer cette soirée avec ce jeune homme qu'il ne connaît presque pas mais qu'il a envie de connaître. Elle est là la réalité : ce moment qu'Augustus lui propose, Logan veut le passer avec lui.

Augustus ! »

C'en est fini. La raison a perdu la bataille. La voix s'est élevée assez forte pour qu'il l'entende malgré la distance qui les sépare déjà, une distance que Logan s'empresse de réduire à coups de grandes enjambées quand Augustus s'est arrêté et s'est retourné. Il le rejoint, un sourire aux lèvres. Un sourire moins teinté de tristesse. Oh le voile est encore là, il est toujours là mais c'est moins... Flagrant.

« En fait, je veux bien venir. Si tu es toujours d'accord. »

Peut-être va-t-il lui dire qu'il a changé d'avis.
Peut-être serait-ce mieux.
Même si Logan ne veut pas avoir cette réponse-là.
Il veut un « oui ».

Dis « oui ».

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Augustus n’arrivait pas trop à comprendre ce qui se passait entre eux, pourquoi il avait cette sensation de pouvoir lire en lui comme dans un livre ouvert. Gus voyait que ses paroles le rassuraient et il le trouvait attachant par sa manière de se soucier de lui. Pourtant, derrière cette bonté apparente, Logan aurait très bien pu être un dangereux criminel ou même un serial killer mais le jeune homme n’arrivait pas à se méfier de l’homme au regard azur. Avec lui, il se sentait en confiance pour des raisons qu’il ignorait lui-même, allant jusqu’à lui proposer de l’accompagner à cette soirée. À vrai dire, après que tous ses amis aient refusé son invitation à venir, il s’était résolu à aller admirer ces beautés du ciel seul. Au début, il avait pensé que ses potes n’étaient que des crétins qui ne savaient pas ce qu’ils rataient, préférant une énième soirée où ils allaient finir torché à la magnificence des astres. Puis, il s’était dit qu’il valait mieux y aller seul qu’être mal accompagné mais en croisant Logan, il avait changé d’avis. Il se disait qu’un peu de compagnie n’était pas de refus non plus, surtout quand il s’agissait d’un bellâtre comme le surveillant portuaire de Creascent Heights. Alors, quand le maître des lieux lui répondit qu’il avait fini sa journée, insinuant qu’il était disponible, son sang ne fit qu’un tour et son rythme cardiaque s’accéléra. Il s’était convaincu que c’était peine perdu et qu’il ne pourrait pas le suivre jusqu’au planétarium mais la réponse de Logan vint tout remettre en question. L’ascenseur émotionnel. Il voulait le tuer ou quoi ?! Son palpitant n’était pas fait pour supporter de telles émotions fortes, il ne le savait que trop bien. Le bel Apollon continua ensuite, lui avouant qu’il ne voulait pas le déranger mais Gus était ailleurs, il entendait la voix de Fergusson comme si elle venait de très loin, comme s’il était sous l’eau et qu’il s’adressait à lui de la surface. Il n’entendait presque plus que les battements de son coeur dans ses oreilles. La phrase parvenait jusqu’à lui mais il n’était pas sûr d’en comprendre le sens. Il secoua la tête pour sortir de ses pensées. Il ouvrit de la bouche pour répondre que cela ne l’ennuyait pas du tout qu’il vienne avec lui mais à la place il resta planté là, les lèvres entre-ouvertes, l’air bêta sans pouvoir prononcer le moindre mot. À croire que quelqu’un lui avait jeté un sort et qu’il s’était transformé en statue. Il restait inanimé un instant avant de replacer les bretelles de son sac à dos sur ses épaules, son contenu pesant de plus en plus sur son corps frêle. Abruptement, son interlocuteur lui dit au revoir, mettant un terme à la conversation. L’étudiant en astronomie se perdit dans les yeux de celui qui lui faisait face. Il pouvait y voir de la douceur cachée derrière une immense peine dans ses prunelles aux couleurs de l’océan. Dans les siennes, on ne lisait plus que de l’incompréhension. Il avait l’impression qu’on le laissait tomber une nouvelle fois. Cependant, il réussit à glisser un : « Bonne soirée Logan. » avant que celui-ci ne tourne les talons, l’abandonnant sur le quai. Pourtant, dans sa démarche, il lisait du regret. Le langage du corps ne ment jamais et il décelait les remords dans sa manière de se déplacer, de se mouvoir. Son pas était lourd et il semblait s’éloigner à contre-coeur. L’adolescent, lui, restait immobile, comme sonné par tout ce qui s’était passé en si peu de temps. Il avait envie de lui courir après, de réitérer l’invitation et de lui exprimer que sa présence lui ferait plaisir mais ses pieds étaient comme collés au bitume. Il l’observa s’éloigner, impuissant, incapable de réagir. Il finit par se dire que c’est peut-être mieux comme ça. Qu’est-ce qu’il ferait avec un type qui doit avoir une dizaine d’année de plus que lui ? Qu’auraient-ils à se dire ? Il finit par se persuader et se commençait à se diriger dans la direction opposée quand soudain mettant un pied devant l’autre, quand il entendit son prénom. Son coeur s’arrêta un instant, il avait du mal à croire qu’il venait à nouveau de prononcer son prénom. Il tourna la tête et la tristesse qui s’était emparée de lui s’envola quand il le vit courir vers lui comme dans un de ces films romantiques. Vous savez, cette scène quand les deux amoureux se retrouvent après avoir été séparés et qu’ils se retrouvent sur le quai de la gare. Sauf que, ils n’étaient que hommes se connaissant à peine dans un port et pas deux amants. Enfin, Augustus ressentait quelque chose de fort pour le blond à la carrure imposante mais il n’arrivait pas encore à définir ce qu’il éprouvait…ou plutôt il le savait mais préférait se voiler la face parce que cela lui faisait peur. La vérité c’était que quand il fut à sa hauteur, il n’avait qu’une envie, goûter à ses lèvres. Son visage s’illumina quand il lui signifia qu’il avait changé d’avis.

