desastres (desi & tekla)

je suis intriguée. nerveuse je pose mon téléphone sur l'accoudoir du canapé. trois minutes que mon coeur s'emballe, trois minutes que les questions fusent. c'est qui ? est-ce que je dois y aller ? une petite voix m'assure que c'est une mauvaise idée. une sale blague qu'on veut me faire. que si j'ai vraiment supprimé son numéro, ça devait être pour une bonne raison. je suis dramatique comme fille, je m'enflamme, je déchante puis je coupe les ponts. les amis il vont et viennent, je les enchaîne en éternelle désabusée. alors ouais, y a moyen que je le connaisse et qu'on ait partagé quelques bières il y a longtemps. le bon vieux temps comme il dit. je suis tentée, intéressée je commence à spéculer. y a un million de scénarios qui pullulent dans ma tête et chaque seconde qui passe me rapproche un peu plus de la porte d'entrée, puis des limites de mon quartier. impossible de résister, je décide de me jeter droit dans la gueule du loup. il aura réussi son coup, qui qu'il soit. un ancien ami, une connaissance ou un mauvais farceur, qui se délecte de sa blague, déjà persuadé de son succès. en chemin vers le roaring lion, je me persuade que j'avais prévu de sortir de toute façon. que j'avais soif et que j'pouvais pas dire non. ça reste qu'une bière fraîche, seule ou mal accompagnée. y a pas de mal à ça, puis j'ai pas peur, ça non. au pire quoi ? je l'envoie bouler, j'passe la soirée en solitaire, c'est vraiment rien d'insurmontable. mon regard ne lâche l'horizon que pour scruter l'écran de mon téléphone, constamment déverrouillé. à l’affût de la moindre notification, de voir ce numéro inconnu s'afficher à nouveau. inconnu mais pas tant que ça. je pourrais presque me rappeler de mes doigts en composer les quatre derniers chiffres. mais c'est pas en fronçant des sourcils que ma mémoire reviendra. alors je presse le pas, je suis plus qu'à quelques mètres d'avoir le fin mot de cette histoire. de mettre un visage sur ce numéro.
je finis par arriver sur le lieu de rendez-vous. à la vue de l'entrée du bar, j'espère que le stalkeur est pas de ceux trop précieux parce qu'on est loin des clubs du centre ville. j'regarde à droite, j'regarde à gauche, je fais un tour sur moi-même, puis je me fige. j'en aurais presque laissé mon téléphone par terre, si tous les muscles de mon corps ne s'étaient pas soudainement raidis. j'lâche un « putain. » entre mes lèvres vite suivit d'un long soupire. « desi ... j'aurais du m'en douter. » je rajoute sans la moindre délicatesse. c'est pas comme si lui l'avait été avec moi. je me rappelle très bien l'une des dernières fois que j'ai vu ce visage et elle explique l'absence de son numéro dans mes contacts. c'est qu'il me connaît bien, il savait qu'à la vue de son prénom j'aurais presque cherché à changer de numéro. maintenant que je suis là, je réalise que j'ai bel et bien mordu à l'hameçon. bordel laissez-moi faire demi-tour.

t'as un sourire aux lèvres quand la jeune femme accepte l'invitation. une certaine excitation aussi, de reposer ton regard sur elle. parce qu'elle ne sait pas qui tu es, tu ne lui as donné aucune indication. t'as juste attiser son envie de te rencontrer. peut-être qu'elle s'attend à une bonne surprise, au prince charmant. et t'as l'intime conviction qu'elle sera déçue lorsqu'elle t'aura en face d'elle. mais t'en as pas grand chose à faire. ce soir tu joues les égoïstes, t'es qu'un mec tout droit sortie de prison qui ne veut pas passer sa soirée seul dans un appartement vide. et revenir vers tekla, c'était une des choses les plus faciles et des plus typiques tu pouvais faire. un cliché des plus parfaits. c'est toujours le sourire aux lèvres que tu te prépares, que t'enfiles des vêtements décents parce que t'as aussi l'espoir de passer quelques heures en sa compagnie.
t'es à l'heure au roaring lion, t'es même en avance et ce sont des choses qui n'arrivent que rarement. au bar tu commandes deux pintes de bière, et tu vas t'asseoir à une table, commençant à boire ta mousse tout en regardant autour de toi. pressé qu'elle passe le pas de la porte. et la femme est des plus à l'heure. t'as les yeux d'un gosse quand elle entre dans le bar. un fin sourire en coin quand tu vois qu'elle cherche, son téléphone entre ses mains comme si elle attendait un message de son rendez-vous mystère. très vite ses yeux se posent sur toi, et tu sens la déception au fond de ses yeux, sur ton visage c'est un sourire qui prend forme. sourire de gosse. ravi de l'effet de surprise. desi ... j'aurais du m'en douter. elle aurait dû oui, et maintenant qu'elle est là ... elle pourrait toujours fuir, mais il n'en est rien. elle ne te quitte pas des yeux et tu en fais de même, détaillant son visage avec insistance. il y a les quelques marques du temps passé, puis c'est son corps qui attire ton attention, furtivement. c'est en dessous de tes attentes ? que tu ricanes. comme promis... tu montres les bières devant toi, et tu attends qu'elle prenne place. j'pourrais les boire tout seul, mais maintenant que tu es là. t'esquisse un fin sourire. j'me disais qu'on pourrait rattraper le bon vieux temps... que peut-être on pourrait passer l'éponge sur ce qui s'est passé entre nous, que j'essaye de te montrer que j'ai changé, même s'il n'en est rien. tu bois une nouvelle gorgée. tu sais que tu vas devoir prendre sur toi ce soir.

