after the storm (marcy)

le corps grimpant sur le haut et mince cylindre en métal planté au milieu de la scène, le corps en chute libre pour une seconde, à peine. une cascade de cheveux qui embrasse le plancher, les jambes qui lâchent le poteau et marceline qui s'avance près de la table des hommes assis, battant des cils, laissant son être s'enivrer de la musique aux basses qui défoncent les tympans. les hommes sifflent, lèvent leurs verres, préparent les billets alors qu'elle se pose sur ses genoux pour aimer le sol comme personne ne l'aime et les spectateurs hurlent, les billets s'envolent alors qu'une grande main appartenant à la gente masculine vient coincer un billet de cinquante dans sa culotte. c'est la folie - mais ça l'est toujours, ici. de ses yeux trop maquillés, elle aperçoit ce visage qui lui coupe le souffle qui fait chavirer son coeur (il était un petit navire, il était un petit navire, qui n'avait ja-ja-jamais navigué) qui tord ses tripes en un million de noeuds de marin dans son ventre papillons. elle détourne le regard, retrouve la vision de ces clients satisfaits qui en demandent tellement plus. pourtant, la chanson s'essouffle et mars doit céder ce petit coin de piédestal à une autre poupée. avant de quitter la scène, elle collecte l'argent avec rapidité, habitude qui teinte chacun des mouvements des filles qui travaillent ici et qui terminent leur petit show. elle a envie d'intoxiquer son corps, de sentir la nicotine détruire son être et la fumée souiller ses poumons qui ne sont plus rose bonbon. dans le vestiaire, elle enfile une robe lui couvrant à peine le corps et une veste infiniment grande pour son petit gabarit. ce soir, ses hautes chaussures lui font mal, mais ce serait de la folie de devoir les enlever pour devoir les remettre après cette pause bien méritée. quand sa richesse raisonnable est cachée dans sa boîte de tampons, elle remet son sac dans son casier et sort du bar, quittant la musique assourdissante et l'atmosphère parfois étouffante de l'endroit.

sous la faible lueur de la lumière néon de la ruelle, elle arrive à le voir. à ne remarquer que lui, que son visage pas encore définit, que sa chevelure sombre et ondulée, que ses grandes mains. la distance qu'elle choisit d'instaurer entre eux est raisonnable, quoi que l'envie de faire les yeux doux ne lui manque pas. elle se concentre surtout sur ce briquet qui n'a pas envie d'enflammer cette meurtrière à ses lèvres et qui la fait bassement grogner. la main de l'homme se tend vers elle avec la flamme bien en vue et marceline s'avance pour allumer la cigarette. elle voudrait le remercier, mais il lui offre des mots sans gêne sur un plateau d'argent. elle prend une bouffée de mort en restant silencieuse un moment; ses yeux scrutent sans gêne le faciès de l'étoile, essaient d'enregistrer chaque détail important de sa personne. « j'avais besoin d'argent. » silence. « j'ai encore besoin d'argent. » pourrait-elle lui confier qu'elle n'a trouvé aucun autre but dans la vie que de rouler ses billets de cent dollars en espérant un jour trouver une véritable raison d'avancer tous les jours dans la vie ? elle piétine le sol de ses vertigineuses chaussures et lève la tête vers le ciel. il est sombre, un océan pétrole sans points de lumière que l'on peut distinguer. « et c'est la seule famille que j'ai. » des êtres bancals qui se serrent les coudes parce que la vie est bien plus difficile qu'il n'y parait. son regard se baisse et se pose de nouveau sur l'hispanique qui semble avoir été taillé dans le marbre par rodin lui-même. « vous aimez venir voir les filles danser pendant vos petites réunions d'affaire. » ce n'est pas une question, c'est un constat. un constat agréable qui réjouit étrangement mars.
et puis même si c'est elle, la planète,
pour cet inconnu, elle se surprend à penser qu'elle pourrait être
son satellite.
me laisser graviter autour de ton toi cosmique.

