› identité: (lovecraft) comme celui qui conte les histoires qui font peur, le célèbre écrivain à la plume de démon. c’est le destin qui se marre devant l’ironie du sort. quand on connait le phénomène, j’vous assure, on craque un sourire. le nom lovecraft, c’est le musée des horreurs. deux parents dépassés et une gamine qui a pas donné envie d’en avoir d’autres. on le dit d’un air goguenard, mais on le pense vraiment : y’a pas d’amour chez les lovecraft. y’a
plus d’amour chez les lovecraft. y’a que de l’indifférence et on la bouffe au petit-déj, au déjeuner, au diner et même au goûter les jours de rab. on s’fait clairement chier aux repas de famille. on a des trucs à dire quand on s’aime, encore plus quand on s’aime pas, mais quand on s’en fout, qu’est-ce qu’on fait? et bah on ferme sa gueule et on subit le temps qui passe. ouais, le nom c’est lovecraft. j’aurai bien dit comme une famille mais j’vais pas vous mentir. lovecraft, donc. comme celui qui conte les histoires qui font peur, le célèbre écrivain à la plume de démon.
(salem) on en a brûlé des sorcières en 1692 et s’pourrait bien qu’ils en ait oublié une. le prénom comme la ville pesteuse des devineresses, faut croire que ses parents les enchaînent les boulettes. ça pue le prénom new age, on l’imagine déjà devant son grimoire à maudire les enfants des voisins, à tuer des lapins pour ses potions magiques, à sacrifier des renards dans la cave. détraquée, peut-être. sorcellerie, pas encore. la vérité, c’est qu’elle partait déjà pas bien la pauvre enfant avec une identité pareille. à peine née et déjà prédestinée au
freak show, faut pas s’étonner de ce qui passe ensuite, de ce qui se passera après.
› âge, date de naissance: (23 décembre 1994) il paraît qu’il neigeait ce jour-là. un jour d’hiver, un jour de silence, le bruit absorbé par le manteau qui endort la ville. on raconte qu’elle est née sans douleur, salem. un bébé rapide à sortir, juste comme ça, ça a pas fait un pli. et puis, le docteur y trouvait ça mignon une petite fille née la semaine de noël. « un cadeau d’avance » qu’il disait en délivrant la môme. bah! il pouvait pas l’savoir, l’idiot, mais qu’est-ce qu’il avait tort. aujourd’hui, salem elle a
(vingt-quatre ans) et c’est autant d’années d’errance ; à passer d’une vie à l’autre, d’un visage au suivant et puis à se demander comment on existe.
› signe astrologique: (capricorne). monstre de stoïcisme dit-on. la raison avant tout et c'est vrai sous certains égards. mais n'écoutons pas trop les étoiles, ce sont des souvent menteuses.
› lieu de naissance, origines: (elle ne vient pas d’ici) elle est née dans une ville comme celle-là, pas vraiment trop loin, pas non plus trop près. la vie un peu solitaire des petites communes, elle connaît bien. de là d’où elle vient, tout le monde sait qui elle est et c’est bien pour ça – entre autres choses – qu’elle est partie. après avoir détruit tout ce qu’il y avait à détruire dans son chez-elle d’origine, elle a fui et faut croire qu’en suivant les étoiles, elle s’est retrouvé ici, à crescent heights.
(arrivée en janvier 2015), ça fait trois ans maintenant qu’elle fait partie de la foule, qu’elle n’est qu’une parmi les autres.
› emploi, études: (opératrice 911 au commissariat de fair haven) la voix dans le téléphone, celle qui te
ment en te disant que tout ira bien, c’est elle. c’est salem. tous les jours, elle écoute la détresse qui pleut de toute la ville. on lui murmure des confidences qu’on oserait même pas dire à son mari. elle sait tout des petites meurtres entre voisins et des injures entre copines. c’est son job d’envoyer la police chez toi ; de servir et protéger entre autres. mais faut pas s’y tromper. c’est pas que ça l’intéresse la justice. c’est juste une question de gagner de l’argent pour vivre bien, pour faire comme les autres.
