les idéaux sous la mitraille (javi)

- la tête tournée vers les étoiles -
i-xv. la juventud perdida. les yeux qui s'ouvrent sur un monde en décomposition. engendré par deux mexicains, dégénérés par l'environnement malsain dans lequel ils évoluent. el padre est ouvrier dans une usine locale, payé une misère alors que les produits qu'il touche seront plus tard vendus une fortune. les téléphones portables, ça intéresse peu la mama qui reste au foyer s'occuper de ses quatre enfants. peut-être même cinq à l'heure où je vous parle, javi n'a plus de nouvelles. aîné de ses trois sœurs, le poids qui repose sur ses épaules à l'heure où il faut aider la tribu. enfance désillusionnée, innocence trop vite perdue. on lui demande d'être un adulte alors qu'il n'a pas eu le temps d'être adolescent. mais il faut aider l'padre, parce qu'il peut pas être le seul à trouver les revenus suffisants pour nourrir six bouches. alors javi, il opte pour ce qui lui semble être la solution de facilité. à dix ans à peine, les petits vols à l'étalage, et un poulet rôti sur la table pour le dîner. l'expérience qui se fait avec les années, les relations qui s'étendent et une bande de gosses paumés qui se forme. ensemble, les casses, les braquages de banque, les petits deals en tous genres. l'entrée fracassante dans le monde adulte, les revenus qui sont plus faciles que ceux de papa. mais plus dangereux aussi. une famille nourrie, unie, heureuse de trouver un plat chaud à se mettre dans l'estomac tandis qu'on ferme les yeux sur la manière dont s'est arrivé là. ils n'ont pas à savoir, ou ils ne le veulent pas. pourtant, ça commence à se voir, les loubards qui frappent à la porte pour demander javi, les pupilles dilatées par le sachet d'herbe troqué au coin de la rue. de dix à quinze ans, de l'argent qui s'accumule sous le matelas, dérobé par-ci par-là au prix d'une jeunesse trop vite envolée, una juventud perdida.
xv-xx. vida de juego y riesgo. une dizaine de joyeux lurons arpentent les rues de reynosa, clopes aux becs. un .44 dans la poche arrière des jeans, le revolver pèse lourd dans le dos de javi, âgé alors d'une quinzaine d'années. le sourire satisfait de se sentir, de manière injustifiée, protégé par une arme à feu. les frissons que ça procure, à l'adolescence, de posséder son premier flingue. une passion qui grandit avec les années, un hobby devenu une nécessité de défense. les deals deviennent plus gros, prennent plus d'ampleur. les braquages se font toujours plus loin. on prend l'argent ailleurs et on le ramène dans le pueblo. plus on en a, plus on en veut. on donne aux familles, on partage avec les amis. des butins satisfaisants qui améliorent le niveau de vie, un petit peu. les rois du monde, pas de représailles. sentiment de puissance trop tôt altéré, par la mort d'un des camarades. enjeu trop risqué, chance loupée, les dommages collatéraux que la bande ne connaissait pas encore. des funérailles catastrophiques, l'air sali des cris plaintifs d'une mère qui vient de perdre son fils. javi qui ne supporte pas les pleurs de la femme, javi qui s'enflamme. "ese marica lo va a pagar". cet enfoiré le paiera. promesse fait au ciel sous les oreilles témoins des compagnons d'infortune. trois jours plus tard, le premier coup de feu, la première vie ôtée. la rage gonflant les poumons au moment d'appuyer sur la détente, ce moment de satisfaction et de plénitude de ressentir que justice a été faite. l'évolution rapide d'un enfant devenu trop vite adulte. d'un gosse des rues qui profite comme il le peut, qui impressionne ridiculement des filles ébahies par toute cette maturité qui émane de son corps adolescent.  
