une bête féroce ou bien un saint ? >> lek

- la tête tournée vers les étoiles -
dans une main la colombe, dans l'autre le calibre. bip, bip, bip. c'est le réveil qui m'arrache de mon monde et sans pitié me jette dans les rêveries. j'accepte mon sort sans me plaindre, un pied au sol, l'autre et puis rapidement le visage aspergé d'eau froide. mes pas lourds fonçant vers le fond du couloir. il est cinq heure, comme tous les matins je fais l'appel à la prière à la place de mon père. ALLAH U AKBAR, j'y ai toujours cru. foulard fixé sur sa chevelure noire, elle m'observe d'un œil bienveillant tandis qu'elle récite ses premières sourates de la journée. aussitôt terminé, aussitôt on s'attaque au petit déjeuner. s'il te plaît, je ne veux pas aller à l'école aujourd'hui... un petit rire s'échappe de ses lèvres et puis moi aussi je me surprends à rire, avec elle c'est toujours contagieux. son rire, ses pleurs, ses cris... absolument tout. un air d'opéra se propage dans le palace des kuyo, une maison beaucoup trop énorme pour trois. elle chantonne, ma mère, elle danse, elle flotte même sur le marbre et, sans retenue, moi je l'admire de mes grands yeux avant de me lancer entre ses pieds. allez maman, je t'en prie. laisse moi rester ici. pour seule réponse elle me tend mon sac à dos. je pense qu'elle n'aurait jamais cru que je serais aussi persistant, chaque jour, pour échapper à cet endroit déprimant. il n'y a absolument rien dans ce lycée, des personnes sans intérêt, qui ont des conversations sans intérêt et des relations sans intérêt. des professeurs plus cons les uns que les autres, l'écho de leur voix qui vient troubler la solitude du fond de la classe. je me retrouve à écouter une leçon d'histoire sur des guerres qui ne me concernent guère, des noms et des dates que j'aurais vite fait d'oublier une fois que mon regard aura croisé celui de mon chauffeur, ce grand fou. j'entends la sonnerie, dix heures, il faut sortir prendre l'air, goûter et puis sympathiser, je n'en suis pas plus ravi. je ne bouge pas de ma chaise. je reste posé là et j'attends que les minutes s'écoulent. les deux idiots de ma classe ont décidés aujourd'hui de ne plus être des fillettes, ils sont restés là, ont commencé une discussion stupide à laquelle je ne prêtais pas attention jusqu'à ce que je finisse par écouter sans le vouloir. mais c'est vraiment une salope... il y a à peine une semaine qu'elle gémissait et crachait dans mes draps. bon, c'est vrai que je l'ai lâchée pour rose, mais de là à se faire fourrer par un gars comme toi, faut vraiment être désespéré. je déglutis, ils se mettent à rire. j'en ai rien à foutre, pari gagné. tu me dois combien déjà ?  je serre les dents. pour les femmes j'ai du respect. enfin un peu plus que j'en ai pour les hommes et c'est déjà ça. alors je ne suis pas ravi d'entendre parler de comment ils jouent fièrement avec les vagins et les coeurs. wow wow wow, attends. tu n'as aucune preuve. tu penses que je vais te croire comme ça là ? - et cette photo c'est pas de la preuve ?. et puis il se met à crier, comme un singe débile. QUOI ? envoie-moi ça tout de suite je dois balancer dans le groupe, oh mon... et allez hop, c'est parti trop vite. table renversée, poing dans la mâchoire. AH MAIS QU'EST-CE QUI TE PRENDS LE MUET ? il sait écarter des jambes mais pas se battre, c'est à se demander qui est le puceau de nous deux. et son ami qui regarde la scène, s'agite dans tous les sens, il aurait mieux fait de rejoindre les fillettes à la récré. ce jour là aura été a marquer d'une pierre blanche, la première bastonnade d'une longue lignée et mon père convoqué par l'école. j'ai bien compris monsieur le directeur. mais il est bientôt l'heure de la prière, mon fils et moi devons partir. mains endolories, sourire triomphant et t-shirt ensanglanté. un schéma qui depuis ce jour ne cessa de se répéter.

j'ai beau tendre les bras je ne trouve pas l'équilibre. il y a un an, j'ai quitté mon appartement en rogne. j'ai fais trembler les murs dans un claquement de porte supposé faire taire les sanglots de la petite. c'est au grand galop que je me défoule, je crie sur l'animal et pendant quelques minutes il me donne l'impression de m'envoler. je me surprends à rêver que, accroché à son dos je pourrais percer le ciel et m'évader dans l'autre monde. j'en ris, de ce rêve, de ma dernière pensée stupide. j'en ris, comme si cet éclat de voix un peu penché pourrait m'arracher de cet endroit où rien ne va. j'en ris, je souffle puis finalement je descends. allo ? allo malek ? où es-tu ? je suis vraiment désolé, je viens d'apprendre la nouvelle, je suis chez ton père... tu n'es pas. je n'écoute plus, des grosses gouttes de sueur viennent s'écraser dans mes yeux, j'ai le feu à la gorge, mon coeur s'emballe. ma mère est partie. elle n'est plus de ce monde qu'elle a tant aimé, cette terre que je n'ai jamais autant détesté. il n'y aura donc jamais de justice que celle du jugement dernier.