no rest for the wicked (romy)

Un gros emmerdement. Voilà à quoi ressemblait la nouvelle co-équipière de Darius. Il avait réussi à se débarrasser de toutes les tapettes sans couille du commissariat pour se retrouver avec une blanche qui se ressemblait plus à une poupée barbie qu'à un membre des forces de l'ordre. Il avait même pas s'empêcher de s'esclaffer lorsque le shérif lui avait annoncé qu'elle serait son nouveau binôme, s'attirant le regard noir de Barbie dans la seconde. Il espérait pour elle qu'elle était plus solide mentalement que physiquement car il ne comptait pas l'épargner une seule seconde. Darius avait toujours mené sa barque seul, il patrouillait seul, intervenait seul et pour une excellente raison : il ne voulait pas avoir quique ce soit dans les pattes lorsqu'il se livrait à ce qu'il savait faire de mieux. Du business. S'il avait découragé tous ses anciens binômes c'était pour la simple et bonne raison qu'il n'y avait pas assez de place pour un autre flic ripoux dans la ville et qu'en plus de ça il était hors de question qu'il prenne le risque de se faire griller. Si jusqu'ici il avait réussi à se débarrasser de chaque petit cloporte qu'on lui collait, se débarrasser de l'agent Gallagher devrait aussi être facile qu'une partie de puissance 4 contre un enfant de 5 ans. C'était qu'une question de patience, et surtout de sournoiserie. Ca tombe bien, Darius excellait lorsqu'il s'agissait de pousser les gens à bout. C'était même ce qu'il savait faire de mieux et ce qui lui servait également de complément de salaire. Le chantage, les menaces, l'extorsion, le racket. Appelez ça comme vous voulez mais le fait est que ça marchait du tonnerre. Tous les délinquants de la ville étaient à sa botte, et ce n'était qu'une question de temps avant que les gros bonnets de Night Falls s'inclinent à leur tour. Mais la Barbie vivante qui venait prendre place à ses côtés dans la caisse de patrouille matérialisait un gros contre-temps qu'il avait tout sauf envie de subir. Bon, c'est notre première patrouille ensemble. Le mieux c'est que tu me regardes et que t'apprennes. Mais d'abord on va faire un premier arrêt dans un endroit très stratégique. Oublie pas de mettre ta ceinture, je conduis un peu brusquement. Un putain d'euphémisme. 10 secondes plus tard, les roues de la voiture de police crissaient sur le parking du commissariat. Dix minutes plus tard il se garait devant chez Harry's afin que Darius puisse aller chercher son Milkshake chocolat-noisette à emporter ainsi qu'une paire de pancakes qu'il engloutirait tout en conduisant. Barbie l'attendait sagement dans la caisse sur le côté passager, elle avait l'air de vivre le pire moment de sa vie au vu de tous les traits de son visage tendus. Parfait. Tout se passait comme prévu, et encore. Ce n'était que le début. Darius monta sans se presser derrière le volant. T'avais faim, peut-être ? Son sourire est narquois, moqueur. Il a bien envie de marquer la différence entre lui et elle, mais pas en se montrant condescendant. Non ça, ça serait pour un autre jour. Le but était en réalité de lui paraitre sympathique pour mieux la décevoir derrière. Ce genre de nanas devait détester le manque de loyauté, au premier coup dur elle demanderait sa mutation ou un changement de co-équipier et il serait alors complètement libre de reprendre ses petites activités. En attendant, il allait devoir être particulièrement prudent dans ses agissements devant elle. Un putain de parcours du combattant qui le contrariait vraiment dans sa routine mais ce n'était qu'une question de temps, se répétait-il, avant qu'elle aille chialer au shérif à son propos. Darius en connait un rayon sur les nanas et y'a aucune raison que celle-ci soit différente des autres. Au contraire, elle part avec un double-handicap puisqu'elle est flic en plus d'être blanche. Tout ce qu'il détestait. Sans parler de son minois de Miss America qui laissait suggérer qu'elle était plus du genre à aller à l'église le dimanche qu'à jouer aux flics et aux bandits. Mais soit. Tu devrais manger un truc quand même, t'es pas franchement ce qui se fait de plus baraqué. Si un mec te saute dessus pendant une interpellation tu peux être sûr de mourir écrasée direct. C'est du moins ce que laisse entendre son coat et sa chemise bleu trop grande pour elle. Darius était quasi-sûr qu'on lui avait refilé l'uniforme de Moore, une vieille flic morte d'un cancer des poumons il y a deux ans, juste avant de partir à la retraite. C'était bien le genre du commissariat de Crescent de faire du recyclage entre les vieilles parties trop tôt et les nouvelles recrues. Sacrée Moore. Darius lui avait pourtant dit d'y aller molo sur les clopes. Mais que peut-on y faire, les femmes n'écoutent jamais.

