hot-blooded summer (avery)

A cette heure-ci de la nuit, les environs de la station essence ressemble à un mauvais clip de rap. Des mecs qui se trainent par ci par là, qui fument du crack et se chamaillent pour des conneries. Lorsque Nikos passe devant eux, c'est à peine si ils le regardent. Si certaines bandes ne sortent que dans l'optique de faire des problèmes au voisinage, d'autres n'ont que pour but de se défoncer jusqu'au petit matin ou jusqu'à la prochaine descende de flics. Ils peuvent être tranquille, les flics s'aventurent rarement aussi profondément dans Night Fall. Ils font même en sorte de se rendre à la station essence de l'autre côté de la ville, à la frontière de Fair Heaven et East Vista. Alors qu'il s'apprête à pénétrer dans la boutique de la station service, un white trash de la bande le hèle, lui demande comment va son père. Typique. Nikos lui répond qu'à moitié, pas franchement envie de s'attarder à entamer une conversation avec un mec tellement gazé qu'il se souvient, si ça se trouve, même pas de son propre nom. Une fois à l'intérieur, Nikos a la désagréable impression qu'il fait encore plus chaud qu'à l'extérieur. Le proprio des lieux, un daron pakistanais d'une soixantaine d'année écoute une radio de son pays en feuilletant le journal local. La mondialisation à l'état pur. Il est trois heures du matin quand Nikos pénètre dans la petite boutique de la station, il meurt d'envie de crème glacée. Il fait une chaleur de tous les diables à Crescent, comme si la ville était encerclée d'incendies et qu'ils étaient tous voués à cramés. Joyeux. 
Le grec met pas beaucoup de temps à repérer ce qu'il est venu chercher, vingt minutes plus tard il ressort de la boutique, deux pots de Ben & Jerry's Peanut Butter Cup dans un sac. Une petite récompense bien méritée pour se féliciter de recommencer progressivement à reprendre le cours de sa vie malgré le retour en ville de celle dont il ne faut pas prononcer. Un peu de glace, un bon film sur Netflix et il pourra enterrer cette première journée officielle en tant que seul et unique propriétaire du Lion. Y'avait de quoi fêter ça. Satisfait de ses emplettes, Avergos marche jusqu'au parking lorsqu'il s'arrête net à quelques mètres de sa caisse. Sa voiture est emboutie. Pas beaucoup, mais assez pour le foutre dans une colère noire parce qu'il a chaud, qu'il est fatigué et que putain de merde : on parle de sa Chevrolet pour laquelle il a économisé trois ans et qu'il a retapé pendant six mois. Le coupable, ou le témoin semble être en train d'inspecter les dégâts de prêt, son visage à quelques centimètres de la carrosserie. Nikos sent toutes ses veines se gonfler, prêtes à exploser. Il avait fallu qu'il s'éclipse quelques minutes pour que le pire arrive. Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

Petite fille perdue dans la nuit, enfant qui traîne dans son élément. La nuit, c’est là que tu te sens le mieux Avery. C’est là où est ta vie, là que tu évolues parce que dans l’ombre, il n’y a aucun secret. Dans l’ombre tu avances, ton corps balance d’un pied sur l’autre alors que c’est dans ton propre monde que tu oeuvres. Douce gamine qui croit bien trop aux idéaux de la vie, tu penses bien trop que rien ne peut t’atteindre. Intouchable des pieds à la tête, jusqu’au bout des ongles te voilà immunisée. C’est ce que tu imagines en tout cas. Car ton problème principal Avery, c’est que tu as tendance à te toujours te trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Ce soir, c’est dans une station service. T’avais pas vraiment envie de rester chez toi, sortir vagabonder dans Crescent Height a été ta solution. Elle l’est toujours en cas de profond ennui dans ton appartement. Y’a pas eu d’exception ce soir. T’avais juste pas prévu d’échouer dans cette station. t’avais pas prévu que tu t’arrêterais là pour fumer, pour regarder les quelques voitures passer. Distraction en somme toute originale, on a pourtant connu bien plus divertissant. T’as longtemps cru en ta chance Avery, là, t’as juste l’impression pourtant d’être un chat noir. Celui qu’on évite, qu’on ne veut pas croiser sous peine d’un malheur. Il est là, devant toi ledit malheur. La chevrolet sagement garé qui se retrouve emboutis, toi pour seule témoin de ce visage qui ne semble en rien désolé de son geste. Volontaire ou non, c’est pas trop ton problème en réalité, tu l’as vu, ça ne te fait