Absit Omen (P.V : Dani)

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All those moments will be lost in time, like your tears in the rain. Les fidèles en ce soir où la pluie prend corps dans les épais nuages de notre bien aimé ciel, partent le coeur léger, la foi de nouveau prise dans l'étau de leurs espoirs fous et de leurs lendemains rêvés. Quelques couples restent encore au sein des murs religieux, bercés par la lumineuse des cierges et la voix de leur protecteur, de leur conseiller : leur pasteur. Celui-ci prend aux épaules l'une de ces vieilles dames aux épaules, apaisant ses peines quand à son âge qui la rend de plus en plus aigrie. Celui-ci tapote le dos de l'homme qui ne voyait jusque là ses soucis que dans le fond d'une bouteille qu'il devait à tout prix vider de son alcool; maintenant ses lèvres sont engagées dans une nouvelle cause : Dieu. Tant de gens cherchant un sens à leur vie qui leur paraît misérable ...

Et la pluie continue à s'abattre sur eux, à les mouiller sans cesse en une sentence sombre mais nécessaire pour laver la souillure les habitant. Cael la regarde tomber sur les derniers fidèles, armés de leur parapluie ou bien de leur anorak. Il fixe la beauté de cette caresse froide étouffant les lumières des lampadaires. Le son, comme chaque fois que tombe la trombe le transcende en ses derniers sens encore endormis. Comment ne peut-on pas aimer la pluie. Elle est si belle et si bonne, à la hauteur de l'oeuvre de dieu. Claire, limpide, synonyme de fraîcheur sur notre corps impropre des sueurs de notre travail.
Contenté de cette dernière liturgie ainsi que du paysage s'offrant à lui, Cael s'apprête à refermer les portes de la cathédrale, jusqu'au moment où une ombre de petite taille quelque peu familière vienne l'arrêter dans son élan. Il veut dire le prénom, mais à peine le souffle pris, que l'ombre disparaît. Alors le pasteur sort de sous les pierres protectrices de son office, ferme la porte et part à la recherche de l'enfant du nom de ...

"Dani ! Dani Helsing !"
La voix du pasteur se fait tout de même sèche et claire pour l'ouïe la moins entraînée, malgré le bruit offert par les intempéries. Enfin, le jeune homme s'arrête. Il semble faire le tour de la cathédrale comme à son habitude lorsque quelque chose le tracasse, ou bien quand vient le moment de ses disputes familiales.
"Je te l'ai déjà dit mille fois. Cela ne sert à rien de tenter d'entrer par l'arrière."
Cael arrive enfin près du garçon et non surpris de son état, qu'il commence malheureusement à connaître, le prend par le bras. En regardant son visage, l'homme de foi ne peut réprimer une légère grimace.
"Viens, mon enfant. La pluie ne pourra pas te sauver entièrement.
- Pope Nikolova ?"
Cette voix. Le pasteur se place immédiatement face au gosse pour le cacher à la vue de ce triste et reconnaissable individu entre mille sur cette ville : le père Helsing.
"Que faites vous sous la pluie à cette heure ? Vous risquez d'attraper la mort.
- J'ai cru entendre un chat s'infiltrer à l'arrière de la cathédrale."
- Il n'y a pas que les fidèles qui reviennent en force, grâce à vous. Vous avez besoin d'aide ?, dit le tristement célèbre père en essayant de s'avancer à nouveau.
- Je crois que je ne suis pas celui qui semble être dans le besoin, mon fils."
Cael a pivoté pour se retrouver face au paternel caché sous son parapluie et ce qu'il reste d'un des arbres de l'allée pavée en cette saison froide. L'homme s'arrête donc quand l'imperturbable prêtre orthodoxe lui sourit non sans un air qui rappelle au despote familial que les prétextes ne sont jamais une bonne affaire avec l'homme de foi.
"Je cherche Dani. Vous ne l'auriez pas vu ?
- Malheureusement non. Aujourd'hui il n'est pas venu se recueillir au sein de la cathédrale, mon fils.
- Bon. D'accord. Merci, pope. Et à demain matin.
- À demain matin."
Le père Helsing s'en va alors comme il est venu, telle une ombre menaçante dans l'immense trombe aquatique. Maintenant que la personne non invitée est partie, Cael tourne la tête en direction du fils, l'air dur mais quand même parcouru des prémices de l'inquiétude.
"Nous allons rentrer dans la cathédrale, et tu vas m'expliquer ce qu'il se passe. N'est-ce pas Dani ?"