L'agacement qu'il lit sur son visage le réjouit. Il peut sentir sa nervosité, sa presque-envie d’en découvre et ça lui indique qu’il est sur la bonne voie. Il prend une longue gorgée de son milkshake, prenant soin de faire le plus de bruit possible. Elle feint de ne pas avoir faim, lui rétorque qu’elle fait de la boxe. Darius manque presque de s’étouffer avec son milkshake, il hausse les sourcils et la regarde de haut en bas, goguenard. Il a du mal à imaginer qu’un petit gabarit comme elle puisse se retrouver face à un sac de boxe. Pas avec ce visage angélique. Toi ? Tu boxes ? Je t’ai jamais vu à l’entraînement.  Il ignore si elle est originaire de Crescent, ou si elle vient juste de débarquer mais le fait est qu’elle ne l’a jamais vu à l’entrepôt où il s’entraine. Et rien que l’idée qu’elle puisse débarquer dans cet endroit où il arrivait à couper avec son job était particulièrement désagréable. Mais soit. Elle lui demande ensuite quel était le programme pour la suite, Darius hausse les épaules en balayant les environs du regard. On patrouille sur Fair Heaven cette nuit. C’est un quartier plutôt calme, il risque pas de se passer grand chose. Donc on va simplement faire des tours de bagnole en attendant qu’on nous passe un appel radio pour aller quelque part. C’est souvent des cas de violences domestiques dans le coin ou des gens qui signalent des rôdeurs près de chez eux ou directement sur leur propriété. T’as de la chance, là-bas on aurait pu commencer par Night Falls. Là-bas c’est carrément autre chose. Night Falls c’est son territoire, tout le monde le connait là-bas et pour cause. Ceux qui ont les poches vides savent d’office que Darius n’hésitera pas une seconde à les embarquer, alors ils se font petits, se tapissent dans l’ombre dès qu’ils voient la voiture passer devant eux. Les autres, ceux qui ont acheté la paix en glissant mensuellement quelques billets à l’agent King ne se pose pas de questions. Tant qu’ils payent, ils seront à l’abris. Darius fonctionne comme ça depuis des années, le fait qu’il soit le flic le plus corrompu de ce trou à rat ne lui pose aucun problème car il sait que de toute manière la plupart des âmes ici sont perdues. Les seules êtres en qui il croit, et pour qui il donnerait tout, c’est les gosses du quartier. Ceux qui sont pas encore totalement pourris jusqu’à la moelle par leurs losers de parents qui les confrontent à la dure réalité de la vie. Les armes, la pauvreté, le chômage, la violence, les gosses de Night Falls manquent pas de raison de foutre leur vie en l’air. Darius le sait car il a été un de ces gosses à qui on a volé son insouciance. C’était en fin d’après-midi, alors qu’il était encore jeune, lorsqu’un flic avait descendu son meilleur ami sous ses yeux. Après ça tout avait changé. Plus rien n’avait jamais été pareil. Et Darius avait compris qu’il y en avait pas un pour relever l’autre dans cette ville. T’apprendras vite ici que tout fonctionne par classe sociale. Haute, moyenne, basse. Apprends à tous les connaitre personnellement, fabrique toi des liens avec eux et tu deviendras une bonne flic. déclare t-il en allumant le moteur. Darius sort du parking puis prend la route. Les rues sont désertes à cette heure-ci, on est dimanche soir et les gens du quartier semblent être chez eux avant de recommencer une nouvelle semaine. Il tourne à l’angle de la sixième lorsque la radio annonce qu’un rôdeur a été repéré à quelques blocs, et qu’il aurait cassé toutes les vitres d’une voiture. Darius réponds. Agent King et Agent…  Il la regarde, feint de ne pas se souvenir de son nom.  Agent King et Agent Barbie sur le coup. Il rigole tout seul à sa table, puis active le gyrophare et l’alarme qui va avec avant d’écraser la pédale de l’accélérateur. Quand ils arrivent devant la maison en question, des habitants sont sortis, attendant sûrement Darius. Attends moi-là. Autre technique pour la faire craquer, la mettre totalement à l’écart des interventions. Avec un peu de chance, elle se sentait tellement inutile qu’elle demanderait vite fait bien fait à changer de binôme. Faisant ainsi le plus grand bonheur de Darius.

