juliette (nasha)

home isn't you.

la sentence est tombée, aujourd'hui est le dernier jour dans ce trou, le premier jour à l'air libre, la fin d'une ère, le début de l'ancienne. il a pas réfléchit pendant tout ce temps, à croire que ça ne lui a pas servit de leçon, à croire que ça n'a servit à rien, il compte pas changer de vie, il l'aime trop, la merde dans laquelle il se complaît. il aime trop ses coups de sang, le goût du sang et des hanches. les siennes, surtout, seulement celles qu'il a imaginés pendant tout ce temps ... combien de jours déjà ? deux-cent-soixante-dix et quelques vingt-quatre en plus. des nuits sans sommeils, des nuits blanches pour des journées tellement sombres, tellement que les ombres ont prit la fuite, tellement que la lumière l'éblouit.
il a traîné sa joie d'être libre, celle qui l'a tenu en vie pendant tout ce temps, dans toute la ville en cette douce journée d'automne, avant d'arrivé jusqu'à ce quartier. il a marché longtemps, avant de retrouver son chemin. avant de revenir là où ses rêves allaient pour s'évader. ici était le seul endroit où il se sentait bien, dans ces draps blancs, dans cet appartement, dans ses bras. ici était sa seule maison, le seul endroit où il voulait venir. et il y est enfin arrivé, pas sans mal. il a fait le tour de la ville avant, il est passé à sa supérette nulle qu'il aime tant, il y a attrapé sa petite bière, sa petite canette d'air pur, il a aussi récupéré des clopes et de la verte, il s'est roulé son bonheur dans un coin pour le fumer dans un parc, face à la verdure qui lui avait tant manqué. personne ne l'avait attendu en sortant, il était tout seul pour faire c'qu'il avait bien envie de faire et ça lui a fait du bien de passer la journée avec sa seule tête, encore un peu avant de passer la nuit dans ses draps.
il toque pas à la porte, il a vu son prénom sur la sonnette avant de monter, il attend personne, il ne veut plus attendre pour la retrouver, il la veut de suite sans attendre, alors il ouvre la porte en hurlant son prénom, le sien, pas vraiment celui qui a remplit ses nuits, mais celui qu'il est venu chercher :
bébé china, papa est rentré !

trop de nuits sans sommeil, trop de nuits à vendre mon âme au diable, pour tenter de vivre dignement, pour tenter de ne pas trop mourir, ou peut-être de mourir plus vite. d'être vide. à trainer mes pieds et ceux des autres dans cet appartement. trop grand, trop vide, et trop plein de souvenirs à la fois. trop vide de lui. cette chienne trop présente qui les regarde tous passer d'un mauvais oeil, avec l'impression qu'elle donne qu'elle ira tout lui raconter dès qu'il sera rentré.
vas-y, raconte-lui, pour ce que j'en ai à foutre. si j'suis là, c'est juste pour toi. j'en ai plus rien à foutre, moi, de nass.
ouais, crois-le. même la chienne se foutrait de ma gueule si je disais ça à haute voix. ouais, ouais, à d'autres. tout le monde sait ce qu'il en ait. même si j'ai pas été le voir une seule fois, tout le monde le sait. et putain, dur retour à la réalité, quand je regarde mon téléphone, que j'vois la date, que j'vois le petit memo dans le calendrier. nass sort aujourd'hui.
putain, j'suis censée faire quoi? j'dois sortir, pour pas être là quand il rentrera? j'vais devoir l'éviter combien de temps? j'devrais peut-être faire mes affaires et ne plus revenir. partir définitivement.
merde. j'veux trop le voir, moi. j'veux trop voir la tête qu'il va avoir. j'veux trop qu'il me prenne dans ses bras, qu'on oublie tout et qu'on recommence à zéro. qu'on fasse comme si de rien n'était, comme si on n's'était jamais lâchés. j'te jure, tous ces types avec leurs allers-venues, ça voulait rien dire. c'était juste des besoins à assouvir, juste du matériel, des cadeaux dont j'avais besoin. tu m'croirais?
j'vais m'en prendre une, quand il va rentrer.
j'suis dans la chambre en train de me maquiller quand la porte s'ouvre à la volée, que la chienne aboie et que sa voix retentit. frisson. mauvais frisson. putain, c'est lui qui va s'en prendre une.
l'enculé.
je pose mon mascara sur le meuble et sors de la chambre. en furie, les poings serrés. j'vois rouge. pourquoi il est aussi beau, hein? ça m'déconcentre de trop.
- t'es sérieux, là? c'est ta putain de chienne que tu vas voir en premier?
sale con. putain mais j'le déteste tellement.
- et puis tu peux pas cogner avant d'entrer? j'étais peut-être occupée, t'es vraiment con.
occupée à me faire sauter dans ton lit, dans ton appartement, celui qu'on partage. tu peux pas toquer avant d'entrer chez toi? plus aucun respect, de nos jours, c'est fou.

