les opportunistes, ft. ARAN

des cernes ornent ses yeux, il fait nuit, 2h30 et il pleut. elle a gratté sa lèvre cinq minutes plus tôt, un peu trop fort. goût de sang qui se répand, sur sa langue. une mèche de cheveux derrière l'oreille et un regard jeté par derrière la vitre. deux hommes fument leur clope, dragons au milieu du froid. parfois un éclat de rire sourd au travers des fenêtres fermés, une lumière de cendres, une tache rouge dans l'obscurité. et cette lumière blafarde au dessus de sa tête, que le "tic tic" irrégulier du néon cassé vient décorer avec la plus belle des insolences. il fait froid, même à l'intérieur y'a une buée qui s'échappe de ses lèvres.
envie de pisser, envie de dormir, envie de bouffer. un ventre vide, une vessie pleine, un cerveau... vide. elle remonte sa culotte pendant que personne ne la regarde et en profite pour passer sa main entre ses jambes pour se retenir de se faire dessus pendant qu'elle se fraye un passage à travers les rayons de kitkat trop chers pour elle et elle s'en chope un au passage. elle en profite pour insulter en portugais la poignée de porte cassée des toilettes et elle baisse sa culotte. la porte claque dans la station et elle se précipite pour sortir. "b'soir" accent de son pays encré dans sa langue, et pas d'effort pour l'effacer, il parait que c'est sexy. yeux doux, lèvres en avant et cul en arrière, position opportune pour situation opportune : besoin d'amis, de conquête, d'un logement. prête à tout pour obtenir un peu d'attention. elle a froid, elle veut pas dormir encore entre 4h et 6h30 dans un coin de la station avant de partir se faire les dents sur un morceau de la ville avec les quelques sous qu'elle a empochés pour une nuit de travail au milieu de barbus misogynes (elle sait même pas ce que ça veut dire). elle déchire son paquet de kitkat, casse une barre et croque dedans en se replaçant derrière son comptoir. elle rejette sa chevelure en arrière, pose un coude sur sa table et observe le mâle.

le regard est dure, comme toujours, il trace le chemin à travers les rues, noyé par une vitesse un peu excessive pour rouler dans un centre-ville. le deux-roues avance en se frayant un chemin entre les carlingues trop cabossés des habitants de night falls. les seuls personnes à ne pas dormir à cette heure, si tant est que les gens dorment dans le quartier. il s'est endormi trop tôt la veille, et les cinq heures de sommeil dont il a besoin se sont rapidement écoulées entre vingt et une heure et deux heure du matin. alors il vadrouille dans la nuit le loup, on pourrait croire qu'il se drogue et ne ressent plus la fatigue des insomnies à répétition, il vogue où bon lui semble et quand il le souhaite, rarement accaparé par les aiguilles changeantes.
le voyant orange sur le tableau de bord capte son attention durant un millième de seconde, il n'a pas vu les kilomètres passés, râle de devoir faire un détour pour assouvir la soif de son moteur. l'épais bruit de la cylindrée résonne jusqu'à arriver à la station essence de night falls, endroit lugubre où l'on retrouve les plus fiers piliers de bar, souvent les moins aisés pour aller se vautrer dans les fauteuils du sinners. les gars d'bas étage, bien pire que lui, l'ambition en moins. le vrombissement s'arrête devant la pompe, il descend de l'engin sans se donner la peine de regarder autour de lui, remplit son réservoir et comme un homme presque honnête, entre dans l'épicerie payer son dû. avance vers la caisse en posant le regard sur ce nouveau visage qui orne les murs. bouche en cœur, comportement habile et avenant, il ne l'avait jamais vu jusqu'à présent. son visage sa pare du rictus habituel, selon dont il faut souvent se méfier, mais que l'on ne peut s'empêcher d'observer. - pompe 2 et un paquet de malboro ma belle. peu de mots comme à son habitude, mais la curiosité l'inonde et sans baisser le regard et affirme. - t'es pas d'ici. l'accent, l'attitude, ça s'voit qu'elle ne devrait pas se trouver là, dans ce quartier, trop proche des fauves assoiffés dont il fait partie, c'est presque trop facile.