guns for hands. (nsfw w/ sila)

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y a rien qu’un tir. un tir, et le silence. c’était tellement rapide, à peine le temps de réaliser. pas même le temps de regretter. un plan foireux gravé à jamais dans les mémoires. ils auraient dû le savoir. ils auraient dû dire non, mais ils savent pas lâcher l’affaire, nora et sil. ils savent que se plonger dans les emmerdes, et puis dans les enfers. s’embourber dans les sables mouvants et puis se débattre. cette fois, c’est pas une affaire dont ils se sortiront facilement. c’est pas qu’une merde de plus qui s’ajoute à la déjà très longue pile. c’est pire. c’est trop pour qu’ils le cachent, trop pour qu’ils l’oublient. ça s’inscrira à jamais dans leur parcours, un traumatisme dont ils ne se remettront sans doute pas. quelques secondes plus tôt, elle était encore là, l’arme braquée contre sa tempe, le coude coincé sous sa gorge. elle s’est vue tomber nora, en finir avec tout ça. bannir à jamais leur existence pour une stupide erreur de jugement. un plan qui se défait, et sil qui se retrouve seul, pour la livraison des armes. et nora qui y jette son dévolu, y voit l’occasion qu’elle attendait depuis si longtemps. une porte d’ouverture sur le gang, ses premiers pas dans le crime. bien sûr qu’elle ne le laisse pas y aller seul, nora, parce qu’elle flaire les galères à des kilomètres et que jamais, jamais elle ne laissera son frère prendre le risque de ne pas revenir. elle croit naïvement qu’il ne pourra rien lui arriver, si elle est à ses côtés. alors c’est pas vraiment la panique qui la prend au dépourvu quand elle se fait prendre, en retrait dans sa planque. la panique, elle vient qu’après, enfouie pourtant, qu’une fois qu’elle est prise au piège, que ni sil ni cet autre abruti ne veut baisser son arme. et c’est pas vrai, ce qu’on dit. y a pas sa vie qui défile devant ses yeux. y a pas les regrets d’avoir mal agi, de ne pas avoir assez fait. d’avoir raté et d’avoir perdu. y a rien de tout ça dans les poumons de nora qui se soulèvent aussi haut que les montagnes, aussi fort que les percussions. y a pas la peur, pas vraiment. y a que la rage, comme toujours, celle qui brûle l’estomac d’acide, celle qui retourne les tripes, file la gerbe. y a que le dégueulis d’insultes contre elle-même et contre le monde entier qu’elle voudrait pouvoir vociférer sans pourtant en être capable. elle voudrait, surtout, dire à sil de baisser les armes, de le laisser repartir avec les flingues. qu’ils sont pas à ça près, au sinners, qu’ils comprendront. peut-être, sûrement. sans doute pas. elle s’en fiche, nora, de ces connards qui ont laissé sil y aller seul, ils n’ont plus rien à dire. elle s’en fiche, même, de si elle doit crever ou rester debout. c’est même pas la crainte de partir qui l’empêche de bouger, c’est juste la craindre de le voir lui, tomber sous ses yeux. et être impuissante. alors y a des minutes qui passent plus vite que les éclairs, des moments passés à hurler à sil, au loin, de lâcher son arme. et ça semble marcher, pendant un instant. y a le hochement de tête et un regard qui n’appartient qu’à eux. ils s’en sortiront. et puis finalement, non. le client pris d’une montée d’adrénaline, elle est reprise pour cible. cette fois, ce ne sera pas pour faire peur. y a plus d’avertissement, y a que des conséquences, maintenant. c’est à celui qui lèvera son arme le premier, abattra l’autre en temps records. et puis, le tir. c’est pas sil qui s’effondre. c’est pas nora, non plus. y a la gamine figée qui semble reprendre son souffle après l’avoir tenu si longtemps en haleine. et la silhouette de ce connard qui tombe à ses côtés, le claquement de l’arme contre la terre. y a le coeur de nora qui bat à en exploser, parce qu’elle a jamais vu tomber les siens un à un mais jamais vraiment de ses propres yeux, jamais aussi violemment. y a un cadavre troué d’une balle, là, juste devant elle, et nora qui est incapable de dévier le regard pendant une seconde qui paraît être une éternité. elle se détourne, enfin, figée pendant tout ce temps. c’est tout juste si elle réalise que ses membres lui appartiennent toujours. y a la lune qui lui paraît brouillée, à nora, la vision troublée par les sanglots qu’elle n'a pas retenu tout ce temps, quand elle a plus qu’une chose en tête, parcourir les derniers pas qui les séparent d’une traite, faire face à sa silhouette encore immobile devant elle et les yeux qu’il a encore fixé sur le cadavre. elle accourt et elle se perd, nora, il n’y a plus qu’elle et lui, quand elle s’écrase à moitié sur lui, quand elle referme ses bras violemment sur lui sans même qu’il ne réagisse. y a plus que nora et sil, aujourd'hui plus que jamais. à la vie et à la mort.

