EST-CE QUE TU M'SENS ? // jacky

tu m'as sali donc j'me détache
merci de rien
lâche-moi la main.

j'ai trop couru j'me sens pas bien
j'crois j'vais finir par vomir
( le mieux ce serait que j'm'évanouisse
et que je me réveille jamais
que j'tombe de travers
que j'me vide de mon sang
des trucs sympas quoi ultra glamour )
j'crois j'vais m'étouffer
mais c'est pas ma faute on est d'accord j'ai rien fait moi j'ai juste encore rêvé de lui qu'il était vivant j'ai rêvé que sa mort avait été un très long cauchemar j'ai rêvé d'une overdose aux somnifères et aux sodas et c'est pour ça que j'ai pensé à elle, à jacky quoi, la seule qui pourrait comprendre, qui me dirait pas dani t'es qu'un ado paumé, et ça c'est unique mais c'est triste.
alors j'l'ai appelée,
j'lui ai dit que y avait alerte rouge
et quand je la retrouve
( pas assez habillé
mort de froid et de peur
trébuchant sur les rails
enfant terrifié sans famille sans amis
sans batterie sur son portable )
je lui souris.
parce que c'est ce que je sais bien faire.
sourire. parce que tout va bien.
salut jacky.
pardon.
j'ai exagéré, au téléphone.
mais dani tu peux toujours faire genre.
t'es un gamin pas un héros
alors les yeux remplis de larmes et la voix tremblante, ça s'contrôle pas bordel, même quand on veut tout cacher, même quand on veut s'droguer et être un soleil, c'est foutu, c'est mort quoi.
il aurait du me dire.
que c'était la merde, dans sa tête
qu'il se sentait seul dans sa tête
sauf qu'il a rien dit
il est juste parti putain d'merde.

" Lumière on ne sait quoi dans la gueule
les talons trop hauts pour ne pas avoir des problèmes de dos plus tard;
les jupes ras le bol qui font chavirer les hormones des mâles en fuites du couple. "

Jacky elle trémousse son body sur des waves un peu orientales, quitte à s'éclater sur du pop et du disco, elle est trop défoncé par les lumières pour écouter. La jolie lumière de la nuit qui pompe un flot de douceur dans ses veines. Ça oublie pendant quelques secondes les mains frôlant sur derrière, les regards aguicheurs et les paroles envoûtantes des puceaux en quête d'un endroit pour ne pas finir chez papa et maman. Faudrait la regarder dans les yeux, avoir son attention pour choper sauvage. C'est pour ça qu'elle garde les yeux fermés. Pas ce soir, pas là, pas maintenant à cause de sa machine à écrire encore brûlante de la veille.
Bzz, bzz ; elle pense à éclater le gosse qui s'amuse à jouer avec sa fermeture de robe quand son portable vient coller sa poitrine (elle laisse jamais ses affaires au vestiaire, elle sait comment ça marche là bas, alors autant tout foutre dans son soutif) elle le sort sans grâce, à quoi bon ? Ses pas déments sur le sol, une voix fendante au bout du fil, manteau épaule, talon qui claque sous la lune de minuit. Hop, hop elle accélère le pas. Le gamin attendra qu'un peu.
Comme il n'y a plus de lumière qui danse, y'a que le froid et lune pour lui tenir compagnie. Pas les meilleurs, pas les plus parleurs mais ça fait passer le temps. Marmonne entre cigarette et vapeur, Jacky elle est perdue d'ailleurs. Ses talons sur les rails, « pas la meilleure idée, putain » son manteau fourrure à l'odeur du charbon « pas la putain de meilleure idée » portable bzz bzz contre son sein qui ne s'arrête pas « meilleure idée de merde » crache sa fumée pour se détendre. Elle pense à l'alcool chez elle, au cendrier remplit, aux linges sales sur le sol, à ses parents, à sa sœur, à sa merde dans les oreilles. « pas si naze que ça » elle veux pas rentrer dans son appartement comme une gamine de douze ans. Ou quinze. Désolée Dani.
Elle a mal aux pieds quand elle se pointe devant le gosse. Pas de regard vers lui pour le moment, elle écoute que sa voix tremblante. Gamin éclaté par la lune, il va crever à son âge.
« Ouais, ouais mais fait voir tes chaussures Dani. » elle lui chope la jambe comme mami aux essayages du mariage de Jerry. Trop des petits pieds, impossible d'échanger ses talons contre ses baskets de fortune. Elle tombe sur les rails comme un homme, elle retire ses chaussures comme sous alcool, elle regarde Dani comme Alek. Ressemblance à la con.
« Cigarette ? » main douce qui le tire à côté d'elle contre son manteau style tapin (style tapin oui, mais au moins elle crève pas de froid). Le paquet qui se tend vers lui, le feu qui viendrait réchauffer ses poumons l'histoire de quelques secondes.
Leurs corps qui réchaufferont leurs âmes histoire d'une fin de soirée.
« J't'ai déjà dit de pleurer quand t'en as envie.
Tu vas t’abîmer la voix à force de te retenir. »
Prend exemple sur elle, elle chiale à voix haute et chaque matin,
chaque soir,
voix mielleuse
plus belle des ensorceleuse.