quand j'finis par voir le visage de desi dans la foule, je suis prête à parier que c'est le mien qui est en train de se décomposer. je peux le voir à travers le regard qu'il me lance, à travers le sourire qui nait à la comissure de ses lèvres. il a tout compris le petit. il savait bien que je résisterais pas à l'envie de me pointer dans ce bar minable. et que je trouverais pas la force de m'en aller une fois sur place. les quelques mois passés à s'aimer, en admettant qu'il m'ait jamais aimée, puis à se déchirer lui auront bien appris une chose. c'est que je suis pas aussi forte que j'en ai l'air. je suis faible. sous mes airs de femme forte, sous ma peau hâlée, j'ai un petit coeur bien mou. bordel j'ai horreur de l'admettre, mais j'suis comme ça. donner des secondes chances, courir après les âmes perdues. chercher leur amour, leur attention. heureusement, moi aussi j'ai bien appris à le connaître et je sais bien qu'il m'a pas fait venir ici juste parce qu'il voulait prendre de mes nouvelles. je lui cache pas ma déception à sa vue, de toute façon c'est pas ça qui lui brisera le coeur. « je m'attendais plutôt à un admirateur secret, pas un ex récidivant. » que je lâche avant d'accepter de m'asseoir à côté de lui. juste le temps d'une bière que je me dis. j'attrape mon verre et le porte à mes lèvres sans dégner lui accorder le moindre regard. je regarde tout droit devant moi, me maudissant d'être tombée dans le panneau. « rattraper le bon vieux temps ? » je finis par demander, posant à nouveau mes yeux sur lui, sourcils haussés. « quel bon vieux temps au juste ? » je suis curieuse desi, de quel bon vieux temps tu parles ? celui où tu m'a choisie pour occuper ton lit mais pas ton coeur ? celui où sony passait avant tout le reste ? celui où t'as posé la main sur moi ? faut croire que c'est sa spécialité ça, à desi. prendre les gens pour des cons. moi la première, à lui avoir faire confiance une première fois, puis une seconde fois en croquant au froid défendu qu'est la boisson entre mes mains. « comment va sony ? il était pas là pour te garder ce soir ? » je finis par demander, la provocation dans le regard. comme de l'auto-défense, je montre les dents. qu'il dise pas qu'il s'y attendait pas à ça. j'peux pas m'empêcher de me dire qu'il doit se sentir bien seul pour contacter une ancienne ex. ça fait quoi ? cinq, six ans ? et quand je nous vois, je me dis qu'on a pas tellement changé. toujours à crescent heights, à traîner les bars. c'est comme si le temps c'était arrêté, qu'on revivait les mêmes choses encore et encore. j'me demande ce qu'il a bien pu faire pendant tout ce temps, mais je me doute qu'il a pas changé ses habitudes. same old same old.