Tu sais pas c’que tu fous là. Ça avait l’air facile. Quand Ike t’a dit qu’il pourrait pas être là, tu t’es pas tellement inquiété. Tête brulée. Tu t’es juste dis que ça serait un nouveau moyen de prouver que t’es pas juste un gamin. Que tu pouvais prendre les choses en mains. Alors tu lui en as parlé. Juste quelques mots balancés comme ça. Une étrange fierté calée au creux de la voix. Cette impression d’avancer doucement vers une douce acceptation. T’aurais du l’savoir. Que ça tournerait mal. Au moment même où elle a voulu venir. Au moment même où t’as dit non. C’était une évidence. Que son besoin de te protéger serait aussi fort que ton besoin à toi d’la garder en sécurité. Que vous seriez infoutu de faire un truc correctement. Et à chaque pas que tu fais, tu l’entraines avec toi. C’est comique. Tout ça. Ce besoin de faire parti de quelque chose de plus grand. De créer un semblant de famille. Alors qu’au fond, tu l’as toujours eu. Ta famille. Ça a toujours été Nora. Elle et toi contre le monde. T’as toujours dis que tu ferais tout pour elle. Que tu tuerais pour elle. A croire que y’avait autant de propre que de figuré. Les mots résonnent cyniquement maintenant que t’es prêt à descendre le gars qui tient un flingue sur sa tempe.

Tu sers les dents si fort que t’as l’impression qu’elles vont exploser dans ta bouche. T’es en colère. Contre elle. Contre lui. Contre cette situation merdique. Tu sers le flingue un peu plus fort comme ton seul bouclier face à une situation qui ne peut que finir mal. Tout ça n’a jamais eu l’air aussi vrai. Le gang. Les flingues. La mort. Tu te demandes un instant s’ils ont déjà tué les autres. Surement. Pourtant, étrangement, tu n’y avais jamais vraiment pensé. Pas aussi clairement. Parce que tout ça, c’était surtout un jeu. Un moyen d’être vivant. De faire parti de quelque chose de plus grand. Ça a jamais été pour crever une balle dans la tête. Encore moins pour la mettre en danger. Tu la regardes. La. Si proche et pourtant si loin. Elle est forte Nora. Pourtant tu peux voir la peur. Là. Bien cachée. Au creux de ses pupilles. Tu peux la voir parce que tu la connais par cœur. Parce qu’elle a beau être la personne la plus courageuse que tu connais, tout le monde a peur quand on a un flingue sur la tempe. Le souffle court, tu cherches à garder un semblant de maitrise. Tu sais pas quoi faire. T’arrives pas à réfléchir. T’imagines un instant ce qui pourrait se passer et tu l’regrettes amèrement. Parce que chaque solution se termine dans le sang. Tu sers encore plus fort. Comme si c’était possible. Ton regard croise le siens et tu t’y égare un instant. Tu sais parfaitement que t’as qu’une seule vraie solution. Alors tu baisses doucement ton arme. Tout doucement.