jacky elle est belle quand même.
elle a un putain de joli visage.
elle a une putain de jolie silhouette.
j'comprends qu'alek ait flashé.
et j'essaie de la regarder comme lui la regardait.
j'essaie d'oublier que les filles me font rien du tout.
c'est con quand même de s'dire qu'on peut pas décider.
ouais, ouais mais fait voir tes chaussures dani.
elle répond à côté d'la plaque
elle fait pas d'remarque sur les grosses larmes
ces larmes de gosse qui s'forment toutes seules
et moi j'sens la détresse me quitter un peu
elle me donne son regard elle recharge mes batteries.
quand j'm'assois près d'elle,
c'est comme un soupir de pause.
une petite délivrance.
une bataille de gagnée
( mais pas la guerre )
oh ouais s'teuplait.
parce que jacky elle sait exactement de quoi j'ai besoin.
elle sait que j'veux me blottir contre sa fourrure
elle sait que j'ai besoin de brûler un peu
que j'ai froid à l'intérieur,
là où on peut pas établir le contact.
à défaut d'se soigner on s'remplit les poumons de fumée.
ses mots ils sont loin d'mon coeur
ça flotte au dessus de mon chagrin
( trop gros pour mon corps encore un peu gamin )
j't'ai déjà dit de pleurer quand t'en as envie.
qu'elle me dit.
qu'elle m'ordonne à mi-voix.
je l'aime jacky.
tout va bien.
et c'est en chuchotant ce mensonge effronté que j'me laisse envahir par les sanglots, c'est en murmurant cette phrase répétée mille fois, cette phrase qui a perdu tout son sens - ribambelle de sonorités étranges maintenant - que j'me laisse aller contre son épaule, le visage caché entre mes cheveux et son manteau.
la clope entre l'index et le majeur
elle se fume toute seule
tout va bien.
tout va bien.
c'est peut-être pour ça que personne ne porte jamais plainte
pour ça que les gens continuent à croire en dieu
pour ça qu'on appelle paumés ceux qui en chient tout le temps
tout va bien.