il aurait fallu se trancher la gorge pour se défaire d'un tel rêve. les facettes porcelaines de la nymphe insaisissable à ses côtés n'avait pratiquement rien de réel. elle épousait les néons et leur aurait probablement brisé le cœur, avec ses regards éclairs. abel se serait laissé foudroyer sur place si ça ne dépendait que de lui, et de son palpitant à l'essoufflement facile. ainsi s'abattait le sort de quelqu'un qui s'adonnait toujours pleinement à la rêverie.
sa réponse lui semble plus ou moins évidente. peu de femmes se fondaient aux barres juste pour le plaisir, il y avait des rêves dorés derrières les parades. l'argent, vil ami, à la loyauté variable – comme s'il avait toujours été question de lui. « vous êtes sûre d'appartenir à cet endroit? » il n'y est pour rien. elle a ces reflets de divins, quelque chose de bien plus éclatant que n'importe quel autre spectre du sinners. abel l'aurait plutôt vue dans un cinéma, une galerie d'art peu fréquentée. il y avait des traits artistiques dans sa froideur. et surtout, sa volonté à lui de la voir dans un décor différent. juste un tout petit peu insensé. « je veux dire, il y a d'autres moyens de se faire de l'argent. mais, peut-être que vous aimez danser. » haussement d'épaules, pour chasser les questionnements épineux.
c'est frais. dans le cœur, dans la tête; dans les yeux de l'inconnue. ça a le goût d'une pause dans le temps, il n'y a qu'eux deux près de la route et le reste n'a qu'à disparaître. abel vient pour la chance de pouvoir s'oublier, c'est pour ça qu'il accepte toujours de se mêler aux débris du club. il n'a jamais vraiment l'occasion de s'effacer. « non. je viens ici parce que dans cet endroit, personne ne fait attention à personne. » et soudainement, il n'est plus abel. il n'est plus qu'un de ces hommes en costume, à l'apparence peut-être plus soignée que le reste, mais à l'identité tue. et puis, au final, ça ne dure que quelques heures, juste le temps de se détacher de soi.
l'envie de s'attacher aux autres pour un bref instant. pour changer l'odeur de la nicotine et briser le décor. étincelles dans les iris, nouveau souffle. « vous aimeriez que je vous regarde. » affirmation, question, doute. désir enfoui que quelqu'un demande ses yeux à lui. au même moment, son regard ne voit qu'elle, lui offrant son attention complète, accompagnée d'un peu d'audace. comme si c'était la première fois qu'il lui donnait ses yeux, comme si la couleur à l'intérieur n'était pas entièrement sienne dès qu'il venait ici.
il avait enfin trouver un visage à ne pas oublier.

marceline a des allures de divin; les néons qui brillent lui offrent le temps d'une cigarette un halo transcendant, une auréole de sainte - priez pour nous pécheurs. elle offre son corps aux nuits incandescente dans l'espoir d'avoir toujours un peu plus d'argent en attendant le jour où elle trouvera le pourquoi elle est toujours en vie. la question de l'homme lui laisse un goût amer en bouche; elle se dit que si elle n'appartient pas à cet endroit, elle n'appartient à rien, alors. « oui, évidemment. » mais les mots ont déjà fait le mal. elle se demande si elle a vraiment une place dans ce monde aguicheur, si elle a vraiment une place dans ce monde, point. « j'aime danser. »
elle inspire la fumée de sa meurtrière en levant la tête vers le ciel.
cet homme lui coupe le souffle, lui offre un frisson de curiosité. elle l'a déjà vu plusieurs fois dans le club. il n'a jamais voulu la voir danser de près, il n'a jamais voulu lui offrir des billets coincés dans la culotte. peut-être ne l'avait-il jamais même remarqué ? marceline a le visage dur et les traits délicats à la fois, mais ses formes, comparées à celles des autres danseuses, attirent moins les regards. peut-être que la luxure n'émane pas de son aura. peut-être qu'elle laisse les grands de ce monde indifférent. elle a envie de lui dire qu'elle l'a remarqué plusieurs fois. qu'elle, fait attention à lui. remarque ses mouvements, ses mains agrippant un verre d'alcool fort, ses doigts coinçant une cigarette entre ses lèvres, ses cheveux bouclés et sa mâchoire se serrant sur elle-même lorsqu'une remarque le rend froid. alors oui « j'aimerais beaucoup. », lui répond-elle, le regard se posant de nouveau sur lui. elle adorerait voir ses yeux ne dévorer qu'elle.
mars la planète envoie valser le cadavre de cigarette au loin et en allume une nouvelle pour mourir plus rapidement - elle espère. elle tend ensuite sa frêle main à l'inconnu, les lèvres semblant vouloir s'étirer vers le haut sans pour autant vraiment bouger sur son visage. « moi c'est marceline. et vous ? » elle a besoin de savoir. elle doit absolument tout retenir de lui.