Tout va trop vite.

Le bruit te vrille les tympans. Et la détonation résonne encore à l’intérieur. T’as fermé les yeux et t’as pas vraiment envie de les rouvrir. T’as trop peur d’affronter la réalité. Quelle qu’elle soit. Parce que cette histoire ne peut pas bien finir. Parce que y’a pas tellement de choix. C’est soit lui. Soit elle. Soit toi. Et dans chacun des cas, ça finira mal. Et t’as l’impression d’rester comme ça pendant une éternité. Comme si quelqu’un avait déformé le temps. Pourtant, ce n’est qu’une seconde qui s’est écoulé. Une seconde depuis que t’as tiré. Et quand tu rouvres les yeux, il n’a même pas encore eu le temps de s’écrouler. T’as les yeux rivés sur lui. Sur son corps qui titube un instant avant de s’étaler sur le sol. Et tu restes là. Infoutu de quitter des yeux le sang qui commence déjà à s’écouler. Tu t’attends presque à ce qu’il se relève en riant et criant « surprise ! » Mais non. Il reste là. Immobile. Et il faut trop peu de temps pour qu’une tache de sang se forme. Grandissant lentement. C’est toi qu’a fait ça. La. Ce trou dans sa tête. T’as encore le flingue à la main. Le flingue encore chaud d’avoir servi. Tu comprends rien de ce qui se passe ensuite. De Nora qui se rue sur toi. De l’autre gars qui s’barre sans demander son reste. Et de cette putain d’envie de dégueuler qui te monte. Tu la repousses juste assez vite pour t’éloigner un peu et régurgiter ton dernier repas dans un bruit immonde. Mais pas aussi immonde que les morceaux de cervelle qui s’échappe du trou que t’as formé.

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trois équations. aucune solution acceptable. ça dérape, beaucoup trop vite. ça leur glisse des mains comme le jouet d’un gamin qu’on confisque soudainement. sauf que la situation n’a rien d’un jeu. et là, la lune pour seule témoin, ils sont pas des gamins. ils seront plus jamais des gamins après ça. ça devient beaucoup trop réel. ça démarre comme une aventure de plus, funambules sur un fil incertain. c’est rien qu’une connerie comme ils en font des tonnes, rien qu’un vol dans l’épicerie du coin, rien qu’une bagarre essuyée au coin d’une rue. une mauvaise décision prise au mauvais moment. elle aurait jamais dû venir et sans doute qu’elle aurait tous dû les écouter, quand ils ne cessent de répéter qu’elle a pas sa place parmi eux. sans doute qu’elle aurait dû l’écouter quand il a pourtant bataillé pour qu’elle reste éloignée, qu’elle ne vienne pas, pas ce soir. peut-être que rien de tout ça ne serait arrivé. mais elle peut pas s’empêcher de penser à sil, là, tout seul face à l’embuscade qu’ils leur ont tendu. son trésor face au plus grand nombre, et elle voit ses chances de s’en sortir rapetisser au fur et à mesure de la scène qui se déroule non-stop dans son esprit. elle se bat contre elle-même pour mettre fin à l’horreur qui se joue dans sa tête. non, bien sûr qu’elle aurait dû venir et elle a eu raison de le faire. jamais personne pourra lui enlever ça. parce que y a pas de vie sans sil et y a personne que nora n’épargnerait pour pouvoir le retrouver. elle en a le haut le coeur, nora, déjà prête à retenir la nausée qui l’assaille, et il lui faut scruter l’homme à terre une longue seconde encore pour qu’elle revienne à la réalité. trois équations, aucune solution acceptable. mais ils sont vivants. y a la réalité qui la cogne un peu trop fort. assommée par le carnage qui s’offre à elle, l’après coup qui lui retombe dessus. c’est à peine si elle se souvient de ce qu’il s’est passé, nora. traumatisée sans être pourtant capable de réaliser. les épaules tombantes, écrasées