pourtant pas bouger. T’as bien appris avec le temps que des cons, y’en a partout. Surprise qu’il s’en aille, pas le moins du monde. Tu sors une cigarette de ta poche, la glisse entre tes lèvres et l’allume comme si de rien était. T’as déjà quitté le mur contre lequel tu avais pris place pour t’avancer vers cette voiture qui ne ressemble plus vraiment à grand chose. Atteinte pas la situation, toi ? Non, c’est pas vraiment tes affaires, t’as juste vu ce que tu n’aurais pas dû voir, t’es juste en train d’observer, de deviner si ça sera réparable ou non. « Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? » Tu sursautes quand tu entends cette fois alors que tu observes les dégâts. Simple spectatrice, en rien coupable bien que tout te désigne. T’as sans doutes pas grand chose à foutre ici, tâche indélébile dans le décor et pourtant, tu te félicites d’avoir cédé à cet appel de la rue, pour la soirée, pour la nuit. Rire doux qui fuit de tes lèvres quand tu le vois regarder cette voiture qui est sans doutes la sienne. Le regard qui passe de cette carrosserie à toi sans que tu ne cilles, te permettant même de porter ta cigarette à tes lèvres sans te soucier de rien. Reine de ton monde, adoratrice de l’attention général, tu  connais la vérité toi, elle t’amuse, comme ses airs énervés qui te sont réservés. « Sale nuit hein. » Des mots à ne pas prononcer sans doutes, encore moins en désignant la voiture d’un seul signe de tête. Avery la téméraire, le retour, celle que rien ne peut abattre, elle est là, face à lui et tu en souris toujours plus parce que c’est comme ça que tu vas pouvoir garder son attention sur toi. Tu as vu, tu ne dis rien, feins l’innocence et celle qui s’en fiche alors que c’est pas du tout le cas.

Sa caisse c'est sa vie. Tout le monde le sait, Mila comme Cece l'avaient tellement taquiné à ce sujet. Il l'avait tellement choyé, il en avait pris tellement soin. Il s'était carrément mis à la mécano pour pouvoir s'en occuper lui-même, n'ayant pas confiance en les garagistes véreux de Night Fall. C'est cliché, c'est con, c'est déjà-vu mais le fait est que c'est vrai. Quand ça n'allait pas chez lui, quand il avait besoin de mettre de la distance entre lui et le monde, quand il se sentait à l'étroit dans une vie qu'il n'avait pas choisi, sa caisse était ce qui lui permettait de faire le vide, de se barrer, de s'enfuir pendant un moment afin de tout laisser de côté; Et franchement, il n'avait jamais eu autant envie de se barrer que depuis la mort de sa mère. Sa Chevrolet représentait un monde de possibilités pour se soustraire à un quotidien qu'il détestait. Et voilà qu'on venait de lui niquer sa voiture sur un parking miteux sans aucun état d'âme. Nikos était fou de rage évidemment, ses veines gonflant dans son cou et ses doigts se resserrant sur le sac en plastique qui contenant la glace qu'il était censé déguster en pensant à autre chose que le chaos gigantesque qu'était devenu sa vie en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Autour de sa bagnole, une seule personne : une blonde hyper mince. Nikos n'était pas le genre de connard sexiste à penser que les femmes conduisaient moins bien que les hommes mais le fait est que cette nana se trouvait sûrement pas ici par hasard. Lorsqu'elle apostrophe avec une insolence audacieuse, Nikos peine à y croire. C'est toi qui a fait ça ?! Sauf que y a aucune bagnole à proximité, il voit mal comment elle aurait pu faire un truc pareil à part si elle incarnait une nouvelle forme d'Avenger. Il se penche vers la carrosserie qu'il touche du bout des doigts, il sent qu'il a du mal à respirer. Ok c'est qu'une caisse mais Nikos n'était clairement pas dans une situation financière qui lui permettrait de réparer les dégâts. T'as vu qui a fait ça ? Putain de merde si je retrouve ce fils de pute... Par réflexe il se retourne à la recherche d'une caméra de parking comme il en existe beaucoup de nos jours, sauf qu'évidemment qui s'emmerderait à poser des caméras de surveillance dans un quartier comme Highland Village un quartier où constamment il se passe des merdes de ce genre. Ok ce n'était pas Night Fall mais les environs de la station service n'étaient pas connus pour être les plus sûrs. Finalement tout ça, ce n'était pas très étonnant... Sa glace va fondre, sa caisse est emboutie et il sent que la nana à côté de lui va achever de le faire monter en pression.