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@dani helsing

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j'suis pas pressé d'grandir
j'viens d'voir quelques dragons survoler la vallée.

cette fois c'est fini.
ils me reverront plus.
bien fait.
parce cette fois j'm'en vais pour de bon. ils avaient qu'à pas me crier dessus, après s'être criés dessus encore. ils avaient qu'à pas mentionner leurs sales histoires, ces histoires d'adulte, ces histoires de confiance piétinée, ces histoires de sexe et de médicaments.
ils avaient qu'à pas parler de lui.
parfois j'ai comme l'impression qu'ils oublient
que j'existe, moi aussi.
que moi j'me suis pas buté,
que j'suis leurs deuxième fils et que j'suis vivant.
(à ce rythme, plus pour très longtemps)
parfois j'ai comme l'impression que j'oublie
que c'est qu'une crise parmi tant d'autres
que j'vais jamais fuguer pour de vrai
que j'vais finir par revenir avec ou sans espoir,
la vie la mort en rose,
conneries qu'on répète à l'infini.

je cherche dani. vous ne l'auriez pas vu ?
et moi, trempé, et moi, hors d'haleine, les yeux rouges
j'voudrais me rendre invisible, histoire qu'on lui dise non monsieur non dani a disparu dani est mort dani a tout simplement cessé d'exister dani ne respire plus depuis longtemps sincèrement désolé monsieur vous pouvez peut-être aller chercher ailleurs on sait jamais.
à demain.
et moi, perdu dans mon propre cerveau,
je lève difficilement le regard vers le pape.
ses questions résonnent dans ma tête.
j'entends les sons sans vraiment comprendre les mots qu'ils forment.
incapable de savoir si c'est l'émotion, la drogue ou n'importe quoi d'autre.
je tremble c'tout ce que je sais. inspire expire.
j'ai froid.
et tant que je me serais pas souvenu comment on fait pour respirer, lui et moi on pourra pas parler.

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All those moments will be lost in time, like your tears in the rain. À sa question, il n'y a que l'affirmation dont il se doutait depuis un moment. Froid, blanc comme un cadavre, l'enfant marche sous la pluie pour se punir; effacer ce qui fait de lui l'être et l'âme. Cael s'accroupit et attrape de suite Dani à la mâchoire, lui tourne la tête sans trop le forcer. Et la constatation se fait d'autant plus incisive qu'irrévocable : Blanche est sa peau. Rougis sont ses yeux. Tremblants sont ses muscles. Et l'intérêt qui règne d'habitude en ses yeux a disparu. Il est juste brisé, encore. Alors ... cette main qui tenait la mâchoire glisse, remonte jusqu'à la joue froide. Elle couvre de ses restes de chaleur l'arrondi au lieu de la frapper ou bien de l'empourprer de la honte de gestes malhonnêtes.
"Je me doute."
Ce n'est pas la première fois. Ou si ça l'est; de façon aussi intense. Rabaissé, désorienté. Faible. Le pasteur l'attrape alors à la taille et aux jambes, le soulève sans que le jeune homme puisse émettre une quelconque objection. Ce n'est pas de l'humiliation que de devoir être porté. Après tout, l'être humain a besoin de soutien et ce soutien se matérialise en bien des faits. Ils partent tous deux ainsi jusqu'aux murs protecteurs de la cathédrale, dans le silence le plus complet. Dani, on ne sait pas trop si il est là, ses pensées vaquent comme ses mains. Mais pas Nikolova. Son regard est dur, puissant, empli d'une volonté peu commune de briser dans le fond le coupable de ce ça.

"Va sous la douche. Je vais te chercher des tissus secs."
Quand on dit que pour Dani ce n'est pas la première fois, c'est qu'il a déjà été dans ce local aménagé à l'arrière de la bâtisse de Dieu. Ce petit coin de paradis où le pasteur se rend si souvent, où il se lave, dort, mange, redevient un homme ... jusqu'aux prochaines vêpres.
"J'ai un reste de soupe aux légumes et au curry, ainsi qu'un peu de pain. Je vais te faire chauffer ça."
Cael sort le réchaud, se débarrasse en même temps de son haut trempé pour éponger un maximum l'eau sur son torse et son visage. Puis, il regarde l'autel où trône Marie pleine de grâce et compassion, adresse une prière à demi mots et reprend le cours des choses. Il s'avance avec des serviettes propres sur les épaules jusqu'à ce qui sert de salle d'eau en ce lieu et se décide à allumer le pommeau de douche. Dani se prend alors une volée d'eau chaude contre son corps glacé. Un éveil pour certains, des crises d'angoisse pour d'autres car arrachés à leur réalité utopique.

