être un autre. (winnie)

« T'es cap de manger une limace ? » La voix de Sinéad se fait entendre, un sourire narquois étirant ses lèvres roses, tandis que son regard, pétillant de malice, se pose sur son double. Grimaçant, Winnie fixe la minuscule créature luisante d'un air dégoûté, faisant la moue. S'il veut récupérer sa boîte de chocolats, il est bien forcé d'accepté un tel pari, non ? C'est bien la seule qu'il aura avant un petit moment. Un seul chocolat par jour, alors c'est hors de question que son frère la lui vole. Il s'ennuie, quand il est tout seul, dans sa chambre d'hôpital, et il aime parfois, se perdre à regarder les petites boules marrons au goût si sucré. Et s'il abandonne en si bon chemin, il sait que son frère les mangera tous sans lui en donner un seul. Le gosse glisse ses doigts tremblants jusqu'à l'animal gluant, avant de l'engloutir à l'intérieur de sa bouche, déglutissant bruyamment, avec mal. Un long frisson de dégoût lui parcourt le corps, le faisant se cambrer avant qu'il ne tousse durant de longues secondes, blanc comme neige. « Beuuuurk ! Tu l'as vraiment fait, t'es trop dégueux ! » Claque le jumeau aux cheveux châtains, avant de rendre à son cadet, sa boîte argentée. « Mais t'as gagné, moi j'l'aurais pas fait ! » Il explose de rire avant de partir à vive allure en direction de la cuisine, lorsque la mère des deux enfants les appelle pour aller dîner. Il a pu rentrer à la maison, car son cœur semble aller bien, mais il sait qu'il s'il recommence à faiblir, maman le ramènera en urgence dans la chambre blanche, pour qu'on surveille son état de santé. Il est sur liste d'attente et il le sait. Peut-être qu'un jour, il aura une greffe. Il n'a pas vraiment compris, quand papa et le médecin lui ont expliqué qu'un jour, il pourra vivre normalement, s'il est l'heureux élu pour un cœur. Le cœur d'un autre. Pas le sien. C'est perturbant. Il ne voudrait pas que quelqu'un soit tué pour que lui puisse vivre plus longtemps. Non. Non. Non. « Bon, Wilson, tu viens mon grand ? » Tonne la voix du père du petit garçon, ce dernier serrant contre lui, sa boîte en métal, avant de rejoindre sa petite famille, parlant du dessin animé qu'il a regardé quelques heures plus tôt, avec son frère.

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« Tu sais, ça va aller mon grand, quand tu te réveilleras, tout sera tellement mieux, tu verras ... » L'adolescent grogne, le regard embrumé. Il souffle, secouant doucement la tête avant de glisser une main dans ses cheveux. Il n'a pas vraiment qu'on lui fasse cette greffe de cœur. Depuis quelques mois, ses crises se sont accentuées, se rapprochement les unes des autres et il lui est arrivé de penser plus d'une fois qu'il aurait préféré crever plutôt que de voir le regard inquiet de sa mère et le regard accusateur de son père. Comme s'il avait demandé à naître avec une malformation au cœur. Ce n'est pas de sa faute, si on l'a terminé à la pisse. Il a été la petite graine la plus rapide, alors imaginez un instant les autres. Ils auraient eu une jambe en moins ? Trois têtes à la place d'une seule ? Au final, il s'en est bien tiré, avec son foutu organe vitale qui tente de le faire crever en plein milieu de la nuit, parfois. « Non, ça n'ira pas mieux maman … Parce que … C'sera le cœur d'un mort. » Il murmure, le gamin au regard noir, avant qu'on ne l'emmène en direction de la salle d'opération. Tout le monde ici a toujours été au petit soin avec lui, même quand il les insultait, parce qu'il désirait plus que tout au monde qu'on le laisse tranquille, avec ses mauvaises pensées. « Allez, Winnie, on va compter jusqu'à dix, quand ce sera terminé, tu dormiras, tu ne sentiras rien, alors ne panique pas, d'accord ? » La chirurgienne lui sourit par dessous son masque blanc, ses yeux se plissant, alors que de fines rides apparaissent en leurs coins. Il l'a toujours trouvé sublime, l'amie de sa mère, elle est mariée avec un abruti de première, mais cela ne semble pas la déranger tant que cela. Le gamin ferme les yeux. Du haut de ses seize ans, il n'a peur de rien ; ni de la mort, ni des monstres qui vivent sous les lits. La seule chose qui l'effraie, c'est le tonnerre. Les éclairs, le ciel qui gronde, qui fait entendre sa colère. Et il s'endort sur ces dernières pensées, la respiration calme, le cœur au bord du gouffre. Bientôt, ils lui enlèveront l'une des seules choses qui font de lui, Winnie Simpson. Quand il se réveillera, il ne sera plus vraiment lui-même, il aura le cœur d'un autre.

