a light in the dark (cash)

Le Sinner a péri dans les cendres et la planque de Darius avec. Plus d'endroit où boire et se marrer devant des gros culs qui s'agitent en échange de billets. Un crève-coeur pour l'officier King qui avait perdu un de ses repères, voir même son garde-fou, qui l'empêchait de devenir dingue avec le job de merde qu'il se tape. Le Sinner avait au moins le mérite d'être plus sombre que ses idées noires. Dans la pénombre il pouvait être qui il était vraiment : un trentenaire rongé par la haine et aigri par la vie. Pas de meuf, pas de gosses, pas de perspective. Il sait qu'une promotion lui pend au nez, promotion menacée par l'arrivée d'une nouvelle collègue qu'il a étiqueté du mot "ennui". Depuis la disparition du Sinner, il a le sentiment que toute la vermine de Crescent s'est déployée dans tous les quartiers de la ville. Des rats à la recherche d'un nouveau QG. Darius tend l'oreille en attendant qu'un nouveau lieu de débauche où il pourrait trainer soit désigné. En tant que flic, il pourra toujours faire genre que c'est sa manière de garder un oeil sur la vermine de Crescent. Mais les habitués savent à quel point ce serait faux. Cash fait partie des rares personnes qui savent qui est vraiment Darius sous ses airs de flics serviable à la communauté. Il n'empêche. Le fait est que le Sinner a disparu. Heureusement, il connait la ville comme sa poche et les endroits où passer un moment tranquille ne manquent pas. Comme le phare ce soir. La nuit est noire, le bruit des vagues apaisant et les étoiles le couvent d'une lumière blafarde et pourtant rassurante. Un milkshake chocolat à emporter dans la main, un joint dans l'autre, Darius attend son poto sûr. Il regarde son iPhone de temps en temps, dans l'attente d'un message mais il sait que Cash va sûrement se ramener sans avoir pris le temps de confirmer sa présence. Les deux avaient l'habitude se retrouver au Sinner pour se payer des coups à boire et cracher sur la vie. A défaut de pouvoir se retrouver sur la banquette du club de strip-tease, Darius lui a proposé le capot de sa caisse près du phare. Il l'y attend depuis déjà vingt minutes lorsqu'il entend une voiture approcher et se garer à côté de sa caisse. Quelques minutes plus tard, le barbu lui fait face. Handshake, sourire complice. Hey, bro. Comment tu vas ? Darius le jauge un instant. Putain t'as une tête à faire peur, ta meuf t'a tej ou quoi ? Cash est comme lui. Ils vivent dangereusement. Les normes sociales, les diktats, ça fait longtemps qu'ils ont balayé tout ça au profit d'une vie qu'il mène sans Dieu ni maitre. Mais cette vie a un prix. Et vu la gueule de Cash, il semblerait qu'il l'ait payé récemment. Darius lui tend son joint. T'es passé me prendre un muffin chez Denny's ou pas ? L'addiction au sucre, toujours. Seul carburant pas trop malsain de ces soirées sombres.

Le vent marin, le bruit des vagues, la lumière des phares, c'est dans l'obscurité presque rassurante du paysage côtier que la silhouette de Cash se dessine. Darius ne tarde pas à reconnaitre l'expression renfrognée de son ami. Une accolade amicale et voilà qu'ils abordent déjà un de leurs sujets préférés : les femmes. Darius les méprise autant qu'il les désire, les collectionne, les jette et les récupère autant de fois qu'il le souhaite. Jamais malmené, il a l'habitude de se servir comme un obèse dans un magasin de bonbon : compulsivement, de manière complètement irresponsable. Mais le fait est que ça marche et qu'elles reviennent toujours, en rampant même parfois. Que ça soit via des messages ou en le stalkant jusqu'à son taff. Si Darius a bien appris un truc au contact des femmes c'est qu'au plus il se comporte comme un connard et plus elles le harcèlent. Putain de logique. Si de temps à autre Cash se montre loquace, c'est définitivement pas le cas ce soir. Le flic ne dit rien quand le tatoué balaye le sujet pour aborder sa masse graisseuse. Ouais, faudrait que je fasse attention... Darius rigole avant de jeter un regard vers l'horizon puis de nouveau vers son pote quand il lui demande ce qu'il fout ici. Darius le regarde un instant comme si c'était un débile mental, la question était-elle vraiment nécessaire quand la réponse était si évidente. Ils avaient rasés le Sinner par les flammes, réduisant à l'état de cendre le repère préféré de Darius, et celui où il se retrouvait avec Cash accessoirement. Un des rares endroits où il parvenait à décompresser, où il se sentait dans son élément. Assez rare pour être noté. Le Sinner était une entité à Crescent, la population se divisaient en deux parties : ceux qui y allaient et s'y plaisaient, ceux qui le détestaient et qui se réjouissaient sûrement de sa destruction. Au poste, beaucoup de flics étaient contents de ne plus avoir ce merdier à gérer, le Sinner collectionnait les infractions en tout genre , les trafics qui se déroulaient à l'intérieur étaient autant de secrets de polichinelles que tous les habitants de Night Falls connaissait. C'était généralement mal vu pour un flic de trainer dans un tel endroit mais Darius était assez malin pour venir les jours où il ne risquait pas de croiser ses collègues et lorsqu'ils en croisaient un il prétextait que ça faisait parti du taff. Sauf que voilà, maintenant le Sinner n'était plus et Darius avait de quoi être totalement désemparé. Il avait l'impression qu'on lui avait volé quelque chose et de ce fait avait envie de le faire payer aux responsables. A ce sujet, tu sais ce qu'il s'est passé avec le Sinner ? Je serais curieux d'attraper les fils de putes qui ont fait ça. Ils ont du mettre j'sais pas combien de personnes au chômage technique avec leurs conneries, j'me ferais un plaisir de les coffrer. T'aurais pas des infos là-dessus genre ? C'est le truc avec Cash, leur amitié a de multiples avantages et celui-là en fait partie. Gratter des infos sur des affaires lui permettait d'avoir souvent trois coups d'avance et de faire bonne impression sur sa hiérarchie. Les bruits de couloir murmuraient qu'il serait bientôt promu inspecteur. Poste qu'il aurait pu avoir depuis longtemps si il ne s'était pas pris deux sanctions disciplinaires après avoir malmené un détenu sous l'oeil mesquin d'une caméra de surveillance puis en pétant trois dents à un ancien collègue qui l'avait appeler "that nigger" pensant qu'il était trop loin pour l'entendre. Ca datait de deux ans maintenant, il s'était tenu à carreau depuis, du moins c'est ce que sa hiérarchie pensait et il allait peut-être enfin récolter les fruits de ses efforts à dissimuler tout ce à quoi il pouvait s'adonner dans l'ombre. Mais résoudre l'énigme du Sinner pouvait lui faire prendre l'ascenseur vers la réussite professionnelle plutôt que de s'emmerder à grimper les escaliers.

