(jolal) les particules élémentaires.

(jo & solal)
Les particules élémentaires.

Bel ange insolent, il traversait la ville à dos de bécane. Crachant un peu, l’engin n’était plus tout jeune et grognait un peu lorsqu’il s’agissait d’accélérer. Il n’avait certainement pas les moyens de le remettre en forme, sa moto, c’était bien sa seule richesse, le vieux souvenir de sa première nuit chaude, un an plus tôt, avec un client plutôt généreux qui pour le prix d’un corps et de beaux yeux basané lui avait offert quelques billets de plus. Peu lui important la manière dont il avait bien pu se l’offrir tant qu’il pouvait changer encore de rythme sous un air d’Elvis martelant ses oreilles. Il se risqua à un virage un peu serré, la semelle de sa chaussure frôlant le sol, puis freina brutalement devant l’étrange maison Garcia, un peu surréaliste en elle même. Trop grande, trop haute, limite un peu effrayante. Solal aimait beaucoup cette maison, il s’y était endormi trop de fois, au coin d’une pièce dans un canapé un peu abimé. Il dormait un peu partout, souvent brutalement, il sombrait dans le sommeil comme on tombe dans un trou.



Il avait essayé de joindre Nora toute la journée. Ça faisait un petit moment qu’il n’avait pas vu la troupe des orphelins, il fallait dire qu’il avait ses propres périodes un peu absentes où il s’emmurait loin de tout. Quand ils se retrouvaient rien n’avait changé pourtant. Ils étaient une famille à l’abri du temps et des intempéries. En grandissant à l’orphelinat, on avait pas peur d’une petite pluie. Voyant qu’elle ne répondait pas, il avait décidé de plutôt venir directement s’incruster dans la baraque. Rien de plus simple et il se savait toujours le bienvenue. On ne le mettrait jamais à la porte s’il ramenait en plus une petite bouteille. Alors la vodka sous le bras et clope au bec, il glissa un doigt sur la sonnette, s’étirant un peu en époussetant un de ses pulls beaucoup trop grands dans lequel il nage. Il n’y avait que lui pour porter des trucs pareils. Il s’habillait par impulsion, volait parfois quelque chose dans de grosses enseignes, histoire de ne pas se sentir coupable. Lui les vendeurs angoissés ça le faisait doucement rigoler.

La porte s’ouvrit mais il ne reconnut pas le visage de sa soeur adoptive, mais plutôt celui beaucoup plus latin de Jo Garcia, sa colocataire, qu’il connaissait depuis longtemps mais sur laquelle il ne s’était jamais vraiment penché. Fallait dire que le gosse avait le don pour dérouter avec ses blagues douteuses et son air étrange. Elle, elle avait quelque chose d’épicé qu’il aimait bien, un drôle de mélange un peu acerbe d’une éducation catho et l’impulsivité d’une muse de Baudelaire. En vérité il n’en savait rien, il ne savait jamais grand chose. « ‘lut Jo. Nora est là ? Ou Sil ? » Elle fit une drôle de grimace pour toute réponse, il pinça les lèvres en rangeant un peu la bouteille qu’il venait de brandir à ses yeux. Il ne savait pas trop ce que ça voulait dire. « Tu veux que j’repasse plus tard ? J’veux pas t’emmerder. » Il fit en enfonçant une main dans la poche de son jean un peu trop large et troué. Le gosse avait une de ces dégaines, le genre de presque Oliver Twist, courant les rues. Il était insaisissable, semblait venir d’un autre monde. Il tira sur sa clope en lui adressant un de ces petits sourires dont il avait le secret, il était presque astral, Solal.

(jo & solal)
Les particules élémentaires.