t'es la déception de sa soirée. tu le sais, elle te le montre et ça te fait presque plaisir puisqu'elle décide tout de même de prendre place à ta table. elle aurait pu se barrer tekla, tu l'aurai bu cette deuxième bière ou tu l'aurais offerte à une autre jeune femme. mais c'est elle que t'avais envie de voir ce soir, redécouvrir son visage, redécouvrir cet air renfrogné. rattraper le bon vieux temps ? quel bon vieux temps au juste ? elle t'attaque, et tu le mérites bien. les mois que vous avez passé ensembles n'ont rien eu de bons, ni de merveilleux. ils se sont écoulés et vous avez fait ressortir ce qu'il y avait de plus noir chez chacun de vous, surtout chez toi. t'as jamais su comment agir, t'as jamais su y faire avec les femmes. et tekla elle a subit. t'as essayé de donner, mais t'as la sensation d'en avoir beaucoup trop pris. tu sais bien ce que j'veux dire tekla ... que tu souffles doucement, avalant une nouvelle gorgée alors qu'elle continue les hostilités. comment va sony ? il était pas là pour te garder ce soir ? tu laisses échapper un rire à son ultime question, elle pique la femme, elle pique et tente d'atteindre ton ego. elle y arrive, légèrement parce que t'as toujours eu la peau à vif Desi. il va très bien. ils se sont jamais entendu tout les deux, y'a toujours eu une certaine jalousie, une tension qui planait lorsque vous étiez tout les trois. et tu sais tout le poids que tu mis sur les épaules de la belle, parce que ta vie tu la vois à deux depuis déjà trop longtemps. t'as jamais su faire une place à une autre personne, parce qu'il y avait toujours sony dans l'ombre de chacune de tes relations. l'homme pour qui tu donnerais ta vie. alors tekla elle était au second plan en permanence. j'vois que t'as toujours pas avalé la pilule. tu ricanes doucement. j'te l'ai jamais caché sony, il a toujours été dans ma vie. c'était elle la pièce rapportée n'est-ce pas ? nouvelle gorgée, t'as la main légère ce soir. tes yeux sombres se posent sur elle, tu cherches son regard et tu le trouves. t'y restes plongé un long moment. elle a pas vraiment changé et toi non plus, malgré ces six années. j'voulais juste ... j'sais pas, voir ce que t'étais devenue. vois si j'avais encore de l'effet sur toi, ré-apprendre à te connaitre juste le temps d'une nuit. mais tu peux pas parler en toute sincérité. alors tu vas tenter de piailler, c'est ce qu'elles aiment les nanas non ? parler à en perdre leur souffle, raconter leur vie et qu'on s'y intéresse. t'es pas un grand bavard, les femmes tu les écoutes que lorsqu'elles sont dans ton lit, tu te nourris de leurs gémissement et ça s'est toujours arrêté là. mais j'peux aller me faire voir si c'est tout ce que je t'inspire. nouveau sourire en coin, pour détendre l'atmosphère.

j'errige une barrière invisble entre desi et moi. barrière qui prend forme à chacune de mes paroles, chacun des éclairs que je lui lance avec mon regard. j'voudrais pas lui donner l'impression qu'il a gagné, même si dans le fond, c'est déjà un peu le cas. j'suis là, j'ai accepté de m'asseoir, j'ai accepté son verre et accepté de lui parler. j'lui ai donné ce pouvoir, tout comme je lui en ai donné quand on était ensemble. je lui avais donné une place dans ma vie et maintenant je le vois essayer de s'y faufiler à nouveau. comme un serpent, il vient me charmer pour mieux me bouffer. bad move, il me parle du bon vieux temps. il se rend aussitôt compte de son erreur. sûrement que quelques détails lugubres lui sont soudainement revenu à l'esprit. j'en profite pour enfoncer le clou en parlant de sony. je prends hypocritement de ses nouvelles, parce qu'en réalité, je m'en fous pas mal. j'veux juste voir quel effet ça lui fait d'entendre ce prénom sortir de ma bouche. mais desi garde son calme, malgré cette petite lueur que j'arrive à percevoir dans le creux de sa pupille. il peut rien me cacher, tout comme je peux rien lui cacher. non j'ai toujours pas avalé la pilule. je réponds d'un simple haussement d'yeux vers le ciel, j'y perdrais à m'étendre sur le sujet. aucun de nous ne veux admettre à voix haute que j'étais juste bonne à réchauffer le lit. plus d'une fois, je me suis demandée si desi aurait épousé sony s'il avait été une fille. cette simple idée me ferait presque sourire si desi était pas en train de me fixer, à sûrement vouloir me déstabiliser. c'est que ça marche, car son air de repenti réussi à m'attendrir. j'en sais trop rien, je suppose que j'ai envie de lui donner une chance. ou bien d'entendre son histoire, car j'en mets la main au feu qu'il en a une. « c'est bon arrêtes. » que je lâche, un peu agacée par son cinéma, puis j'suis aussi un peu en colère envers moi-même. « j'deviens pas grand chose tu sais. toujours à crescent heights, toujours serveuse. » la différence, c'est que maintenant j'ai vingt-cinq ans. sinon j'suis toujours aussi perdue dans ma vie. puis il y a eliaz et asa, mes âmes soeurs, mes pilliers. « et toi alors, tu deviens quoi ? » que je demande à mon tour avant de porter ma bière à mes lèvres une seconde fois. j'avoue que je suis curieuse. qu'est devenu le fameux desi cox ? sûrement pas grand chose de plus que moi, s'il est toujours là à traîner les bars et rappeler d'anciennes ex.