Soudain, une rechute. Dani manque de tomber. Son protecteur le réceptionne alors tandis que le pommeau se dérobe quelques centimètres plus loin dans la cuve.
"Tu es en sécurité."
Cette fois, ce sont les deux mains larges et fortes du pasteur qui englobent le visage du rêveur moderne. Plus proches, plus comme un père devrait agir pour la chair de sa chair. L'eau coule toujours, comme la pluie, dehors. La sent-il seulement cette sécurité que le pasteur s'efforce de lui donner en ce soir funeste ? Pense-t-il à lui plutôt qu'à l'homme qui a tenté de faire de ses os son banquet du jour ?
"Je vois qu'il a encore réussi à briser ton mur."
Soupire l'adulte non sans se montrer sincèrement contrit. Car il est loin, Dani Helsing le rêveur. Éloigné de force, éloigné de tout. Est-ce que de là bas, il devient un héros et soumet les abrutis de puissants, à l'aide commune ? Son père est-il sa némésis comme ici ? En se plongeant dans son regard vitreux, il est difficile d'y distinguer un paysage verdoyant ou bien un monde en paix.
"Aller laves-toi. Respire."
Oui, qu'il respire. Par la peau, la bouche, le nez. Respire mon enfant, tu as encore des choses à accomplir ici bas.

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c'est sous la douche que j'me réveille.
l'eau brûlante met ma peau endormie à vif.
je me demande si c'est comme ça qu'on traitait les gens avant
pour les endormir de leurs efforts
pour les éloigner de leurs conneries limbiques
( sûrement mais pas besoin d'utiliser des mots compliqués )
( dani faut vraiment qu'tu prennes le temps de respirer )
allez laves-toi. respire. tiens justement.
j'me souviens qu'il est là, soudainement.
puisque j'suis incapable de prendre soin d'moi-même
un peu comme un enfant quoi
ce que je suis dans le fond évidemment j'ai que quinze ans même si ça j'aime pas le dire j'aime pas trop l'admettre j'aime bien penser que je suis spécial mature différent décalé déjà adulte bien que ce soit faux et complètement à côté de la plaque avouons-le
et quand l'eau s'arrête j'ai froid.
c'pas la faute de mon père vous savez
c'est mes vieux en général
et mon frère aussi
tout est de sa faute en fait
il aurait pas du me laisser seul c'tout.
y a un truc qui s'est développé dans mon cerveau
des neurones qui ont court-circuité
parce que voilà j'commence à parler de moi comme si c'était facile
comme si j'racontais un feuilleton télé.
une fois enroulé dans plusieurs couches de tissu,
les cheveux trempés et les yeux fatigués,
je hausse les épaules.
je balaie tout ce qui me fait souffrir.
facile.
bref, des conneries.

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All those moments will be lost in time, like your tears in the rain. Les mots brûlent dans sa bouche enfantine, comme l'eau qui brûlerait sa peau au lieu de l'apaiser, de le rendre vivant sans qu'il ne souffre. Comme ces mots qu'ont les gens de Night Falls, comme ceux qu'il dirige et qui ne montrent patte blanche que pour mieux écorcher la brebis galeuse. Cael ne peut s'empêcher de soupirer et de pincer l'arête de son nez en signe de désapprobation. Il repart un instant pour vérifier la température du bouillon, avant de revenir avec deux serviettes de plus. Une pour le sol, une qu'il pose sur les cheveux de Dani. Et par dessus cette serviette il frotte ces cheveux bouclés tombés en désuétude comme leur propriétaire pour que de nouveau l'épaisse masse se revivifie. Il y a aussi ce peignoir qui tombe sur ses épaules. À croire que le pasteur a l'habitude ne nettoyer les gens errants sous la pluie. Croyance vraie. Âmes souillées, âmes sans but, réchauffées, consolées.
"Tu sais, Dani ..."
Cael s'accroupit, passant le peignoir deux fois trop grand sur l'adolescent. Son air est grave, et il sonde le peu de vivacité qu'il reste en cet être de ses yeux noisettes.
"L'Abbé Tuet ... marqua dans son livre ... les morts ont toujours tort. Carmen Posadas dit à son tour ... Personne ne peut ressusciter les morts ni compléter leur destin."
Le pasteur tord ses lèvres et fronce les sourcils, yeux baissés vers les pommettes de Dani le temps de donner sens à ses reflexions.
"Ton frère n'est plus ici. Mais a-t-il seulement eu le choix ?"
Il secoue la tête une réponse inutile face à cette réthorique.
"Le Sort, l'a voulu. Une épreuve dans laquelle tu te perds. Une tragédie que tu crées."