xx-xxiv. el terremoto humano. le cœur s'emballe, l'air manque dans les poumons. imbécile qu'il est, le mexicain oublie de respirer. vision divine d'une grande brune, visage angélique au milieu de la discorde. espoir réveillé, pêché de vouloir piquer la copine d'un ami. javi s'en fout, javi s'enfonce. javi insouciant fonce, chance à ne pas laisser passer que de pouvoir séduire celle qui deviendra sa femme. il l'attire, l'amène, la plonge dans le tourbillon de ses affaires. objet du désir et des fantasmes, compagne d'infortune, ensemble ils dévastent tout sur leur passage. amour idyllique de courte durée lorsque belle-maman apprend la nouvelle. pas assez héritier, pas assez fortuné, pas assez catholique. ça colle pas dans le tableau de la parfaite vie bien rangée. anita, visage d'ange et diable au corps, rompt. le cœur qui s'emballe et le poing qui part s'écraser contre le mur. douleur bien faible par rapport à celle qui déchire le cœur. alors c'est le départ. guadalajara, ciudad juàrez, les planques chez les plus gros dealers de drogue du pays. quelques lignes de poudre dans le nez, quelques bouteilles pour oublier. tout ça pour l'oublier, elle, et le mal qu'elle a fait. parce qu'il n'y a pas de faiblesse dans le cœur de javi, il ne supporte pas qu'il puisse y en avoir une. besoin de personne, ne comptant que sur soi-même. les autres vont, les autres viennent. simples touristes de passage qu'il croise sur son chemin. sentier étroit qui mène toujours au même endroit, retour au berceau sous quelques semaines et surprise de retrouver la brune incendiaire sous un pont. et là, ce qui était censé être une fin devient le début de tout. des retrouvailles incendiaires à la chaleur du pardon sur l'oreiller, des mains qui s'agrippent aux hanches pétrissant cette chair voluptueuse comme s'il voulait lui arracher son pardon, plutôt que de se le laisser donner. javi impulsif, javi possessif. instabilité reniée lorsque les vœux de mariage sont formulés. "nadie en toda tu vida te va a querer como yo en este momento y hasta el final te quiero, guapa.". elle, à jamais. elle, malgré les écarts aux sacrements, malgré les boutades. ils pourraient se quitter un million de fois qu'ils finiraient toujours par se revenir. destin joueur. 
xxiv-xxix. la palomita y el cambio. douce colombe qui s'installe dans le nid peu douillet de leur mariage, pour au final en faire un havre de paix. jo amène l'harmonie, palomita douce et rêveuse qui apaise les tensions. jeune américaine venue découvrir le monde et tombée dans les griffes de deux lions enragés. ils s'aiment, tous les trois. entre découvertes et opérations éclairs, jo est lentement initiée. tenue à l'écart du pire, protégée, choyée, aimée comme si elle avait été là depuis toujours. c'était celle qui leur manquait, la pièce manquante du puzzle. six mois trop courts d'une situation trop vite regrettée. la douleur dans les veines quand jo s'en va. et alors que javi ne pensait pas que cela puisse arriver, son cœur prend un coup, pour la deuxième fois. coco dévastée est incontrôlable, javi violent n'arrive plus à penser, n'essaye même pas de la contrôler. les mois passent, la rage au ventre tiraille les viscères comme un ulcère qui grignote les tripes. voyages incessants pour trouver un nouveau lieu d'établissement, nulle part où se sentir chez soi jusqu'à leur arrivée à crescent heights. nouvelle vie, nouvelles rencontres. on s'adapte et on continue, traçant à travers les ronces sur la route. il faut bien avancer, quitte à s'en taillader les genoux et s'écorcher les pieds. ça fait mal, de vivre avec coco, de subir cet amour violent et ces crises incessantes. ça fait mal, de bouillir de l'intérieur quand elle ne revient pas. et toute cette douleur n'est que haine, que violence et envie de tout dévaster. javi tempête, javi tornade. ses petits jouets favoris dans les poches et un trafic qui s'installe gentiment aux portes américaines. un nouveau départ, la douce colombe posée sur un fil en toile de fond. coco et javi, bonnie et clyde, deux âmes égarées aussi dévastatrices qu'une catastrophe naturelle.