il est rentré, il est à la maison. c'est chez lui, personne d'autre. ça a jamais été chez toi, sasha, jamais au grand jamais. à la limite tu pouvais dire que tu vivais chez china, mais c'était elle la reine de la maison, tu n'étais que celle qui la gardait, une vulgaire baby-sitter sans salaire, avec seulement la gloire d'un petit ami passé sur le dos, une mauvaise réputation en plus de ça. t'es rien sasha, alors ne commence pas à lui taper sur le système à ce pauvre garçon, il t'a même pas encore adressé la parole que déjà tu viens l'agresser, lui aboyer au visage que c'est qu'un con. un con qui t'as permis de vivre ta vie de gamine sans famille. tu te rends bien compte que même ton frère n'a pas voulu de ta bouille de démon ? tu te rends compte que tu t'es endormie tous les soirs dans ses draps, sans ses bras, avec comme seule compagnie celle d'un rott ? c'est triste un peu, sasha, tu aurais pu vivre ta vie, faire quelque chose, d'autre, de tes nuits. tu aurais pu, mais t'as rien fait, t'es toujours là à l'insulter, le pauvre gamin.
en tout cas il s'en doutait de l'accueil que tu comptais lui servir, loin d'être une belle présentation de ton corps sur un beau service en porcelaine. non t'es juste là à peine maquillée, à peine prête, à peine là avec ton rouge aux joues.
la chienne est la première à lui courir dans les pattes, à lui faire la fête, à l'accueillir comme un maître, un roi, quelqu'un d'important. alors nass se met à genoux et caresse la tête de china, il la câline comme il le fait que très rarement, il est heureux de revoir cette petite, enfin, après toutes ces nuits.
et puis sasha, tu fais ton apparition derrière une porte. il se relève, perd son sourire. tu le lui fais perdre. par parce que t'es moche avec ta tête en construction, mais parce que t'es pas heureuse. pourquoi t'es toujours là si t'es pas contente ? si tu dois faire la tête, pars. c'est le seul à te retenir, suffit de prendre son courage entre les doigts.
première arrivée, première servie. t'es jalouse ?
il fait quelques pas, referme la porte. il te regarde ses yeux qui en disent beaucoup plus que ses lèvres, il te fait les yeux doux, il te charme et ajoute :
d'une chienne ? il marque une pause et termine dans sa barbe t'as qu'à en devenir une.
c'est à peine audible, il fait diversion avec un bisous qu'il claque sur ta joue, pour se faire pardonner. ses doigts se glissent dans ton dos et ses lèvres dans ton cou.
occupée à quoi ?
il te sens, te renifle, te touche, il tente de rattraper le temps perdu.

il est là nass, il est là, plus beau que jamais malgré ces mois enfermés, avec ses cheveux blonds presque blancs, ces tatouages sur la figurent qui jurent avec le si joli sourire qu’il a. ce sourire qu’il offre à china, et pas à moi. et c’est peut-être pour ça que je lui saute à la gorge, direct, enflammée, au lieu de lui sauter au cou et le recouvrir de baisers.
ouais j’suis jalouse, et après?
sale con.
t’avais qu’à rentrer, crier mon prénom, venir me voir avec un grand sourire, heureux de me retrouver, me prendre dans tes bras et m’embrasser, au lieu d’appeler ta putain de chienne et de la câliner à elle.
putain mais t’es vraiment con mon pauvre.
et puis y a son regard qui change, qui devient plus doux après m’avoir regardée, et ses jambes qui bouffent les quelques mètres qui nous séparent. je sais à quoi il joue, ouais. il va essayer de m’amadouer. et moi j’vais essayer de pas flancher, mais putain j’promets rien.
et ses baisers. et sa main qui glisse. et ce frisson qui remonte ma colonne vertébrale, ce sourire qui veut s’ancrer sur mon visage et que je retiens fort, trop fort. ma tête que je tente de garder haute.
mes mains contre ses épaules, je le repousse doucement. j’voudrais pas trop énerver la bête, juste assez pour qu’il réalise que rien n’est acquis. pas assez pour m’en prendre une.
- d’après toi? occupée à prendre mon pied.
je lève les yeux au ciel, l’air exaspérée quand au fond de moi j’suis satisfaite de ce que je viens de lui balancer.
vas-y, mords toi les doigts de ne pas avoir réussi à me garder. ou du moins, de ce que j’en laisse penser.
- puisque t’es rentré, ta chienne a plus besoin de moi, j’me casse.
plus besoin de jouer la baby-sitter pour chien, c’est fini tout ça. je lui tourne le dos et retourne à la chambre pour récupérer mes affaires, pour m’en aller ou faire mine de, du moins.
mais allez, retiens-moi putain. me laisse pas partir comme ça, retiens-moi. viens me voir, et force-moi à me faire comprendre que j’devrais aller nulle part, que ma place est ici.
bouge-toi le cul.