par le poids du monde. c’est tout juste si elle réalise. si elle sait quoi faire. elle est bloquée, les membres paralysés, endoloris. y a qu’une chose à faire. qu’une évidence à accomplir. sil courir vers lui et s’assurer qu’il est bien là. qu’elle ne le rêve pas. t- t’as rien ? elle presse ses mains partout contre lui, affolée, de peur d’y trouver une blessure qui l’affaiblirait. une seconde à peine, bien trop courte pour vraiment s’en assurer d’elle-même, parce qu’elle a tout juste le temps de se jeter dans ses bras qu’il la repousse déjà, renvoie tout ce qu’il avait dans les tripes. elle est prise elle-même d’un haut le coeur, et elle se fait violence pour s’écarter, ne pas finir dans le même état que lui. elle met toutes ses forces pour ne pas jeter un regard dans sa direction, fais les cent pas à ses côtés, tourne en rond, réfléchit à toute allure. elle essaye de garder un semblant de calme, nora, de reprendre ses esprits convenablement. elle a besoin de savoir que tout ira bien, alors même qu’elle a grandi toute sa vie en lui répétant justement que rien n’irait bien. y a l’esquisse d’un plan qui se dessine, les pièces d’un puzzle qui peinent à s’assembler, dans son esprit. elle aimerait y voir plus clair, ne fait face qu’à un esprit brouillé, embrumé. les quelques pensées importantes se heurtent les unes aux autres, entrechoc des neurones comme un ouragan en plein océan. elle passe une main sur son visage, quand elle se retourne de nouveau vers lui, quand elle s’approche avec hésitation, la main qui glisse jusqu’à la sienne dans le noir, celle toujours porteuse de l’arme qu’il n’a pas lâché. donne-le moi. elle essaye de se montrer convaincante nora, mais y a la voix tremblante qui lui fait barrage, le souffle haletant incapable de se calmer, le sang qui tape dans ses tympans comme un concert de cymbales et elle voudrait pouvoir s’arracher elle-même les vaisseaux sanguins, si elle en était seulement capable. faut qu’on s’en débarrasse. tout ce qu’elle sait faire, pour l’instant, c’est presser un peu plus sa main sur celle de son frère, le convaincre de la laisser y déposer ses empreintes partout aussi. ensemble jusque dans l’incrimination, elle le laissera jamais tomber, nora. elle a pas besoin de le dire, y a le poids de leur promesse qui résonne encore dans chaque parcelle du hangar. toi et moi, à jamais.

T’as l’impression d’vomir ta vie. D’vomir tous les choix qui t’ont mené là. Toutes ces décisions à la con qui ont fait que tu t’retrouves à trouer l’cerveau d’un gars derrière un vieux hangar abandonné. T’essuies ta bouche d’un geste de la manche en t’redressant. T’essayes de garder contenance mais tu fais plus tellement le fier. Tu sais pas quoi faire. Y’a plus rien qui fonctionne dans ce cerveau à moitié vide. Plus rien qui marche correctement. T’es comme dans une bulle. Loin de la réalité et pourtant salement dedans. C’est comme si t’observais une scène d’un film prévisible. Celui où on devine sans mal chacun des gestes, chacun des mots. Celui qu’on sait finir mal mais qu’on s’obstine à regarder d’un oeil presque pervers. Et toi, ton regard retombent toujours sur le gars entendu là. T’as du mal à te dire que c’est toi. Toi qu’a fait ça. Mais Nora se rapproche et tes yeux changent de cible pour se poser sur elle. Et tu l’observes. Nora et ses cheveux en bataille. Nora qu’a pas dégueulé comme toi à la vue du corps sans vie. Faut dire aussi que c’est pas elle qui lui a pris. Elle a l’air de réfléchir. Elle a l’air presque trop calme. S’en est effrayant. Tu déglutis lorsque sa main vient glisser sur la tienne. Et