La journée était un véritable fiasco et Jo avait espéré que ça se calme tout seul. Seulement quand elle était rentrée à la maison et qu’elle avait vu que Nora avait embarqué toutes ses affaires, elle n’avait pas d’autre choix que d’admettre la vérité : elle était partie. Bien que son départ lui brise de cœur, ce qui venait lui assener le coup fatal c’est qu’elle avait posé l’ultimatum. Elle ne regrettait pas. Enfin ce qu’elle veut dire par-là c’est que les raisons qui l’ont amené à le faire sont bonnes. Jamais ô grand jamais elle ne tolèrera les armes à feu. Quand bien même elle a beaucoup d’affection pour Nora, elle ne passe au-dessus de cela. Les armes à feu sont tout ce qu’elle déteste mais par-dessus elles ont été l’instrument de la mort de ses parents. Ça laisse indéniablement un traumatisme. Deux solutions sont possibles mais dans tous les cas, on bascule dans un extrême. Soit on tombe dans la violence, œil pour œil, dent pour dent. Et dans ce cas très concret, on achète un flingue et on se fait justice soi-même. Ou alors et c’est ce qu’a choisi Jo, on exècre l’instrument. Ça va même plus loin dans le cas de Jo, elle les a bannies de chez elle, mène des actions pour aller en faveur d’une interdiction des armes et a pour volonté d’aller plus loin dans ce combat. Vivant en plein cœur de Night Falls, autant dire qu’il y a beaucoup de travail mais la demoiselle Garcia n’est pas connue pour choisir la facilité ou de le faire dans la discrétion. Non Jo, elle porte ses valeurs et tape droit dedans. Ce qui amène souvent des conséquences difficiles et peu plaisantes. Ce soir en faisait partie. Le départ de Nora lui était similaire à un déchirement du cœur. Elles n’ont pas un lien des plus calmes et faciles mais sont très proches, vivant ensemble depuis pas mal de temps. Nora lui semblait être la sœur qu’elle n’avait jamais eue, se trouvant pleins de points communs avec elle. Mais est-ce sûrement la fatalité qui provoque cet enchaînement. Peut-être était-ce ainsi fait qu’elle doive partir. C’est une Jo morose qui quitte cette chambre avec ce lit et ces placards vides. Elle a besoin de se vider la tête, l’alcool fera très bien l’affaire. Elle se met alors en quête d’une bouteille, écume les placards mais ne tombent que sur des cadavres. Les gosses ! Ils boivent, finissent mais ne jettent pas ou ne rachètent pas rapidement. Ça contribue à enfoncer sa mauvaise humeur. Il vaut mieux en fait qu’il n’y ait personne parce qu’il en aurait pris pour son grade. Mais forcément ça n’allait pas rester comme ça longtemps. Justement la sonnette retentit. Jo va pour ouvrir et tombe sur… Solal. « ‘lut Jo. Nora est là ? Ou Sil ? » Déjà ça commence mal. Après forcément Solal ne peut que chercher Nora ou Sil. Forcément son visage se crispe. « Tu veux que j’repasse plus tard ? J’veux pas t’emmerder. » Elle doute Jo. Elle juge, déjuge Solal du regard. A-t-elle envie qu’il reste ? Peut-être pas et en même temps elle a pas tellement envie d’être seule. C’est con mais elle a envie de se vider la tête. Ce qui finit de la convaincre c’est la bouteille qu’il a sous le bras. « Si on partage cette bouteille, tu peux rester. » Elle se décale pour le laisser entrer et referme la porte derrière lui.

Elle attend quelques instants, ne sachant pas trop comment le dire sur le moment. Elle finit par choisir la simplicité et la franchise. « Nora est partie. » Pas de sourire, visage fermé on comprend rapidement que ce n’est pas une plaisanterie. Voilà comment plomber l’ambiance en deux minutes. « Tu comprends pourquoi la vodka est bienvenue. »

(jo & solal)
Les particules élémentaires.