Tragédie humaine, triste sire face au fatum. Création d'une dépression qu'un enfant ne peut contrôler seul. L'homme de foi le laisse sortir de la cabine, l'invite à aller se sécher sur le fauteuil lit. Cael finit de s'occuper de la préparation du modeste repas, mais néanmoins continue son réquisitoire; non pas contre Dani, mais contre ceux qui devraient le soutenir.
"Le Sort pourrait bien te frapper aussi Dani. Il aurait pu te frapper de son éclair, ou bien sortir de ses bois sombres les phares d'une voiture, qui vient alors te percuter à toute vitesse."
Cael goûte la soupe, y rajoute un peu de sel puis vient poser sur la table basse le bol empli du chaud liquide ainsi que le morceau de pain. Il pose sa main sur l'épaule droite du garçon et la secoue quelque peu.
"Pourtant, tu es là. Et dans sa grande bonté, Dieu te rappelle qu'il n'est jamais bon d'accuser ceux qui ont été les plus grandes victimes du Sort. Mais d'apprécier le propice moment où l'esprit tourmenté peut se décharger de quelque fardeau."
Le sérieux qui transparaît du visage du pasteur est signe de reproches certes, mais aussi de bonté, cachée, mais présente de par sa chaleur.
"Ce n'est pas la responsabilité de ton frère qui doit être remise en cause. Mais celle qui devrait soutenir plutôt que détruire ce qui lui est cher."

Il le relâche à nouveau, prenant le temps de chercher de quoi se faire lui aussi un breuvage, sous la forme de thé. Pendant ses pérégrinations, il change alors de sujet, pour essayer de raviver ce qui d'habitude fait vivre ce petit être d'habitude rêveur.
"Comment se passe tes sorties avec tes amis."
Non, il ne parlera pas des cours, mais de ce qui le tient au coeur, ce qui lui fait penser que le lendemain vaut peut-être un peu la peine d'être vécu. Les cours ne sont pas faits pour instruire ce pan essentiel dans l'épanouissement adolescent. Non, ils ne permettent pas à l'être d'avoir le soutien essentiel pour grandir. Et ça Cael, ne l'a que trop bien vécu, il fut un temps.

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même si j'crois pas en ces conneries,
même si selon moi dieu n'existe pas,
les paroles de cael le sont toujours autant.
apaisantes. fortifiantes.
je sais pas trop mais ça a une sorte d'effet.
de la magie un peu.
( j'aimerais bien en tout cas )
ton frère n'est plus ici. mais a-t-il seulement eu le choix ?
et ça résonne dans ma tête.
ça fait des échos dans ma tête.
et j'pense à la sienne, à sa tête à lui, sa tête remplie de lèvres qui chuchotent, sa tête dans laquelle ça devait pas aller au mieux, et j'me dis qu'au final, peut être qu'il a pas décidé d'me laisser tout seul. peut-être qu'au final,
le suicide, c'est comme une maladie.
une sorte d'épidémie.
un truc véhiculé par un mal-être constant,
une obsession envahissante au moindre inconvénient.
j'avale ma salive. dur.
le sort, tout ça.
ça me convainc pas trop.
mais j'lui souris quand même.
mon joli sourire des pubs de dentifrice,
ce genre de trucs rassurants.
histoire de lui dire que ça va pas trop mal
ou qu'en tout cas je suis toujours vivant.
c'est déjà ça.
j'ai un peu froid mais le peignoir trop grand m'enveloppe, et la gratitude aussi, la reconnaissance d'être toujours un peu plus sauvé par lui, toujours un peu moins mort par son attention.
mes sorties, c'est sympa.
j'imagine.
j'oublie pas mal de choses.
incapable de lui mentir.
ironique quand on sait que j'crois pas au bonhomme barbu là-haut.
j'fais pas mal de conneries.
souvent je plane
j'vois des trucs survoler la ville
j'me pose moyen des questions
j'ai les yeux qui s'ferment tous seuls
ce genre de choses
normal quoi.
pas normal mais ça on l'dira pas.
on fera comme si de rien n'était.
comme si tout allait au mieux
dans le meilleur des mondes
c'est joli comme phrase
un peu trop cynique pour être vrai.