Observer. C’est ce que tu fais de mieux. Ca et t’amuser de chaque situation qui se présentent à toi. Comme celle-ci,  cette voiture dont tu ne sais rien, cette voiture qui a pris un sale coup et dont tu as été témoin. Ce n’est pas à toi, ça t’importe peu, ça t’amuse juste de voir qu’il y a des gens avec si peu de conscience pour se tirer après un tel évènement. Tu ne sais pas si tu serais restée, t’es pas certaine que tu aurais pris le temps de laisser un mot mais fort heureusement, ça ne te concerne pas. Simple spectatrice, adoratrice de la nuit et de ce qui l’entour, tu as ta cigarette au coin des lèvres et tu observes les dégats avant de sursauter à une foutu voix qui résonne un peu trop fort à tes oreilles. T’es pas idiote, tu devines qu’il s’agit là du propriétaire de ladite voiture que tu observais bien sagement. Et tu retrouves presque aussitôt ton sourire, tu souris un peu trop Avery alors que la situation ne s’y prête pas forcément. Amusée, totalement. Les mots que tu laisses échapper sont peut-être un peu trop provocateurs pour être anodins. Tu le fais exprès pour attirer l’attention, tu n’as jamais su faire que ça de toute façon. « C'est toi qui a fait ça ?! » Et de nouveau le rire cristallin se fait entendre. Tu écartes les bras, tournes ton regard à droite, à gauche comme si tu cherchais quelque chose. C’est le cas, une voiture. Il n’y en a pas. Si c’était toi la coupable de ce foutu méfait, n’y aurait-t-il pas la coupable de tous ces maux dans le coin ? Ca ne t’empêche pas de rire, de sourire comme tu sais bien le faire. « Je n’ai absolument rien à me reprocher. » Ou peut-être que si. De te foutre ouvertement de sa gueule sans avoir honte de ça comme en témoigne le sourire qu’on ne t’arrachera pas de sitôt. « T'as vu qui a fait ça ? Putain de merde si je retrouve ce fils de pute... » Tu essayes de faire la fille outrée en entendant ses propos, c’est tout sauf convaincant. Tu te contentes de te détourner, de focaliser ton attention sur autre chose, le mur précédemment quitté vers lequel tu reprends déjà la direction pour te diriger contre. « Est-ce que j’ai vu quelque chose... » Tu regardes tes doigts, tes ongles comme si ta manucure était la chose la plus importante au monde. Manucure épuisée au passage, le vernis manquant à plusieurs endroit, rien de bien glamour, tout qui te correspond. « Je gagne quoi à répondre à cette question ? » Tu cherches un peu trop à être agaçante. Tu le fais exprès d’être provocante, de te montrer désintéressée alors que tu as juste désespérément besoin d’un peu de compagnie pour la soirée. Rien de charnel, ça n’est pas toi, juste une présence qui te divertisse et t’amuse et cette situation est toute trouvée pour mener cette mission à son terme. « Et puis, fils de pute ? Qui te dit que ce n’était pas une nana qui conduisait ? » Tu reprends ses mots en faisant claquer ta langue. Tu n’apprécies pas forcément cette insulte et pourtant, tu la fais résonner dans la nuit pour bien faire comprendre le fond de ta pensée. Un homme, une femme, ça pourrait être n’importe qui qui a fait ça, n’importe quel individu qui aurait pu emboutir sa chère et tendre voiture. Toi tu sais, ce n’est pas pour ça que tu parles, c’est bien pour ça que tu t’amuses.