c’est affreux. Parce que tu te surprends à penser qu’heureusement qu’elle est là. Que tu saurais pas ce que t’aurais fait si t’avais été tout seul. Non. Sa présence rassurante. Comme si c’était évident. Que vous deviez être tous les deux. Elle et toi contre le monde. Tu voudrais tellement la laisser faire. La laisser prendre les décisions et te laisser aller par le vent. Tu veux pas réfléchir. Tu veux pas imaginer la suite. Peut être parce que tu sais pertinemment que si tu le fais, tu seras infoutu de faire un pas de plus. Tu sers le flingue entre tes doigts un peu plus fort. Si fort que t’as l’impression qu’il va se plier comme du papier. Mais il se plie pas le flingue. Non. Il se fait même de plus en plus lourd. Faut qu’on s’en débarrasse. Tu hoches vaguement la tête. Ouais. Faut que vous vous en débarrassiez. Et t’es presque là. A craquer. A la laisser attraper l’arme. Mais elle fait un geste en trop. Elle essaye trop fort. Et tu comprends. Tu comprends ce qu’elle essaye de faire. Et ça te frappe presque aussi fort que l’image du gars entendu là. Et t’as presque envie de la frapper pour ça. Tu fronces les sourcils, la repoussant presque violemment. « Le touche pas putain » Tu grognes franchement, t’éloignant d’elle pour te retourner vers le corps. C’est comme si elle t’avait jeté un saut d’eau glacé dans la gueule. Et la suite te parait presque évidente. Dissimuler le corps. Dissimuler l’arme. Faire disparaitre tous les indices. Faut pas qu’au t’écroules. Pas maintenant. T’auras tout l’temps plus tard. Tu restes pourtant encore un instant planté là. A t’mordre la lèvre jusqu’au sang pour te raccrocher à la seule réalité que tu connais. La douleur. Et elle te raccroche à cette sale réalité. Tu finis par bouger, remettant la sécurité de l’arme pour la caler dans ton jean. Vous vous occuperez de ça plus tard. « … Faudrait déjà qu’on s’occupe de ça … » Tu montres le gars d’un geste de la main. T’es pas certain de vouloir y toucher. Mais vous avez pas non plus vraiment le choix. Vous pourriez le mettre dans la voiture. Ouais. Ça serait un bon début la voiture.

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ça pue. l’odeur du fer qui émane de la marre pourpre qui s’étale partout autour du crâne troué de ce pauvre type. l’odeur du soufre, des résidus de balles qui trônent encore dans l’air. le dégueulis de sil qui pourrait bien lui donner l’envie de le rejoindre, là, surtout quand elle jette un oeil courageux vers lui et qu’elle le voit comme jamais elle l’a vu auparavant. un mélange bien dégueulasse qu’elle est pas prête d’oublier de si tôt. ça lui retourne l’estomac. alors elle se concentre sur autre chose. un truc, n’importe quoi du moment qu’elle arrive à retrouver un semblant de raison. parce que pour l’instant, on dirait bien qu’elle se fait la malle, qu’elle lui glisse entre les doigts avant même qu’elle ait le temps de réfléchir à un plan. un truc censé. un truc tient la route. un truc qui les conduira pas tout droit derrière ce type sur le pavé froid ou dans le couloir de la mort. quoi qu’il en soit, elle voit pas d’alternative bien jolie à la connerie qui vient d’se produire. et si ça fait soulever son coeur, accélérer son souffle, c’est quelque chose qu’elle cache à son frère. parce qu’il a pas besoin de savoir que pour avoir sauvé sa vie, sa vie à lui se termine. non, il a pas besoin parce que ça n’arrivera pas. nora laissera pas faire ça, jamais. faudra passer sur sa carcasse sans vie avant de l’atteindre lui. et même là, pas sûre qu’elle revienne pas d’entre les morts pour qu’on touche jamais à sil.