Solal ne voulait pas déranger. Il avait l’air bien lourd avec son jean trop large mais c’était pour cacher la finesse presque trop douce de ses traits, le genre de truc qui ne pardonne pas quand tu traînes le soir dans les rues malfamées. Sa poésie il la compense par ses mots trop hauts et sa langue qui siffle. C’est un drôle de mélange hétéroclite qui se dresse ce soir là devant la maison apparement vide de Jo Garcia. Faut dire qu’il a l’air con avec sa bouteille à la main, alors il se prépare à partir. C’est rarement elle qui vient ouvrir, ça ferait longtemps que Nora lui aurait déjà sauté dessus si elle était là, pas la peine d’insister. Seulement c’est là qu’il remarque la drôle de mine de la brune qui louche un peu sur la div’ bouteille. Il jurerait revivre un épisode de Pantagruel. Mais ces références de littérature n’ont aucun intérêt dans la froideur du soir, et il tire sur sa clope avec un haussement d’épaule. « C’est fait pour ça. » Il n’a pas encore compris cependant. Elle lâche la bombe et il grimace. Nora elle fuit souvent. Même lui il lui arrive de ne pas la voir pendant des semaines durant. Mais elle réapparaît toujours, un peu dodelinante, les yeux qui ne mouillent jamais mais qui transpirent la souffrance. Elle raconte ses histoires avec le reflet de ses pupilles et lui lit tout pendant des heures. Seulement quelque chose lui fait penser que ce n’est pas une fuite comme une autre, pas une fuite du tout même. Il ressent encore la chaleur presque étouffante d’une engueulade, le genre de chose qu’il entend tout les jours et dont il détourne les yeux. Impossible de s’emporter quand on est le plus gentil gars du quartier. Il est trop doux Solal. 

Alors y’a un silence, il la fixe un moment sans un mot. Il attrape son portable et envoie un message à Nora, la priant de l’appeler dès qu’elle peut. Dans quelques jours sans doute, sans aucune gêne entre eux, le temps n’a pas la même signification dans le monde des orphelins. On a déjà un drôle de rapport au temps quand on naît dans la merde jusqu’aux dents. Alors il lève brutalement la bouteille dans une grimace, puis entre dans la maison alors qu’elle s’efface un peu de l’entrebâillement de la porte. Lui soupire et se laisse tomber dans le canapé, jetant un regard à son hôte en s’occupant de déboucher l’imposante bouteille. « Est-ce qu’il faut que j’attende que tu sois assez bourrée pour que tu me racontes pourquoi ? » Il fait en prenant les deux verres qu’elle lui tend, s’occupant de les servir en pinçant un peu les lèvres. Ils n’ont jamais été vraiment proches tous les deux, à peine un bref regard en coin et un sourire. Parce que Solal est d’un naturel chaleureux. Mais l’alcool a tendance à rapprocher les gens, il pourrait devenir son meilleur ami le temps d’une cuite. Il soupire en fixant son verre, avant de le lever lentement. « Bien, alors je trinque en espérant qu’elle va quand même m’appeler. » Et il fait s’entrechoquer le verre dans le sien, avant de relever ses yeux clairs vers les siens, avalant cul sec cette vodka à cinq dollars à peine, un goût terrible se rapprochant d’un désinfectant pour plaies profondes.

(jo & solal)
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Alcoolique. Quel destin fatidique ou fatalité destinée ? Les deux semblent fonctionner, bien qu’alcoolique apparaît tout de même comme une conclusion hâtive. C’est pas une bouteille de vodka qui va la faire basculer même si elle est rejointe par plusieurs copines par la suite. Et puis Solal la laissera pas tout boire, le partage c’est la base de la convivialité et Jo ne saurait pas être une mauvaise hôtesse et Solal un mauvais invité. Il rentre et naturellement ils se dirigent pour s’asseoir vers le canapé. Jo attrape deux petits verres au passage, pas besoin qu’ils soient plus grand. Après tout, c’est pas la quantité qui compte… et puis il faut bien faire durer le plaisir, la cuite n’en n’est que meilleure. « Est-ce qu’il faut que j’attende que tu sois assez bourrée pour que tu me racontes pourquoi ? » Hum… il est vrai qu’ivre, la parole se délie. Jo a pas tellement envie de s’épancher sur les raisons, raconter l’histoire. Elle n’est pas déjà pas très bavarde comme femme d’ordinaire mais elle l’est encore moins pour parler des choses qui ne vont pas et puis on ne peut pas dire qu’ils soient proches tous les deux. Pourtant en ce moment Solal apparaît être comme le meilleur des confidents en sachant très bien que demain matin, il ne se souviendra de rien. Peut-être que c’est son sourire qui joue en sa faveur. Jo sera bien évidemment toute aussi fraîche au petit matin mais ça, on n’y prête pas attention. « Bien, alors je trinque en espérant qu’elle va quand même m’appeler. » Les verres tintent l’un contre l’autre, leurs regards se croisent puis ils vident leur verre. Immédiatement le liquide lui brûle l’œsophage. C’est pas de la bonne mais il aurait été triste de gâcher une bonne mixture juste pour faire tourner les têtes. Qu’elle l’appelle… Jo aimerait bien qu’elle l’appelle aussi. Elle oublierait tout, au moins pour quelques heures. Juste le temps de s’engueuler à nouveau mais au moins les engueulades ça met de la vie dans cette maison. « Tu te dis jamais que parfois faire les bonnes choses fait de toi le méchant ? » Réflexion bien philosophique qui s’amorce. C’est ce qu’elle a sur le cœur. Cette culpabilité qui l’étouffe et en même temps, elle ne changerait pas sa conduite d’un poil. Quelle sensation contradictoire qui empêche d’apercevoir toute issue réaliste. L’excuse n’est pas envisageable et l’attente patiente trop cruelle. Que faire ? « Nora a ramené un flingue. Je l’ai trouvé. Je lui ai demandé de choisir : s’en débarrasser ou partir. Tu connais la fin de l’histoire. » Jo lui prend la bouteille des mains pour remplir leurs deux verres. Elle prend le sien avant de dire : « Je trinque aux choix qui nous tuent mais qu’on referait malgré tout. » Elle trinque avec lui et descend à nouveau d’une traite son verre. La brûlure est la même. Aucune chance qu’elle s’adoucisse… on en reparle dans quelques verres.