Finalement, même si le fait de l'avoir dans la voiture l'avait gonflé de prime abord il devait bien avouer que la jolie blonde était une distraction appréciable. A ses côtés, la patrouille passerait sûrement plus vite puisqu'il serait plus occupé à la pousser à bout qu'à regarder le temps passer lentement. Même si franchement, il était rare qu'une patrouille sur Crescent se déroule dans le plus grand des calmes. Les flics étaient totalement en sous-effectif, le département policier était en restriction budgétaire depuis la nuit des temps et le shérif racontait à qui le voulait que le board municipal faisait exprès de ne pas leur accorder plus de budget car certains petits trafics de la ville auto-régulaient la santé économique de celle-ci. Tout un tas de débat auquel Darius ne s'intéressait pas en temps normal car il n'était pas dupe. La ville était corrompue jusqu'à la moelle et ça ne servait à rien d'accorder ni du temps ni de l'attention aux élus qui se tapaient bien du sort de la délinquance et de la population de Crescent tant qu'ils tombaient pas en panne de cocaïne et de champagne à Orange Grove. Ceci étant dit, Darius aurait bien aimé que les restrictions budgétaires s'appliquent aux nouvelles recrues. Le shérif mettait toujours un temps fou à remplacer ceux partis à la retraite mais le recrutement de Gallagher avait été particulièrement rapide cette fois-ci. Darius se demandait même si elle n'avait pas été pistonnée, ça serait pas la première fois qu'il voit ça. Gallagher justement, n'était pas d'humeur à se laisser mener par le bout du nez et semblait toute disposée à se défendre. Lorsqu'elle le rattrape pour remettre les choses au clair Darius jette un coup d'oeil faussement gênés au couple de retraités qui les attend sous le porche. Gallagher c'est pas le moment de se prendre la tête, on a une affaire sur les bras... Elle lui reproche de ne pas vouloir l'inclure dans la procédure et Darius lève les yeux aux ciels. Cette fille était vraiment une plaie. Je voulais pas t'intimider dès le début. Allez suis moi, ça va bien se passer. Surtout ne stresse pas trop. Il se doute qu'elle peut avoir un peu d'appréhension mais la vérité c'était qu'elle lui paraissait plutôt à l'aise pour une flic qui faisait sa première ronde. Il y avait limite de quoi se demander si c'était vraiment la première fois qu'elle faisait ça. Darius réalisa qu'au final il ne savait pas grand chose d'elle. Il ne savait même pas si elle avait exercé ailleurs où comment elle était formée. Peut-être que finalement il aurait mieux fait de se renseigner sur sa potentielle ennemie plutôt que de se dire qu'il n'avait pas vraiment de quoi se méfier juste en s'en tenant à son physique. Tu sais quoi ? Vas-y, prend leur déposition. Finalement, il serait peut-être plus logique qu'il la passe sur le grill pour mieux l'observer au microscope. Il avait besoin de tout savoir d'elle pour mieux la mettre à l'écart, en observant ses faiblesses il pourrait tout simplement s'en servir contre elle en cas de besoin. Les longues ballades nocturnes en bagnole étaient souvent propices à la confession. Peut-être qu'elle allait se laisser tenter. Il la laissa donc prendre les devants. Le couple de retraités étaient paniqués, ils avaient entendu du bruit à l'extérieur puis lorsqu'ils étaient sortis, ils avaient découvert qu'on avait explosé toutes les vitres de leur caisse. Pendant que les deux vieux racontaient leur malheur, Darius regarda aux alentours avec sa lampe torche. Il éclaira la boite aux lettres sur laquelle il vit un autocollant "Make America Great Again." Oh. Il comprenait tout de suite mieux pourquoi on avait exposé la caisse de ce petit couple de retraités. Vous avez de la chance, moi j'aurais fait les pneus avec. lança Darius en les éclairant en plein visage avec sa lampe torche. Si il y avait bien un truc qu'il détestait c'était bien les électeurs de Trump juste après manquer de Ben & Jerry's dans son frigo. Démerde toi avec eux Gallagher, entre blancs vous devriez vous comprendre. Je t'attends dans la voiture. Joignant le geste à la parole, Darius rejoignit sa caisse en secouant la tête. Si ça avait tenu qu'à lui il se serait barré sans plus de cérémonie mais voilà l'inconvénient direct d'avoir un binôme : impossible de se déplacer seul.