étonnamment, tout ne se passe pas comme elle l’a prévu. y a son cerveau qui a fait un burn out entre la seconde où elle s’est retrouvée avec un flingue pointé sur la tente et celle où elle a vu le type s’écraser au sol. maintenant, elle est incapable de rassembler ses pensées, ce qui s’avère plutôt inquiétant vu que sil est pas vraiment en état de faire quoi que ce soit. encore moins de lui laisser son flingue, qu’elle presse pourtant pour avoir entre ses mains. il a compris où elle venait en venir et elle s’agace qu’il lise en elle comme dans un livre ouvert. c’est vraiment pas l’heure de jouer au putain de héros. pas encore une fois. putain sil, DONNE LE MOI ! il la repousse violemment et elle se laisse pas faire, évidemment. elle a la colère qui explose en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, les nerfs à bout. ça crie dans le hangar, ça résonne. pourvu que personne les entende. pour l’instant, c’est pas vraiment ce qui tracasse nora. tout ce à quoi elle est capable de penser, c’est sil dans une salle d’interrogatoire et même là, elle est persuadée qu’il l’impliquerait pas dans l’histoire. mentirait pour laisser son nom en dehors de ça. connard. elle le déteste pour ça. oui, elle le déteste, aussi fort qu’elle l’aime peut-être. tu veux qu’on en fasse quoi, hein ? et maintenant que la bombe est lâchée, elle est incapable de se calmer. tout ce qui sort de la bouche de sil a l’air d’être d’une stupidité sans nom. faudrait qu’on s’occupe de ça. ça la ferait presque rire jaune si elle était pas aussi énervée. si elle avait pas aussi peur pour eux. t’as une idée, toi ? comment ils s’y prendraient, d’abord ? ils sont aussi doués qu’une équipe de bras cassés, à deux ils feraient peut-être encore plus de dégâts. laisseraient encore plus de preuves, un peu partout. trouveraient le moyen de conduire qui que ce soit jusqu’à eux, et nora adore sil plus que sa propre, mais elle peut pas se résoudre à jeter un cadavre dans la rivière. t’as déjà fait ça, avant ? elle le regrette aussitôt que les mots franchissent la barrière de ses lèvres sèches. elle se rend jamais compte qu’elle va trop loin nora. ou bien si, mais toujours quand il est trop tard. elle veut pas crier sur sil. elle veut pas s’énerver contre lui. elle veut le tirer de là et effacer l’air ravagé de son visage. elle veut le bercer et faire en sorte que cette soirée ne soit jamais arrivée. elle veut pas faire face à ce qui les attend, là. le corps. le sang. ils en ont déjà suffisamment sur les mains. y a une seconde de silence lourd qui plane entre eux. des regards étriqués qui se perdent, et nora qui fait face à l’évidence dans un soupir aussi lourd que le poids de ses regrets. elle sort son téléphone de la poche de son jean et il lui faut pas longtemps pour retrouver le nom de tim dans son téléphone. le seul qui pourrait véritablement les aider. elle sait ce qu’elle risque à le trouver à l’autre bout du combiné. c’est l’une de ses conneries qui n’échappera pas à ike, un truc qui va retomber sur elle mille fois plus fort encore que le choc qu’ils vivent là. mais elle a pas vraiment le choix. si elle l’appelle, c’est pas pour elle. c’est pour sil. il l’a mérité, sil. elle le dit avec l’assurance de la colère, celle qui la persuade toujours qu’elle fait la bonne chose. elle cherche un moyen de le retrouver, peut-être, avant qu’il ne s’enfonce trop loin pour qu’elle ne le rattrape. quelque part, elle a la sale impression que c’est déjà trop tard. il l’a mérité. et elle le répète, peut-être cette fois pour se persuader elle-même.