(jo & solal)
Les particules élémentaires.

L’alcool ça aide beaucoup. Pour combler les gênes, les petits silences, les grandes discussions et les angoisses. Solal et sa bouteille tombaient à pic, il ne serait sans doute d’ailleurs pas rentré s’il était venu les mains vides. Non pas que Jo ne l’apprécie pas, ils ont déjà passé quelques soirées ensemble. Mais parce qu’après tout ils ne se connaissent que rapidement, qu’à travers quelques regards en coin et politesses échangées. Solal est doux avec le monde, il est rare qu’il n’aime pas quelqu’un, mais son caractère un peu étrange a tendance à souvent l’éloigner du monde réel. Là encore l’alcool aide. Si bien qu’ils avalent tous les deux leurs verres cul sec, grimaçant un peu sous l’amertume du liquide, sans pitié pour leur œsophage. Solal s’étire et en profite pour retirer sa veste. Il est inquiet pour Nora. Mais il y a une sorte de détresse chez Jo aussi, il le sent, et ses paroles ne tardent pas à confirmer sa pensée. Il inspire sous sa question, pinçant les lèvres en s’enfonçant un peu dans le canapé, la regardant les resservir. « Est-ce qu’elle t’a dit où elle allait aller ? » L’air de rien il s’inquiète toujours, puis l’observe. Ça ne l’étonne qu’à moitié que Nora ait ramené un flingue. Elle prend beaucoup de mauvaises décisions ces derniers temps, traîne dans des quartiers trop sombres. Ils n’ont jamais eu aucune autorité l’un sur l’autre, il ne pourrait rien lui interdire, encore moins avec son propre comportement. Malgré tout, il voudrait pouvoir la protéger. Les protéger tous de cette ville de fou. « Tchin. » Il lâche en soupirant, faisant s’entrechoquer de nouveau leurs verres, l’avalant avec la même rapidité. Ils sont aussitôt remplis de nouveau, il conçoit désormais sans mal la détresse de Jo et ne cherche même pas à la freiner. Presque par réflexe, il vient poser une main sur son épaule. « Jo, elle va revenir. Je parlerai avec elle, on règlera cette histoire de flingue. » Lui non plus n’aime pas ça. Les armes, ça le rend dingue, le fait frissonner, le fait tomber à terre. Les flingues, ça a tué sa mère. Il a encore le même bruit qui résonne dans sa tête, il s’entend hurler dans sa chaise haute, il retrouve la solitude avant que la police n’arrive, le visage du concierge complètement pétrifié. Il revoit tout, n’a rien oublié. C’est sa malédiction, ce qui le hante et le hantera toujours.  À cette pensée, il avale un nouveau verre en hoquetant un peu, frappé par un tel rythme. Il inspire. « T’es pas une méchante Jo. C’est ça le pire, y’a pas de vrais méchants dans ce monde, même si on a toujours besoin de rejeter la faute sur quelqu’un. » Il fait en fixant un peu le vide, avant de tourner la tête vers elle, avant de soupirer, quel gosse se prend pour Socrate à vingt ans ?