C'est le genre de comportement qui lui a déjà valu un blâme mais c'est une habitude qu'il ne changera pas. Le panneau planté dans le jardin ces gens en signe de soutien à leur président actuel était un critère de non prise en charge aux yeux de l'afro-américain. Il détestait les blancs depuis le fameux jour où il avait perdu son meilleur ami et il n'était pas sûr que ça changerait un jour. Son coeur était noirci par la haine, clairement, et il n'était pas sûre que cela puisse un jour s'atténuer. Alors ni une ni deux, quand Darius avait capté que les plaignants étaient des électeurs de Monsieur Perruque-UV, le flic avait fait demi-tour net préférant laisser ce bourbier à sa binôme qui saurait sûrement mieux que lui comment gérer ses paires. Il ne peut pas, c'est au dessus de ses forces. C'est à prendre ou à laisser. Pendant qu'il attends dans la voiture, il en profite pour s'allumer une cigarette. Il a besoin de calmer ses nerfs, et allumer un joint pendant leur première ronde serait peut-être un peu too much pour ne pas provoquer un putain de scandale une fois de retour à la station de police. Alors il tire sur sa clope comme un condamné à mort, le regard perdu dans les allées boueuses de la résidence bon marché aux devantures défraichies. Lorsque Gallagher pénètre de nouveau dans la voiture, faisant claquer sa portière au passage, Darius se retrouve à serrer les dents comme si il essayait de broyer sa rage. Gallagher n'est pas aussi conne que ce qu'il pensait puisqu'elle a eut vite fait de mettre le doigt sur le problème. Mais le fait est que ce qui sort de sa bouche est encore plus rageant que le fait d'avoir du se déplacer pour aider deux gros racistes paniqués par les petites frappes du quartier. Darius éclate de rire, main sur le torse. C'est le truc le plus grotesque qu'il a jamais entendu. Mais tu vis dans quel pays au juste Gallagher ? Tu crois vraiment qu'on fait plus cette distinction en 2018 ? Tu crois vraiment que tous les blacks qui crèvent sous les balles des keufs sont tous des criminels en puissance ? Dans ton monde y'a pas de racisme et tous les gentils blancs supportent gentiment les méchants noirs ? Bordel t'es encore plus naïve et rookie que ce que je pensais. Ce n'est pas la première fois qu'il entend une blanche ou un blanc dénigrer les soucis que rencontrent la communauté afro-amérocaine. Ce n'est pas la première fois qu'on lui demande d'arrêter de jouer les victimes et de faire preuve d'un peu plus d'objectivité. Tout ça confirme à Darius que personne ne peut comprendre sa souffrance ou ce à quoi il est confronté à part les gens qui partagent la même couleur de peau que lui. Il n'y a même pas lieu de débattre, il a besoin de se barrer d'ici. De cette allée. Alors il remet le contact et entame une marche-arrière pour recommencer à rouler. Il a besoin de voir la ville défiler, n'importe quoi sauf devoir se repasser les mots que vient de dire Gallagher. Déjà qu'il ne l'appréciait pas des masses, sa naïveté venait de l'achever. Qui en Amérique pouvait penser que le racisme était derrière eux, que les gens ne faisaient pas de distinction entre les noirs et les blancs ? Tout le prouvait. Constamment. Les statistiques parlaient pour Darius et il aurait pensé que n'importe quel flic digne de renom saurait ça. C'est pour faire une différence qu'il est devenu flic, pour s'assurer que les gens de sa communauté ne serait pas malmené dans sa propre ville. Alors certes, il est loin d'être un flic modèle. Pire encore, il est clairement un putain de ripoux mais si il y a bien une chose qui lui tient à coeur c'est la protection de sa communauté quoiqu'il lui en coûte. Tu sais ce qu'on va faire ? A partir de maintenant tu t'occupes des blancs, je m'occupe des noirs. Je refuse de défendre ou venir en aide à des gens qui pensent qu'il est préférable de construire un mur à la place des frontières et qui défendent les white supremacist de Charlottesville et compagnie. Ouvre tes putains de yeux Gallagher, si tu crois que les choses ont changé tu te trompes sur toute la ligne. Un nouveau silence, puis il se sent obligé de rajouter. Et le problème avec toi c'est pas que tu sois blanche, c'est que je dois te supporter à chaque fois que je bosse. J'aime faire mon Taff seul, j'aime pas être freiné ou scruté quand je bosse. C'est tout. Il passe sur le fait qu'elle est une femme et que c'est également un problème à ses yeux, il ne fait ni confiance aux femmes ni aux blancs. Gallagher est le résumé de tout ce dont il se méfie vis à vis de la race humaine mais il supporte en silence car son job compte à ses yeux et que tant qu'il ne l'a pas fait craquer sous le poids de la pression il devra faire avec. Peu importe ses opinions.