Les pieds sur les charbons mélanges de caillasse. C'est pas agréable mais elle préfère encore ça que ses talons trop haut. Trop haut pour une âme un peu trop petite, trop haut pour une gamine qui se réfère aux dessins animés du matin, trop haut pour une envie de dormir seule dans ses draps froissés. Au moins ce soir, sous la pleine lune (pas vraiment pleine, il reste encore une ou deux nuit avant de voir la face claire du gosse au-dessus de leurs têtes) elle s'arrête à ses cigarettes et le petit Dani. Elle respire la liberté d'un corps sans main masculine autour d'elle, d'un corps autre qu'homme pour lui serrer le bras trop fort, d'une main trop lourde sur son visage, d'un sourire trop hargneux pour son p'tit cœur. Se contenter de Dani c'est la meilleure des choses.
Se contenter de ce ptit gosse.
De cette petite tête,
bien trop souvent remplit de larme
quelles soient lourdes ou bêtes
il aura toujours ce charme.
Alek. Le même sourire, la même intonation, elle retrouve l'odeur du grand-frère sous la puanteur de la sueur et d'la cigarette (après tout, il sentait tout aussi mauvais Alek, sauf quand il se badinait d’élixir de vivre et là l'odeur était tout autre) mais il lui ressemble. Pas comme un frère jumeaux, comme une âme sœur. Deux gosses. Les mêmes. Deux caractères. Deux sales cons quand ils s'y mettent.
« Tout va pas bien, gamin. »
A Jacky aussi on lui a inculqué, gamine
toute sorte de connerie.
Tu vas voir, la vie elle est jolie,
Tu verras, le soir y'a que les étoiles qui brillent.
Mais ptdr, c'est pas ça la vie.
« Faut pas s'leurrer, Dani. »
S'il est mort, c'est que la vie elle est pas toute rose. Y'a pas que des paillettes qui sortent de la bouche des adultes. Si Alek il la faisait pleurer parfois, c'est pas parce qu'il lui faisait des cadeaux surprises. Si Alek la faisait gueuler parfois, c'est pas parce qu'elle était super contente. Si Alek laissait une trace rouge sur sa joue parfois, c'était pas des petits baisers tout doux. Elle lui fera pas la morale (elle a pas la bouche la plus saine du quartier) elle se contentera de fumer le bout de sa cigarette, à tapoter son crâne comme un bon toutou.
Une petite tape un peu plus forte que les autres.
« Allez, sèche tout ça. Tu viens crécher chez moi j'suppose ? »
Elle va pas le laisser dormir dehors, c'est pas une connasse Jacky (avec les mecs ouais, mais Dani c'est pas un vrai mec) puis il va pas rentrer comme ça. Et ses parents, qu'est-ce qu'ils en auront à foutre ? Ses talons restent au sol, elle se lève les bras vers le ciel à la quête d'attraper une de ces étoiles. Woops, elles sont trop hautes pour elle. Encore un rêve poussière.
« Il doit bien m'rester une ou trois bières. »
Sourire au gosse aux larmes dans les yeux, elle voudrait embrasser ses paupières comme maman.
Comme une maman,
plus maman poule que la sienne, oh dieu
des trucs dans ses yeux style diamant
quand elle regarde ses jolies yeux.

j'sens le tabac dans mes poumons
comme un médicament à deux balles contre les soucis du monde.
tout va pas bien, gamin.
hocher la tête, esquisser un sourire déjà délavé,
se vider des sanglots qui mordent direct dans la chair,
hocher la tête encore, rire un peu histoire d’alléger le tout.
bref être un gosse paumé.
les doigts gelés sous son manteau d’fourrure, contre son épaule qui brûle, proximité sans arrière-pensée si ce n’est le besoin de se tenir mutuellement en vie, d’empêcher l’autre de se figer sur place ( parce que ça arrive, parfois, à certaines personnes, comme ça, sans prévenir après tout on sait jamais )
quand j'ai fini d'pleurer j'me refroidis.
ouais. j'ai pas envie d'rentrer.
chez moi j'me fais chier.
chez moi y a des ombres qui s'promènent
elles s'accrochent aux murs et elles tentent de m'enlever
c'est tard le soir quand le soleil est couché
ou alors c'est quand mes parents laissent traîner les substances
les poisons d'la vie et des problèmes d'adultes
des trucs de grands dont j'veux pas entendre parler.
et puis si jacky a de l'alcool
et puis si jacky veut d'moi
et puis si jacky m'aime un peu au moins
alors j'resterai le plus longtemps possible
tant que j'sens plus le toit invisible qui nous cloue au sol
tout va ( un peu près ) bien.
mais viens,
on reste un peu ici d'abord.
mes yeux ils m'font l'effet d'un grand lac
du genre à refléter la lune les étoiles tous ces trucs de poésie
la tête sur son épaule, la clope qui se consume
je sèche mes larmes et mes doigts s'enroulent autour des siens.
il neigerait presque mais pas près d'elle.

