crash and burn (alexis)

lia, c’est l’sourire tranchant et l’regard inquisiteur. lia la gamine déchue. gamine des rues. y’a longtemps qu’elle l'a perdue, l’innocence. la naïveté. faire des deals, des trafics, c'pas c'qu'elle avait prévu, lia. elle voulait être photographe avant. voir le monde à travers un objectif, elle trouvait ça grisant. mais y'a tout qui s'est enchaîné, déchaîné même. trop vite. déjà trop tard. installée derrière son bar, là, l'regard qui s'perd dans la foule. des habitués pour la plupart. les gros lourds bourrés. ils ont compris, qu'il fallait pas l'emmerder lia. jamais. parce qu'elle mord la gamine. elle s'laisse pas faire. elle s'laisse pas avoir. elle sait s'faire entendre. y'a un type au comptoir. l'un d'ceux qui boivent plus que c'qu'ils devraient. l'un d'ceux qui ont l'habitude de traiter les femmes comme des objets. d'sa main droite, il frappe le comptoir, s'esclaffe. rire gras. j'me ferais bien la p'tite barmaid, pour voir d'quoi elle est capable. elle doit être sacrément bonne au lit. les sourcils qui s'lèvent, lia elle pivote, tourne le regard vers lui. y'a quatre d'ses gars dans l'bar. pour sa sécurité. un qui s'lève, qui regarde lia. un signe de tête pour lui dire qu'elle a pas besoin. pas besoin qu'il intervienne pour la sauver. elle s'approche lia, fait l'tour du comptoir. l'regard assuré. rapide, elle extirpe une lame de sa manche et vient la planter sur l'tabouret, à un dixième de centimètre de ses parties intimes. l'gars il sursaute, il a pas vraiment l'air d'comprendre ce qu'il se passe. t'as pas vraiment envie d'savoir d'quoi j'suis capable. elle fait tourner l'couteau entre ses doigts, la lame qui effleure le tissu d'son pantalon. finis ton verre et dégage. si tu veux pas que je t'arrache c'qui fait d'toi un homme. l'gars il sent le whisky à cent mètres, même pas certain qu'il soit conscient de c'qui est en train d'se passer. mais il acquiesce et il avale son verre d'une traite. lia elle est déjà retournée à son comptoir et l'gars, il a disparu. elle est obligée lia, d'être comme ça. parce que c'est une femme. une femme dans un monde d'homme. elle en a pris, des raclées. souvent. mais elle s'est toujours relevée et depuis, elle a apprit à s'faire respecter. c'est c'qui lui a permit d'survivre dans la rue. c'est c'qui lui permet d'être en vie, aujourd'hui. mais lia, elle se salit jamais les mains. c'pas elle qui tabasse dans les ruelles sombres. c'pas elle qui assène le coup fatal. lia, elle est là pour prévenir, pour faire passer l'message. elle menace. juste. un coup d'chiffon sur l'comptoir, elle ramasse les verres vides avant d'servir les verres pleins. elle s'baisse pour attraper une énième bouteille de whisky. vide. tellement d'monde qui vient s'bourrer la gueule ici que le whisky s'fait rare. lia elle tourne les talons, franchit les quelques pas qui la séparent d'la réserve. elle parcourt les étagères, attrape le saint-graal d'la moitié des clients du bar et retourne à son poste. les verres servis, l'regard qui s'arrête sur une silhouette. de dos. et pourtant elle le reconnait quand même. alexis. un flash, d'ses lèvres sur les siennes et les poings qui s'serrent. abruti. il avait pas l'droit. elle sert un whisky, l'pose bruyamment devant lui. c'pour l'inciter à s'retourner. lia elle l'a jamais vu ici, il sait sûrement même pas qu'elle travaille là. quand il s'retourne enfin, lia elle lève la tête. les prunelles qui accrochent les siennes. comme on s'retrouve. elle pose ses deux mains sur l'comptoir, les ongles qui viennent glisser sur le bois abîmé. t'en as pas eu assez la dernière fois ? elle parle du moment où il s'est fait cogner. évidemment. pas du baiser qu'il lui a indécemment volé. ça, elle l'a oublié. essayé d'l'oublier.

l'sale gosse. il est là, planté devant elle, la bouche en cœur. il cherche, clairement. il remue l'couteau dans la plaie. et malgré qu'elle ait envie d'l'étrangler, ça lui plait, à lia. elle aime ça. qu'il s'tienne debout face à elle. qu'il plie pas. ça l'intrigue lia. quel est l'intérêt là-dedans ? elle l'a fait tabasser, il devrait s'effacer. point. pas s'pointer ici et s'la jouer bourreau des cœurs. et pourtant lia, elle est pas indifférente. parce que c'est un con. et elle aime les cons lia. ceux qui t'font tourner en bourrique. qui te malmènent et qui t'donnent envie d'crever quand ils disparaissent. elle sait pas faire les choses normalement. elle sait pas aimer normalement. pauvre gosse. un rire qui s'échappe entre ses lèvres. c'est de la moquerie. tu vas devoir t'en contenter. lia elle s'sert un verre et avale une gorgée. surtout que j'suis sûre que t'as pas l'niveau pour me satisfaire. l'plus grand affront qu'on puisse faire à un homme, rabaisser ses performances sexuelles. c'est peut-être un défi. lia elle en joue, parce que c'est lui qui a commencé. lui qui a voulu la piquer. elle s'accoude au comptoir et rapproche son visage du sien. assez près pour pouvoir se perdre dans l'azur de ses yeux durant un quart de seconde. qu'est-ce tu cherches là en venant ici ? elle murmure à son oreille. j'sais pas si t'es courageux ou si t'es juste con. elle s'recule. reprend sa place derrière son comptoir et avale son verre d'une traite. l'regard qui s'durcit. en fait, elle lui en veut lia. elle lui en veut d'débarquer comme ça avec son arrogance et son regard suffisant. elle lui en veut de s'la jouer mec imperturbable alors qu'il pourrait s'faire détruire d'un claquement de doigts. l'insouciance, c'est ça qui t'perd. c'pour ça qu'lia elle laisse personne entrer dans son monde. pas trop d'près. pour pas briser les espoirs. et les croyances. pour pas avoir à s'inquiéter en permanence. pour pas avoir à penser à quelqu'un d'autre qu'à elle. pour pas avoir à aimer, en fait. tu devrais t'en aller, alexis. conseil, menace. qu'il le prenne comme il le veut. qu'il l'interprète comme il le souhaite. lia elle s'en fout. elle veut juste qu'il s'tire. plus jamais l'revoir. elle veut pas qu'un type vienne foutre le bordel dans sa vie. alors elle le repousse, tant qu'elle tient les rênes, tant qu'elle est encore maître. lia on l'attache pas, on la dompte pas. enfant sauvage, elle détruit tout ce qu'elle touche. partout, et tout l'temps. elle fait jamais les choses bien. jamais les choses comme il faudrait. elle s'contente de s'enfoncer. encore et encore. d'creuser sa tombe jusqu'à c'que mort s'en suive et qu'elle ne puisse plus rien faire pour se sauver elle-même. gamine des rues. gamine déchue.