nights were mainly made for saying things that you can't say tomorrow days

- la tête tournée vers les étoiles -

ça n'était qu'un jeu

Les mains dans les poches, les poches trouées mais de toute manière pas bien remplies ; les sonorités américaines te manquent. Ton corps vibre, les voitures passent rapidement à tes côtés et ton regard se perds sur les immeubles. Tu t'étais imaginé autre chose. Les récits contés avec passions décrivaient autre chose que la rue, l'alcool et les lignes de codes vendues pour subsister.
Tu savais ce que tu quittais - l'ambiance pesante de ce quartier sale, cette ville damnée, cette famille étouffante, et te disais que tu trouverais forcément mieux. T'es partie de là et t'es envolé vers la France, voir de tes propres yeux comme le pays est beau, mettre des souvenirs sur les images que tu t'es construites alors qu'on te racontait comment on vit là-bas, gamin.

un jeu bête et idiot, mais un jeu

“ Fous moi la paix, Timothée. ” Tu oublies ton frère. T'as honte, mais tu l'oublies. Les remarques bêtes et méchantes de l'aîné n'ont pourtant pas d'importance tu disais, mais tu le laisses derrière toi. Il est de ces gosses à suivre aveuglement son père, à répéter ses phrases. Ses répliques. Et il y en a certaines qui ont petit à petit désépaissi le fil qui vous liait jusqu'à ce qu'il lâche, trop fragile. Ils sont de ceux qui estiment qu'un homme se doit d'être fort, ne peut pas pleurer, pas flancher - t'as vite compris que ce n'était pas ton cas, et t'as douté d'être un homme. L'anxiété accrochée à ton bras, tu tremblais pendant qu'il te disais que tu n'étais qu'une fillette, et que bientôt tu allais lui annoncer que tu étais de la jaquette. T'as jamais compris pourquoi ils disaient ça, pendant que ton petit frère tannais de savoir ce que c'était, la jaquette, alors que tu étais sûr de n'aimer que les filles. Tu secoues la tête. Il n'est plus là. Ils ne sont plus là alors que tu souris aux passants, un sac sur le dos et un ordinateur sous le bras, prêt à conquérir le monde du haut de tes dix-neuf ans.

mais il y a de ces jeux où on ne peut que perdre

Ta respiration s'accélère à mesure que le temps passe. Les regards changent en même temps que ton allure. Tu l'as joué idéaliste, utopiste - la ville des lumières n'accepte pas tout ceux qui frappent à sa porte. Sans papiers, sans garantie, tu ne trouves pas d'abris satisfaisant dans les temps impartis et te retrouves un peu n'importe où. Avec n'importe qui. Ton état mental se dégrade alors que le gamin était déjà fragile, et tu perds brusquement le poste que tu avais trouvé dans la sécurité informatique. Sans argent, sans médicaments, tu deviens une cible facile, et alors que tu te mets à utiliser tes connaissances technologiques pour te permettre de subsister, on te propose l'impensable. Tu trouves un trésor, le Graal ; on te démarche et le bonhomme est impressionné par tes compétences. C'est dommage, que tu vives dans la rue et que tu galères ainsi alors que t'as du talent gamin. C'est dommage.

il y a de ces jeux où on ne peut que perdre

T'as l'impression de vivre un film. C'est pas possible de vivre tant de malheurs, pas possible qu'il se passe tant de choses dans ce si beau pays. Beau, t'en es plus si sûr, alors qu'il t'attends devant chez toi - mais c'est pas tout à fait chez toi. Tu te le paies avec un argent qui ne t'appartient pas, et tu ne rentres que pour craquer sous l'eau brûlante de la douche ou te lover dans les bras du Xanax. C'est avec ça qu'il te tient, ta nouvelle amie - aux bras rassurants mais aux longs ongles tranchants. Il attends adossé sous le perron, souriant au possible. Il a quelque chose d'autre à te proposer, une autre mission, et te fais croire que tu as le choix. Mais ses dents éclatantes ont l'air d'un tranchant incomparable.

imprudence que de faire tapis alors qu'on n'a plus que sa vie

Tu t'extirpes de tout ça du jour au lendemain. Tu te réveilles un matin en réalisant qu'il se sert et se joue de toi, et que tu vas finir par y passer. Les pilules dans la main, tu te prends une claque ; tu te fais pitié, assis dans ton canapé le visage encore rougis de la grande dose que tu t'es pris cette nuit. C'est la seule fois où l'anxiété t'as aidé, peut-être. Suant, les mains collantes, t'as eu peur pour ta vie. Inconsciemment, t'as suivi un mec un soir parce qu'il te plaisait, parce qu'il t'a fait croire qu'il voyait en toi quelque chose d'exceptionnel - mais de se rendre compte que tu n'étais pas indifférent à son charme lui a donné une chaîne de plus pour te tenir. Mais tu la brises avec toutes les autres, et en mettant tes cartes et disques externes au micro-onde, ballais d'un revers de la main ce à quoi tu t'attaches depuis si longtemps. Y'a eu ce gosse, pendant toutes ces années - qui arrivait à être joyeux alors qu'il baignait dans peut-être encore plus de crasses que toi, à qui t'as dis que tu partais. Tu sais pas vraiment pourquoi tu lui as dis, mais t'as pas regretté, il t'a filé un peu d'argent parce qu'il te devait encore quelques verres et un numéro sans te dire à qui il appartenait. T'as appelé, et une voix fluette au bout du téléphone t'as demandé si c'était pour prendre rendez-vous ou si tu étais déjà client du psychiatre.

casse toi pendant qu'il est encore temps

Tes trente ans sonnant à la porte sans aucun avenir, tu ne prends rien et pars aussi loin que tu peux. Tu resteras plusieurs jours dans un coin de la gare à trembler, de peur et de manque, puis tu reviendras là où tout à commencer ; te sentant bête à crever d'être parti d'ici. Tu l'as critiquée, ta ville, mais t'y reviens en te rendant compte que tu l'aimes, peut-être parce qu'elle est aussi bancale que toi.