ps : t'écris bien j'suis      

Un sous-rire, ou un sourire (qu'elle se trouve drôle parfois Jacky) sur le visage de son garçon et elle semble gagner le gros lot. Le genre de femme -plutôt fillette mais attention à vous, il ne faut pas blesser son ego- qui se mettra devant le stand de carabine à la foire pour tirer, tirer, foutre tout son argent dans la banque du forain pour gagner la grosse peluche qu'elle laissera un soir de mauvais aubage, à la rue. Elle se lasse trop vite. Des goûts changeant, une personnalité perpétuellement en danger de sa propre folie. Elle aime qu'on lui crève la bouche mais y'a des soirs où elle aime qu'on lui frôle la bouche. Douceur et méchant. Bien et le pas très bien. Mélange de blanc et noir qui font bizarre dans son corps. Jamais à sa place, toujours en mouvement, du mal à se concentrer -et non, non elle est pas hyperactive juste conne. Ou différente. Ses parents l'ont jamais vraiment aidés là d'ssus. Gamine prise au piège dans l'amour inconditionnel de papa et maman. Qu'on la gâte ! Qu'on en fasse un enfant roi, pour qu'elle fuse d'idée rusée et d'or ! Qu'on la gâte ! Qu'on la gâte ! Et demain, on retrouve Jacky sur le trottoir dans ses vêtements déprimes, ou sur un chemin de fer vêtements tapins à discutailler avec un gosse de 15 ans. Faut qu'elle arrête de tourner, tourner et tourner dans sa vie.
p'tit tourbillon de lumière
pas toujours très frais
lèvres fussent prières
ça veux rien dire mais jacky dit pas toujours vrai
« Tu m'étonnes. »
Elle trouve pas mieux à dire, mais y'a pas marqué psy sur son front fond de teint. Il veux pas voir la gueule de ses parents. Ces êtres démoniaques qui laissent une vie vivre ici. Dans ce taux d'oxygène déjà trop serrés pour certain. Dans ce monde si petit. Où tous le monde ne connaît pas tous le monde. On fait bien des chansons ''All by myself'' et on voudrait mettre des gosses au monde ? Jacky elle regarde la terre avec un sourire triste. Ouais ça à bien changé tout ça. Depuis qu'elle était gamine à maintenant. La terre était déjà rouge à l'époque, aujourd'hui ça fait des rivières de sang sur leurs pieds et personne n'a encore trouvé comment arrêter la fuite. Mère Terre est morte. C'est trop tard. Too late ; comme dise tous les jeunes pré-ado qui pense que parler mi-français mi-anglais c'est à la mode. Jacky elle parle que l'Américan. Born in the USA -c'est même pas vrai en plus. Fille de l'Aigle, comme Fille de pute. Elle revendique pas toujours tout.
« T'as pas trop froid ?
Faudrait pas que tu chopes la crève.
J'ai pas de mouchoir. »
Non, non. Elle le dira pas. Jamais. Oh grand jamais. Elle dira jamais qu'elle a peur de le voir malade. Tout blanc (et pas à cause de tout ce qu'il ingère le gosse) tout pâle, tout vide (il l'est déjà ahahah) tout finit. Comme un grand-frère six pieds sous terre. C'était peut-être son modèle, mais qu'est-ce qu'il était con.
Regarde les étoiles, mon cœur.
Y'a rien de plus triste.
Regarde comme on est enfermé dans cette petite ville -haut de cœur-
Y'a rien de plus triste.
Il prend sa main, elle dit pas non. Elle prend ses doigts, elle dit pas oui. C'est l'amour sans amour. Des yeux vides qui se consument. Juste lentement.
« Fait froid sa race. »
une bouche féminine
rouge à lèvre clac clac ça pète
sourire qui montre ses canines
demain elle se souviendra même plus d'être pompette

ps² : jte bz

jacky elle comprendra toujours.
avec elle pas besoin de m'expliquer.
et puis, s'expliquer c'est fatigant.
après j'pense trop et j'me mine
( après j'peux plus passer un soir sans tise )
elle fait pas semblant d'savoir quoi dire
après tout m'aider c'est pas son métier.
t'as pas trop froid ?
faudrait pas que tu chopes la crève.
j'ris un peu, jambes repliées contre mon torse
comme si j'avais froid justement.
non ça va.
silence mais c'est pas gênant.
c'est juste comme ça que le monde se fait
silence.
et elle a raison, on est loin d'mourir de chaud
mais j'préfère ça que le contraire
parce que dans mes veines ça bout trop souvent.
là au moins j'me remets à respirer
à penser sans divaguer.
j'en profite.
dis, jacky
tu penses pas que y a des gens
qui sont juste pas faits pour vivre ?
j'veux dire,
mais je sais pas finir mes phrases
je sais pas éclairer mes démons
alors j'me tais encore une fois et j'la laisse cogiter avec cette question sans intérêt, c'est juste que si j'la vois c'est pas pour rien, c'est bien à cause de quelque chose, quelqu'un qui est parti un peu trop tôt, et moi j'me questionne, parce que j'lui ressemble, j'lui ressemble trop.
et si on pouvait rien faire ?
et si c'était une connerie du destin ?
j'ai séché mes larmes
mais j'lui ai probablement jamais paru aussi triste.
c'est que, ça fait plusieurs jours que j'ai pas mangé
et peut-être que mon corps aussi
il va finir par mourir à petit feu.