et qu'est-ce que ça fait du bien de pourvoir t'avoir, enfin, sous les doigts. il en a rêvé, le gamin, il en a fait des nuits sans songe avec seulement ton visage en toile de fond. tu n'étais qu'un bug dans sa cervelle qui te faisait revenir sans cesse, à n'importe quel heure du jour, comme de la nuit. et enfin le bug se matérialise et il ne veut plus avoir la frayeur de ne plus te voir. ni en vrai, toujours sous les yeux, à porter de main, ni en rêve, toujours là, quelque part dans son cerveau abîmé par la vie, la drogue et les autres. l'enfer était sans toi, sasha, et maintenant que tu es là il ne sait plus comment se comporter. il a l'impression d'être un animal, de perdre pieds et de ne plus rien contrôler. il a envie de tout, tout de suite. il veut pas attendre il ne veut plus te lâcher.
d'ailleurs ses lèvres ne t'ont pas quittés, ses yeux non plus. il te regarde, te contemple; il veut être sûre que personne n'a pu t'abîmer, que tu es toujours la grande sasha qui fait battre son pauvre coeur. la seule qui sache le faire vraiment, qui sache le rendre vivant.
il t'écoute même pas, c'est bête, il a loupé une chance de s'énerver, de te crier dessus. il a loupé le risque de tout perdre, de faire s'envoler les hirondelles et de n'avoir plus que de la haine dans le coeur. mais il a pas suivit tes mots, ta phrase s'est matérialisée en réponse et il capte plus rien, il est en haut des nuages, sur une autre planète : la tienne.
putain pas moi, faut rattraper le temps qui est passé.
et pour le rattraper il fait glisser ton haut au dessus de ta tête, il le fera tomber négligemment par terre. il s'en fiche de mettre le bazar puisque c'est toi qui rangeras tout, tout à l'heure. pas maintenant, plus tard, lorsque tu ne seras plus occupée avec lui.
mais te voilà déjà repartie. il te retient par la main, il la sert fort. pas assez puisque tu lui glisses entre les doigts.
non. ferme et sans appel, tu ne bougeras pas.
sauf que tu t'envoles déjà vers la chambre.
il te rattrape, s'adosse à la porte, et il te regarde, il te matte comme un pervers.
j'ai dit non.

et tes mains contre mon corps, et tes baisers contre ma peau, ton souffle dans mon cou, ton odeur qui s'imprègne dans mes narines, ta voix qui résonne dans mes oreilles, tout, tout, tout qui me rend folle, qui pourrait bien me faire chavirer d'une minute à l'autre. j'dois rester forte putain, j'dois rester forte, j'dois lui montrer qu'il ne décide plus de rien.
je tente. j'envoie une pique. putain. il m'écoute même pas? je rêve. je lui donnais l'occasion de s'énerver et tout casser, mais non. pas une réponse, pas une seule réaction, rien.
je fuis.
j'préfère fuir, le voir me courir après, que continuer à lutter, au creux de ses bras. c'est trop dur, j'tiendrais pas longtemps autrement. mon haut vole, glisse au sol, et je lève les yeux au ciel, je soupire d'agacement alors que lui voudrait me faire soupirer, me faire hurler de plaisir. ouais, crois-le.
sa main qui tente de m'emprisonner.
j'arrive à m'en détacher.
comment est-ce que j'fais ça, en fait? comment j'arrive à lutter contre mes propres envies? comment j'arrive à lutter contre moi-même? ah oui, c'est vrai. j'veux lui montrer, lui faire croire, et me faire croire que c'est plus lui le patron. quand pourtant, au fond, c'est bien lui qui décide. il suffirait qu'il hausse un peu la voix, ou qu'il y mette plus du sien pour m'amadouer, et il y arriverait, ce con. j'suis trop faible, putain.
à moitié à poil dans la chambre, à ranger mes affaires, lui est là à me reluquer, à m'interdire de partir. rire qui vole dans les airs, sarcastique. je le regarde de haut en bas, hautaine.
- attends, t'as cru que t'avais encore le pouvoir de décision? trop mignon.
je continue de faire mon sac sans lui jeter un autre regard.
- arrête de m'regarder comme ça putain, t'es en chien, c'est pas mon problème.
j'ai déjà eu ma dose, moi. t'as qu'à aller sauter une des putes dont le numéro est encore dans ton répertoire. ça m'ferait mal au coeur, ça m'le briserait même. vas-y, fais pas ça j't'en prie. en fait, fais surtout pas ça. t'as qu'à rester seul ce soir à t'branler, j'reviendrais demain en rampant, promis, juré.
sac à peu près terminé, pas franchement rempli, encore plein d'affaires qui trainent partout. j'oublie intentionnellement la moitié sur mon passage. même moi j'y crois pas, à ma fuite. j'arrive devant lui et croise les bras, la tête relevée pour pouvoir le regarder dans les yeux, de mon mètre moins vingt.
- bouge de là, laisse-moi passer.

Spoiler:

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