(jo & solal)
Les particules élémentaires.

Il pose sa main sur son épaule et ça lui fait du bien. C’est con mais elle en avait besoin parce qu’à ce moment même, elle se sent vachement vulnérable. Pour tout le monde, Jo est une force de la nature, un roc qui ne plie jamais. Ce qui a ses mauvais aussi parce qu’elle donne aussi l’image d’une personne intransigeante et dure. Ce qu’elle est aussi mais quand on gratte un peu la surface, on sait qu’elle est douce et qu’elle a le cœur à vif. Alors ce soir, elle a pas envie de revêtir ce masque imperfectible, elle a besoin de lâcher, peut-être que c’est ça craquer. Ça fait peur et c’est tellement pas instinctif, surtout pas auprès de Solal. Mais en même temps, devant qui Jo accepte de se relâcher ? Pour elle, cela équivaut à rendre les armes. Jo ne rend pas les armes, elle se bat jusqu’à l’épuisement. Même Cash serre les dents pour arriver à un tel résultat, lui qui la connaît sans doute mieux que quiconque. Mais Solal est doux alors peut-être que la douceur appelle la douceur. Pourquoi lutter ? Dans quel but ? Jo ne sait pas, ne sait plus. Elle cherche seulement l’apaisement. Tant pis si cela est une forme de renoncement. « Jo, elle va revenir. Je parlerai avec elle, on règlera cette histoire de flingue. » Et elle le croit parce qu’il a l’air sûr de lui et parce qu’elle veut qu’il ait raison. Elle veut qu’il réussisse à la ramener, à lui faire retrouver la raison. Elle ne veut pas se battre, se fâcher et être dure. Non elle veut simplement que les choses redeviennent comme avant, sans violence. Parce que là encore, elle veut y croire. L’espoir, c’est bien bête parfois. « T’es pas une méchante Jo. C’est ça le pire, y’a pas de vrais méchants dans ce monde, même si on a toujours besoin de rejeter la faute sur quelqu’un. » C’est profond ce qu’il dit. Jo se demande s’il a été toujours comme ça. Peut-être qu’elle ne l’écoutait pas assez les autres fois. En tout cas elle le trouve bien intéressant et elle le remercie pour lui dire ces mots. Certes ils coulent de sens mais elle a aussi besoin de les entendre. Pas une méchante. Elle se raccroche à ça. « Tu penses ? On a jamais de mal à trouver les coupables de manière unanime. »[/color] Sans que ça n’ait de sens d’ailleurs. C’est comme si on avait besoin de méchants et de gentils, dans des catégories bien délimitées comme s’il n’y avait pas de milieu ou de nuance. Quelle vision limitée et pourtant… Comment ne pas associé l’adjectif à un meurtrier ? Difficile de trouver des arguments pour défendre. Encore moins quand comme Jo on a perdu des êtres chers et tout ça pour quoi ? Un peu d’argent. Ça n’a pas de sens. Jo se sert à nouveau un verre. « Tu sais mes parents sont morts, tués par balle. Un fait divers comme on en lit tant. Ils étaient dans leur épicerie à passer le balai et compter la caisse. C’était bientôt l’heure de fermer. Un gamin, dix-sept ans est rentré, les a menacés avec son flingue. Il voulait le fric. Mon père a dit non, il a tiré. Apparemment il a paniqué. Ma mère a hurlé et il a tiré alors sur elle. Il a attrapé l’argent et a couru. » Jo fait une pause, le temps de boire un verre. « Il est en prison. Au tribunal, il s’est excusé. Il m’a regardé droit dans les yeux et a demandé que je le pardonne. J’étais tellement en colère et en même temps, j’arrêtais pas d’avoir de la pitié pour ce gamin. » Elle fait de nouveau une pause, avalant une nouvelle gorgée. « J’ai pas pu. Je suis juste restée silencieuse jusqu’à ce que ça termine. » Encore aujourd’hui, cela reste douloureux. Sûrement que ça le sera toute sa vie. « Enfin tout ça pour dire, je crois que c’est pour ça que je supporte pas les flingues. »