› orientation sexuelle: (indéterminée) comment savoir ce qu’on aime quand on a jamais aimé? si elle avait des sentiments, salem en est certaine, ils ne feraient pas la différence entre un sexe ou l’autre. c'est une curiosité étrange du comportement des autres que d'avoir ce genre de préférences.
love is love, after all. du moins, c’est ce que les gens disent.
› statut civil: (célibataire) l’amour, ça lui passe au-dessus de la tête. elle comprend pas, elle a jamais compris. n’est-ce pas une chose étrange que d’évaluer la vie d’un autre au même titre sinon plus que sa propre vie ? c’est contre-nature, contre l’instinct primitif de survie. on parle de gens qui meurent pour protéger ceux qu’ils aiment, salem serait pas capable de faire pareil. autrui l’
indiffère purement et simplement.
› traits de caractère: (sociopathe) c’est le mot qui choque, le diagnostic qui dérange. une étiquette pour dire gentiment que t’es cliniquement cinglée. ouais, c’est une sociopathe, salem. elle ressent rien. les sentiments, les émotions, elle comprend pas. les normes sociales lui échappent, vivre comme les autres, elle a jamais su comment faire.
(étrangère) c’est pas facile de se sentir à sa place quand on a dans la poitrine un cœur qui ne bat pas. c’est comme être mort, mais en vie. c’est étrange que d’être lesté de ce qui rend les gens humains. dans le monde, salem a jamais vraiment su où se mettre. dans quel rayon on range les jouets qui ne marche plus? c’est un route solitaire pour les gens comme elle.
(imitatrice) pour essayer de vivre, ne serait-ce qu’un tout petit peu, il a fallu faire comme les autres. alors salem est devenue observatrice. elle a appris à reconnaître l’amour, l’amitié, la tristesse, les remords et à les reproduire sans les comprendre. c’est comme danser sans entendre la musique. la copie n’est pas toujours parfaite et parfois, on sent que ça bloque. mais elle fait de son mieux pour rentrer moule, elle fait ce qu’elle peut pour être normale.
(insensible) c’est qu’elle a souvent le mot qui blesse, le regard qui s’ennuie, l’envie de s’barrer. elle a tendance à pas faire gaffe aux autres, à ce qu’il pourrait ressentir. elle a tendance à faire peur : stoïque, jamais une larme de versée, impassible et incapable de compassion, on a très vite fait de la comparer à un monstre.
brulons la sorcière, elle ne ressent rien. c’est du sarcasme, c’est des remarques déplacées, c’est un manque de tact cinglant, c’est tout ça salem. et pourtant, elle essaie de faire mieux. elle voudrait bien savoir ce que ça fait d’être humain, au moins une fois.
(artiste) chacun son truc pour forcer le cœur à battre. salem se tente aux arts pour voir ce que ça lui fait. elle fait du violon de temps en temps, elle a pas de talent particulier pour, mais elle se débrouille. ça lui arrive d’écrire aussi. c’est jamais bon. ça manque toujours de relief, de consistance. on dit que les mots se nourrissent de ce qui vient du cœur. les mots de salem sont affamés.
(impulsive) ça fait partie de son diagnostic, elle a du mal à ne pas faire ce qu’elle veut. elle suit ses impulsions où que ça la mène et c’est jamais bien. ça la rend autodestructrice, ça la rend dangereuse. tenter le diable, voir si ça lui fait peur, c’est un peu son truc. c’est avec un flingue sur la tempe qu’elle se sent la plus vivante. ça la fait vibrer au bout des doigts, ça lui donne l’illusion d’être comme les autres. et les illusions, elle en mange à s’en faire péter le bide. n’importe quoi pour combler le vide, pour combler l’absence.