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Cela fait presque deux ans, que le sale gosse s'est réveillé, avec le cœur d'un autre, après avoir passé encore plus d'un mois dans l'hôpital de Chicago, pour vérifier que tout allait bien. Il en garde une jolie cicatrice, qu'il ne supporte pas de regarder très longtemps. Elle lui rappelle que s'il est encore en vie aujourd'hui, c'est grâce – ou plutôt, à cause de la mort d'un autre être humain. C'est triste, pour autant, cela a fait sourire sa mère et Sinéad, son jumeau. Il ne peut pas vraiment leur en vouloir, d'être heureux pour un si minuscule miracle, mais dans le fond, il s'en veut. Il se hait. D'être capable de marcher et de vivre, parce qu'un autre est mort trop tôt. Bien évidemment, il a suivit un cours thérapeutique, dans le but d'apprendre à accepter sa greffe, mais Winnie est bien trop têtu, avec des idées ancrées au plus profond de lui-même. Il est impossible de le faire changer. « Eh, Winnie, tu viens à la soirée ce soir, frangin ? » Demande soudainement Sinéad, avant de lui sauter sur le dos pour un câlin un peu brute entre jumeaux. « Mmh … J'pense que oui, faut bien que j'profite un peu, j'suis resté trop longtemps enfermé, tu sais bien que j'dis pas non à ce genre de conneries. » Et il sourit, d'un rictus angélique, alors que son frère lui claque un baiser sur la joue, visiblement content. Ils passent beaucoup de temps ensembles, depuis qu'il a été autorisé à quitter l'hôpital, n'y retournant que pour de simples contrôles de routine. La famille Simpson a même pu déménager, loin de Chicago et de leurs mauvais souvenirs, pour venir vivre à Crescent Heights, suite à la mutation du père des jumeaux.

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« Va falloir que tu m'écoutes du gland, si tu veux pas que j'te fasse entrer en taule. Mon paternel est flic, tu voudrais tout de même pas que je lui glisse ton p'tit prénom à l'oreille, mh ? » Gronde la voix rauque de Winnie, alors qu'il continue de sourire d'un air narquois à l'homme qui le domine pourtant de par sa carrure plutôt imposante. Il n'a pas peur, le petit monstre, oh non. Il joue comme un loup solitaire, se moque bien de ce dealer de pacotille, pour qu'il le traîne dans son superbe bolide. La cabriolet du dealer l'intéresse, mais il ne veut pas l'acheter, après tout, il n'a jamais passé le permis. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il compte profiter de connaître son secret et sa véritable identité pour jouer un peu. Alors, il lui claque doucement la joue, avant de lui voler un baiser épineux. « On s'voit plus tard, mmh ? J'espère que t'auras de quoi fumer. Ah et … N'oublie pas que tu dois m'accompagner à ma soirée, hein ! Faudrait pas qu'on soit en retard. » Il glousse, le regard mauvais. Le danger l'attire, il l'a toujours attiré. Mais avec Stanislas, c'est différent. Il apprécie le garçon, malgré son mauvais caractère et le fait qu'il soit un dealer. Il est le premier à l'avoir menacé, quand Winnie l'a découvert, au beau milieu d'une ruelle, assombrie par la nuit, tendant un superbe sachet de poudre blanche à une abrutie de camée. Et le jeu a commencé là, quand le plus âgé a menacé le gosse déluré. Mais le louveteau s'est montré plus intelligent, il a pris des photos, qu'il a stocké quelque part chez lui, alors, Stan ne peut pas se dérober de son emprise, il est forcé de satisfaire ses moindres caprices.