« Bien sûr que l’invitation tient toujours ! »

Il leva les yeux au ciel. Comment pouvait-il penser qu’il ne voulait déjà plus de lui à ses côtés ? Peut-être qu’il aurait mieux fait de retourner sa veste et refuser mais il n’arrivait pas à refuser quoi que ce soit à Logan. Il avait envie d’en savoir plus sur lui, de le découvrir et en même temps, il craignait d’être déçu une fois les mystères levés.

« Bon, on y va ? »

Il demanda, aussi pressé à l’idée d’observer le ciel étoilé que de passer une nuit plus proche que jamais avec cet homme qui l’intriguait depuis qu’il l’avait croisé la première fois.

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La façon dont le visage d'Augustus s'illumine est tout sauf sans effet sur Logan. Il ne sait pas pourquoi, il ne sait pas comment, mais ça lui réchauffe un peu son cœur trop froid, trop engourdi, trop malmené. C'est la joie qu'éprouve Augustus de voir Logan revenir sur sa décision qui est communicative oui. Alors voilà qu'il sourit Logan, d'une manière plus naturelle, d'une manière plus délicate, l'amertume étant toujours présente mais se faisant moins oppressante, quand Augustus lui confirme que l'invitation tient toujours. La raison pousse Logan à rebrousser chemin, à ne pas insister, le cœur, ce coeur-là si amoché le pousse à rester là, à suivre Augustus et ce peu importe où il ira parce qu'il a ce quelque chose qui... Il a ce quelque chose dont Logan, bien qu'il ait du mal à l'admettre, a irrémédiablement besoin. Cela va même sans doute au-delà de ce dont il peut avoir besoin, c'est juste qu'il ne s'en rend pas compte, qu'il a été trop bousillé pour réaliser que ce qu'il se passe maintenant n'est que le commencement d'une chose bien plus profonde qu'il n'y paraît. Et quand Augustus lève les yeux au ciel comme si l'hésitation de Logan était totalement ridicule, Logan sourit un peu plus. Parce qu'il saisit que ça n'a aucun sens pour Augustus, qu'il puisse penser ne plus être le bienvenu à ses côtés. C'est comme si sa présence à lui coulait de source et c'est touchant. Si touchant... Logan hoche finalement la tête quand Augustus propose d'y aller. Pas de réflexion, pas d'hésitation. Il cesse de se poser des questions et décide de suivre le jeune homme et de suivre ses envies et là, tout de suite, il a envie d'être avec Augustus.

« Oui. » qu'il confirme à voix basse avant d'emboîter le pas à Augustus.

Silence alors qu'ils s'avancent, Logan ayant deviné leur destination : dans son esprit, il ne fait aucun doute qu'ils vont aller jusqu'au planétarium. C'est bien le meilleur endroit de la ville pour observer le ciel, il en a conscience. Il n'y a été que trop peu de fois, pas réellement passionné par le ciel ou l'espace. Un brin fasciné oui mais il avait une autre passion. Une passion qui s'est envolée en même temps que s'est envolé l'amour qu'il éprouvait pour Sam. Il sent son corps se tendre à cette pensée et fronce les sourcils, chassant tant bien que mal les images désagréables et néfastes qui reviennent effacer le peu de lumière qu'Augustus a réussi à créer en l'invitant ce soir. Un regard pour lui d'ailleurs, qui sourit, et à peine Logan pose-t-il son regard sur lui que ça recommence : cette délicate chaleur, cette envie de sourire à son tour. Il jette un regard au matériel que transporte Augustus et voilà que la curiosité s'invite et force Logan à briser le silence.