Darius ne craque pas. Pas d'habitude du moins. Il arrive toujours à garder son expression goguenarde et le contrôle de la situation. Ce n'est jamais lui qui abdique en premier, sa spécialité c'est de pousser les gens à bout et pourtant ce soir c'est lui qui finit par exploser. Il vide son sac comme si ça faisait des années qu'il en rêvait, il sent son coeur s'emballer comme à chaque fois qu'il parle de sa communauté. Ce sentiment d'injustice qui l'étouffe et qui motive chacun de ses gestes ne l'a jamais quitté depuis qu'il a vu son pote se faire descendre. Parfois il aimerait réussir à s'en sortir, il se glisse à l'église de temps en temps. Tente de trouver le répit là où son désespoir l'emmène mais rien ne parvient à apaiser son coeur noirci par la haine et la colère. Trop d'années à en vouloir au monde entier, il ignore à présent comment recourir à la paix. Alors lorsque quelqu'un appuie sur le fameux bouton, comme Gallagher ce soir, c'est les démons des enfer qui sortent de leurs cages avec l'avidité du Malin. Gallagher fait office de dommage collatéral et le pire dans tout ça c'est qu'elle fait sens. Lorsqu'elle lui dit qu'il ne pourra jamais faire son job correctement en gardant cette haine au fond de lui, King sait qu'elle a raison. Quand elle affirme qu'ils ne peuvent pas se comporter comme ça car ils sont différents des consanguins qui peuplent la partie basse du pays, il est obligé d'acquiescer intérieurement. Mais ce que Gallagher ignore et qu'il ne pourra jamais lui confier  c'est que Darius a déjà pris sa décision quant au style de flic qu'il voulait être. Et clairement faire son job sans haine ne faisait pas partie du process. Darius savait que si il n'était pas devenu flic, il aurait fini avec les mecs qu'il arrête tous les jours. Il n'aurait pas donné cher de sa peau dans la rue mais si il est là aujourd'hui du bon côté de la vitre teintée c'est parce qu'il préfère être un flic ripoux que de ressembler un tout petit peu à son connard de père. Sans le savoir, Gallagher met le doigt sur tout ça. Sans le savoir, elle prononce des mots qu'il avait besoin d'entendre inconsciemment. Pour la première fois depuis qu'il a posé les yeux sur elle, Darius voit sa co-équipière autrement. Il devine un truc chez elle qu'il aurait jamais pu soupçonner et qui l'oblige à tout remettre en question. Son ton dur mais calme, sa façon de raisonner, cette familiarité qu'elle se permet pile au bon moment après des heures à avoir fait semblant d'être distante et cordiale le désarçonne. Il s'attendait à tout sauf à ça. Alors il garde le silence, il n'a pas la force de lui répondre car il sait au fond de lui qu'après ce qu'elle vient de dire rien n'aurait vraiment de son. Tout sonnerait terriblement con. Un long silence s'installe dans la voiture, quelques minutes tout au plus mais suffisamment pour que Darius se rende compte de la gravité de la conversation qu'ils viennent d'avoir. Je vais te montrer les coins qui craignent, et ceux où tu peux sortir de ta voiture tranquillement. Je vais te présenter quelques visages incontournables de la ville et te briefer sur nos charmants collègues au commissariat. Et ça suffira pour ce soir. Il n'a pas la force de repartir dans un délire qui viserait à la décourager de vouloir bosser avec lui. La petite calotte qu'elle vient de lui mettre derrière la tête, figurée bien sûr, a été suffisante pour lui couper le sifflet pendant un bon moment. Darius n'a plus envie de jouer au con pour ce soir. Il continuera la patrouille presque normalement, et si elle le laisse s'arrêter d'ici deux heures pour reprendre un chocolat chaud, y'a des chances qu'il arrête de la détester jusqu'à ce que le jour se lève. Sans doute.