Il est rôdé à l'exercice. Depuis des années. Il fait ça bien, faut au moins le reconnaitre. A tel point que ça fait un moment qu'il s'emmerde plus à s'intéresser aux conséquences de ses actes. Après tout qu'est-ce qu'il risque vraiment ? Personne ne s'intéressait à son cas. Il est trop à l'aise dans ses fonctions pour s'inquiéter de qui pourrait le choper en train parjurer. Il est devenu flic avec la ferme intention de contrôler la ville, d'en faire un terrain de jeu gigantesque. Cette impression de puissance qu'il ressent quand un mec le supplie de pas le coffrer, dollar à l'appui, c'est après ça qu'il court. Jouer avec la vie de quelqu'un est son hobby préféré depuis qu'il a porté allégeance à l'insigne. Il sait ce que les gens pensent de lui et ça le ravie, ça le ravie de savoir que des gens l'évitent par peur de se frotter à lui. C'est ce qu'on appelle un bon instinct de survie. Bien sûr, tout ce pouvoir imposé de manière totalement illégale a un prix. Un prix fort. Celui de la solitude la plus totale. La seule personne à qui il fait confiance c'est son chien, un rott qui attends tous les matins qu'il passe la porte de son appart' pour lui faire la fête. Tout le reste, c'est no way. Il n'a de patron qu'en théorie, ni Dieu, ni maitre. Alors quand Cash prétend ne pas savoir ce qu'il se passe avec le Sinner, il a pas de mal à s'imaginer qu'il lui sert un bon mytho visant à protéger ses arrières. Fair enough. Et justement ils disent quoi les bruits de rue ? Il trouve ça étrange à quel point tout le monde n'a rien à dire sur le Sinner. Ni Cash, ni Demi. Darius commençait à penser qu'il était vraiment sur une grosse affaire et que les gens à l'origine de cet incendie bénéficiaient de la loi de l'omerta. Et justement, il en fallait pas plus pour donner envie à Darius de s'intéresser de plus près à ceux qui avaient réduit en cendres son endroit préféré au monde. Personne ne sait rien sur cette affaire comme par hasard. Un fils de pute brûle le repaire de toutes les pourritures de la ville et personne n'a envie de savoir qui c'est ? D'un air dubitatif il laisse son regard se perdre à l'horizon, là où la lumière du phare peine à s'étendre. Y a quelque chose qu'on lui cache, quelque chose qu'on veut pas lui dire et ça commence à sérieusement le contrarier. Il ne faisait évidemment pas 100% confiance à un mec comme Cash mais il avait toujours pensé jusqu'ici qu'il aurait quand même quelque chose à lui dire de constructif. Une petite piste suffirait à le mettre sur le chemin de la vérité. Pourquoi était-ce si difficile de l'obtenir ? Qui pouvait-être à l'origine de ce merdier ? Plusieurs noms apparaissaient comme des pop-ups dans son cerveau mais aucun ne faisait de sens avec la situation. Cash pose la bonne question en tout cas, preuve qu'il n'est pas totalement déconnecté de ce qu'il se passe à Crescent. Ca me rapporterait une putain de promotion et un nouveau bureau. Je suis à deux doigts de repasser inspecteur après ma rétrogradation de l'an dernier. Je suis à l'épreuve et j'en ai besoin de cette putain d'affaire. Il en avait marre de jouer les petits flics, il voulait de nouveau être dans le feu de l'action. Faire des tours de bagnoles aux quatre coins de la ville ne lui suffisait pas. Et le meilleur moyen pour impressionner sa hiérarchie était définitivement de trouver la solution à cette énigme. T'es vraiment sûr que t'es au courant de rien ? Une dernière fois, mens moi une dernière fois. Darius savait reconnaitre ceux qui dissimulaient la vérité et il était pratiquement sûr que  le mec censé être son pote en savait plus qu'il voulait bien laisser croire. Pas de soucis, après tout c'était son job.