« Tu as l'air d'avoir un sacré matériel. Tu fais ça souvent ? Observer les étoiles. Même quand ils ne prévoient pas forcément des étoiles filantes je veux dire. »

Parce qu'il n'est pas idiot Logan : il sait le prix que peut coûter du matériel pareil et il doute que le père d'Augustus, ou n'importe qui d'autre d'ailleurs, investirait dans ce genre de matériel si ce n'était que pour deux ou trois nuits par an. Et il se plaît à y penser Logan, à cette passion qu'a sans doute Augustus pour les étoiles. Il se plaît à soudain l'imaginer passer des heures dans la nuit noire les yeux levés vers le ciel. Rêveur. Loin de la douleur. Loin de l'absurdité du monde dans lequel ils vivent. Loin où Logan voudrait aller.

« Je n'y connais presque rien. » avoue-t-il finalement rapidement et à mi-voix.

Tu m'apprendras. N'est-ce pas cela le sous-texte ? La phrase cachée non prononcée ? Oui, c'est bien celle-là. Oui, Logan ose espérer qu'Augustus lui apprendra ce qu'il sait, partagera sa passion et qui sait ? Peut-être sera-t-il même capable de faire rêver Logan à son tour. Peut-être sera-t-il capable d'accomplir ce miracle.

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Augustus il est comme, il ouvre son coeur aux autres sans réfléchir aux conséquences. Logan, il ne le connaît pas, ou peu, mais il y a quelque chose en lui qui l’intrigue et dès leur première rencontre, il s’est senti attiré. Gus, il est timide mais cela ne l’empêche pas d’avoir un grand coeur pour les âmes égarées et celle du surveillant portuaire semble être de celles-là. Il a un coeur d’artichaut Gus et c’est peut-être ça qui le tue plus que cette foutue maladie cardiaque. Peut-être qu’il fait trop confiance aux gens, trop rapidement mais avec Logan, tout paraît si limpide, si naturel entre eux qui a du mal à être sur la retenue. Son palpitant tambourine dans sa cage et il est presque sûr que ses joues se sont empourprées quand il a vu le jeune homme courir vers lui. Les deux compères marchent d’un pas décidé sans prononcer un mot. Le silence qui s’est installé fait du bien et ni l’un ni l’autre ne semble prêt à la briser. Le silence est parfois plus significatif que la parole. On entend juste le bruit de leurs pas sur le sol goudronné. Augustus, il ne n’est pas du genre à parler pour rien de toutes façons, il est du genre à penser que les actions valent mieux que de grands discours vides de sens. Le brun observe le doux visage de Logan et remarque que s’il n’a pas ouvert la bouche depuis qu’ils se sont mis en marche, il a changé plusieurs fois d’expression. Il n’ose pas demander ce qui le tracasse de crainte de paraître trop curieux. Comme pour détourner le sujet de cette conversation muette, Logan rompt le silence, s’intéressant à l’attirail de son compagnon d’aventure.

« Oh, c’est pas grand chose, juste un petit télescope et de quoi prendre des notes. »

Il répond simplement. Augustus pourrait passer des jours entiers à parler de sa passion pour les étoiles et les planètes mais il se contient, ne voulant pas saouler Logan pour leur première soirée ensemble. Puis, il est conscient qu’en-dehors du romantisme des astres venant briller dans le ciel noir, beaucoup de personnes lambdas n’en savent pas plus que ça sur les étoiles. Il ne veut pas assommer le gardien du port avec du vocabulaire technique qui lui semblerait sûrement barbare. Alors il se retient le p’tit et c’est pour le mieux, il ne voudrait pas faire fuir l’homme aux yeux bleus qu’il a réussi à convaincre de l’accompagner.

« C’est mon père qui me l’a offert. Je te montrerai comment ça marche. »

Il continue, promet de lui expliquer comment fonctionne cet engin à voir les étoiles de plus près. Le jeune aux bouclettes ébènes est plutôt un bon pédagogue et même si Logan est un novice en astronomie, il est certain de pouvoir lui apporter quelques informations sans que cela soit trop compliqué pour le commun des mortels.

Ils cheminent côte-à-côte alors que le silence a repris ses droits. Augustus sent le vent caresser sa peau et celui-ci atténue le feu qui s’est emparé de ses pommettes. Avec Logan près de lui, le trajet jusqu’au planétarium semble bien plus court que d’habitude. Ils arrivent et Gus reconnait des visages familiers. Le personnel du planétarium le connait bien, Hodge étant toujours fourré ici quand il n’est pas à la fac ou avec ses amis. Il les salue rapidement de la main et leur sourit, pressé de pouvoir observer les comètes. Il presse le pas et ne sentant plus sa présence, se retourne pour voir si Logan le suit toujours. Il a un peu traîné et est derrière. Malgré l’impatience, Augustus l’attend. Il le rejoint et repartent à l’unisson. Gus se fait violence pour ne pas accélérer mais à l’intérieur, il boue d’impatience. Arrivé d’après lui à l’endroit idéal, il dépose son sac qui était devenu un véritable fardeau. Il s’assoit. Le ciel est magnifique. La soirée s’annonce grandiose, et pas qu’à cause des étoiles filantes.