- la tête tournée vers les étoiles -(je) je est une fleur aux épines épaisses,
je voudrait se laisser faner pour que jamais, plus jamais, on ne vienne s'amuser avec ses pétales,
je est une tempête silencieuse, un ouragan intérieur, une tornade contenue.
je est une illusion, une mascarade, les nerfs à vif, les dents qui grincent et des cratères sous les yeux, fantômes de ses nuits sans sommeil.
(tu) regarde la, s'il te plaît. regarde, mais ne touche pas, même du bout des cils. dis-lui qu'elle est belle, mens-lui, fais semblant. mais ne la touche pas. surtout pas. tu vois, si tu l'approches trop près, elle deviendra poussière, elle deviendra néant, elle t'explosera à la gueule et ce sera moche à voir, et peut-être même que t'en crèveras de voir une fleur mourir entre tes doigts.
(il) pour parler d'elle, elle voudrait commencer par parler de lui. elle voudrait raconter ses yeux perçants, son sourire dévorant, la pression de ses doigts sur sa peau blanche. elle voudrait dire,
j'étais vivante quand il posait le regard sur moi, et maintenant... maintenant, plus rien. maintenant, plus rien, une coquille vide, une enveloppe de chair qu'elle voudrait abandonner au vent pour ne plus jamais ressentir. lui, son odeur de soleil, son goût de fumée, ses allures de roi du monde, (ses poings serrés qui s'écrasent sur sa chair tendre, sa mâchoire qui se serre pour un mot de travers, ses pulsions noires qu'il lui fallait assouvir).
(nous) nous, c'est tout ce qu'elle a laissé derrière. la famille, unie et souriante sur toutes les photos, les études de journalisme et la route qui semblait toute tracée, rien que pour elle, le cocon agréable, le bonheur simple mais fade. nous, les mains tendues quand elle sombrait, les appels qui sonnaient pour le vide seulement, les virements, pourtant, qui tombent sur son compte, encore, chaque mois, malgré le silence, malgré tout. elle était le cœur du
nous, l'enfant providence, la gamine au sourire parfait - et loin d'elle,
nous tente de survivre.
(vous) les hommes vils, les hommes avides, les hommes dégueulasses. tous. les hommes sales et leurs mains larges, leurs yeux qui pénètrent et leur ventre qui avale et qui vole et qui tue. vous les hommes aux griffes tranchantes et aux cœurs noirs, étincelles qui viennent enflammer son âme de fleur, vous les hommes,
menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels, elle ne tombera pas à vos pieds, elle ne tombera plus à vos pieds, promis juré.
(elles) elles, les sœurs providentielles, les mères veilleuses, la chaleur qui grandit au fond de la poitrine. elles, la vie retrouvée, la confiance à reconstruire, la même haine chevillée au corps, leurs gestes brusques et leurs rugissements, leurs éclats magnifiques, elles, le radeau. c'est avec elles que daphné écrit ses mots sur les murs sales,
nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce, avec elles qu'elle tente de conquérir le monde, de réveiller les presque morts, terrés dans le gris.
mon amour,
c'est fou comme l'amour est beau,
c'est fou comme l'amour est fort,
c'est fou comme l'amour est fou,
mon bel amour,
mon fol amour,
c'est fou comme l'amour fait mal,
mon amour,
je m'en vais,
je nous quitte,
je nous laisse,
mon amour,
nous aurions pu faire tout l'amour du monde,
encore et encore,
nous aurions pu y croire,
à l'amour,
mon amour,
mais ce serait un leurre,
l'amour est mort,
je m'enfuis avant de le rejoindre,
mon amour,
j'ai peur,
j'ai froid,
de ma peau sans la tienne,
de ma vie sans la tienne,
de mon vide sans tes yeux,
mon amour,
tu m'avales,
tu me noies,
tu m'éteins.