vivre tue + nox

c’était très rare de croiser gina dans les parages ces temps-ci, surtout en soirée. pourtant, ce soir, la belle avait accepté de se montrer pour l’anniversaire d’un ami. jamais elle n’aurait pu rater ça. il faisait partie de son ancien groupe d’amis, ce même groupe qui s’était laissé pourrir dans les poubelles de nigth falls, à cause d’un certain drame que seuls les membres connaissaient. ils s’étaient donc tous éloignés. cela l’avait même étonnée qu’elle soit invitée à cette fête-là. car plus ils étaient tous séparés, mieux ils se portaient. leur secret était en sécurité quand ils ne se trouvaient pas ensemble. gina avait donc hésité à s’y montrer au début, craignant un nouveau drame ou une perte de contrôle d’un des deux côtés ; mais leur ancienne amitié comptait bien plus que toute cette histoire.

la demoiselle s’était bien habillée, d’une robe rouge droite et longue comme elle les aimait, laissant découvrir une partie de sa jambe sur le côté et mettant en valeur ses belles chaussures compensées. mais toute cette tenue datait de quelques années déjà et si on la connaissait bien, on pouvait facilement remarquer qu’elle n’était pas dans une phase de sa vie très facile à vivre, au point de ne pas pouvoir s’acheter de nouveaux vêtements de soirée.

le jeune homme dont on fêtait l’anniversaire avait récemment emménagé dans un de ces quartiers huppés de la ville, loin du passé et de night falls. il avait l’air de s’y plaire, d’être changé. gina pensait à cette autre vie qu’elle pourrait avoir en déménageant, en oubliant toutes ces conneries auxquelles elle devait faire face en se levant le matin. mais ce n’était pas possible de faire autrement, surtout lorsque sa mère se trouvait à l’hôpital pour une maladie grave – et cela personne n’était au courant. jamais elle ne dévoilerait ses faiblesses et surtout pas à ces anciennes connaissances. l’appartement était d’ailleurs rempli de visages connus, autrefois. des amis, des ennemis, des amis d’amis, des ennemis d’amis,….

gina s’approcha du bar, elle qui était venue seule, ce qui n’était pas forcément une bonne idée, mais cela lui permettait de parler à certaines personnes et de ne pas être mise de côté. de toute façon, personne ne la laissait de côté. simplement pour lui parler, ou pour jouer au faux-cul qui prend des nouvelles une fois de plus, sans y être vraiment intéressé. elle se servit finalement un verre d’alcool d’une bouteille presque vide qui trainait sur la table. malheureusement, avec la musique et les mouvements, la foule de jeunes adultes qui dansaient collés serrés ; gina se fit bousculer et déversa sa boisson sur le sol et sur ses pieds.

« Non mais fais attention ! »

qu’elle lâcha sous un élan de colère sans faire attention à qui cela pouvait bien être.
elle n’aurait jamais pensé à lui.

et puis, en une seconde, en un regard, la pièce devint noire pour gina, noire de colère. il ne manquait plus que lui, ici ! nox, un de ceux qu’elle avait déçu et qui l’avait déçu en retour, ou l’inverse, elle ne s’en souvenait plus très bien ; comment tout avait commencé, comment tout avait terminé. mais elle n’oublierait jamais toute cette histoire en général, les mots qui tranchent et les actes qui font mal. Deux âmes qui ne pouvaient plus vivre ensemble, des jeunes qui ne savaient pas encore quoi faire de leurs avenirs et avec qui le partager. il ne restait plus que des remords et de la rancoeur, ça battait en elle depuis des années.

elle n’aurait jamais pensé le recroiser à cette soirée, depuis si longtemps, la ville était grande, et pourtant, la vie semblait pleine de surprise (de mauvaise, dans ce cas-là). si l’on se trouvait dans un film animé, le spectateur aurait perçu les cheveux longs de la belle s’étirer vers le haut, avec des flammes tout autour d’elle. gina passa une main sur sa robe rouge qui l’accompagnait depuis tant de temps, et une énorme tache d’alcool luisait sur le tissu froissé. elle était fichue maintenant, c’était une bonne raison pour en acheter une autre ou pour ne plus sortir le soir; habituellement, elle travaillait au cygnus à cette heure-là jusqu’au petit matin. et pour être finalement payée comme une esclave par son oncle qui voulait jouer au gentil bonhomme tant que sa soeur se trouvait à l’hôpital entre la vie et la mort.

il est vrai qu’il la maintenait hors de l’eau, grâce à cette opportunité, mais d’un autre côté, il la rabaissait également au plus profond des entrailles de night falls avec la clientèle qui se mouvait dans ce pub.

inspire, expire, calme-toi. c’est ce qu’elle aurait dû faire, mais c’est plus fort qu’elle, il faut toujours qu’elle joue à la plus maligne, à se venger, à faire mal comme on lui a fait mal. et la liste était encore longue pour nox. C’était un peu de sa faute si elle était comme ça, la jeune femme, car l’adolescente quoique insupportable n’avait jamais été méchante, lui l’avait rendu comme ça, il l’avait rendu plus forte malgré lui, mais était-ce une bonne chose? Elle avait maintenant la fâcheuse tendance d’éloigner toutes les personnes qui osaient s’approcher de sa propre personne.

gina qui balayait les mots de nox d’un revers de la main, lui qui ne s’excusait pas, jamais, alors elle le fusille du regard, prête à lui en mettre une, mais qui se retient. non, elle avait trouvé bien mieux. d’un coup sec, elle balança le reste de sa boisson sur la belle chemise du jeune homme. sans le faire exprès, évidemment, on la connait celle-là.

“Mince, je suis tellement maladroite….” qu’elle lança dans un soupir, feignant la stupidité, mais gina n’était pas bête, nox la connaissait très bien pour le comprendre. à vrai dire, il le méritait.

“- Vois le bon côté des choses, t’as pas besoin de m’aider à la finir maintenant. J’voudrais pas que tu te sentes mal.” un sourire en coin, malicieux, fière d’elle, gina qui venait de renverser la situation et de lui pourrir son habit de riche. mais, pour qui se prenait-il sérieusement ? quel con, qu’elle pensa tellement fort dans son esprit pour lui faire parvenir sa haine par télépathie. puis ce n’était pas bien grave pour le jeune homme, il avait sûrement assez d’argent pour se payer dix vêtements de la sorte, et lui acheter une nouvelle robe, mais ça non plus il ne le ferait pas. on ne changeait pas l'inchangeable.

“Cette fête de bourge comme tu le dis si bien, c’est l’anniversaire d'un pote, alors redescends un peu Lacroix, tu veux bien !”

“ - Et tu me dois une nouvelle robe.”

Oui, autant essayer d’en profiter. Il lui doit bien ça.