Ça hurle. Aussi fort en dehors qu’en dedans. Elle t’emmerde. Elle t’emmerde à t’suivre dans toutes tes merdes. Elle pourrait s’en sortir. Ou faire au moins semblant. Elle pourrait éviter de s’jeter sur chaque moyen d’se foutre en l’air. De finir en prison ou écrasée sous un pont. T’es en colère. Contre elle et sa manie d’foutre son nez partout. Pourquoi elle était là hein ?! Et toi, pourquoi tu lui as dis aussi ?! Vous êtes aussi cons l’un que l’autre. Deux putain d’imbéciles. Infoutu de s’en sortir. A croire que vous aimez ça. Plonger toujours plus bas. « Va t’faire » Tu craches tes moches. Tu craches sur cette situation à la con. Sur sa façon d’te parler en te prenant pour un con. Regard noir. Comme si elle savait mieux que toi. Tu sers les dents. « Et toi tu foutais quoi là hein ?! » Tu regrettes tes mots presque immédiatement après qu’ils soient sortis. Parce que t’es con. Parce que t’aurais mieux fait de fermer ta gueule quand t’as su qu’Ike viendrait pas. Et puis, c’est une façon sacrément lâche de dire que c’est pas de ta faute. Que si elle avait pas été là, rien de tout ça ne se serait passé. Sauf que c’est toi qu’a tiré. Toi qu’a tué. Pas elle. Tu sers les dents encore plus fort. Comme si c’était possible. Ton regard croise le sien un instant et t’as envie d’lui demander pardon. Mais tu sais pas vraiment faire ça. Et le pire dans tout ça, c’est qu’elle a raison. Tous ses mots agaçants. T’as aucune putain d’idée de ce que vous êtes censés faire. Que tout ce que tu connais, c’est ce que t’as appris dans les films un peu moisis. Ceux où l’méchant se fait toujours chopper à la fin. Et ce soir, le méchant, c’est toi. Sauf que t’as aucune envie de te faire chopper à la fin. Aucune envie de moisir en prison. Pas sur que t’y fasses long feu. Tu finirais probablement par énerver le mauvais gars. A finir crevé avec une brosse à dent aiguisée. T’es comme un putain de gosse qu’a fait une connerie qu’il sait pas réparer. Mais cette connerie là, elle va détruire ta vie. Et tu sais pas quoi faire.

Tu fronces les sourcils quand Nora sort son téléphone. « … Tu fais quoi ? » Y’a cette étrange panique au creux de ta voix. Et ça sonne étrange. Comme si c’était pas vraiment ta voix. La pensée qu’elle prévienne les flics te parcourt un instant l’esprit avant de s’échapper aussi vite qu’elle était apparue. C’est Nora. Et Nora, c’est comme toi. Les flics, elle aime pas tellement ça. En plus, vous auriez du mal à faire passer ça pour un accident. Puis de toute façon, c’est Nora. Elle ferait jamais ça. Pas à toi. Même sous la colère. Même sous la peur. Et quand elle finit par te dire qu’elle appelle les gars, tu sais pas si t’es soulagé ou un peu plus paniqué. Parce que ça a plus rien d’un jeu. Tu voyais les gars comme une sorte de bande de potes. Une deuxième famille après les orphans. Mais avec tout ça, tu réalises que c’est aussi un business. Surtout un business. Et le genre de business dangereux. Nora, elle s’est éloignée quand ça a décroché. Comme si elle voulait que t’entende pas. Comme si ça pouvait changer quoi que ce soit. « Putain … » Tu la regardes de loins avant de finir par détourner le regard. Tu t’approches du gars un instant. Il a l’air étrangement paisible. Allongé là. Il l’air sacrément mort aussi. Les yeux encore ouverts. T’as envie de les fermer. Pour plus voir ce regard vide qui en dit tant. Mais tu finis par changer d’avis. Faut que t’évites de foutre ton ADN partout. T’es déjà assez dans la merde comme ça. Il l’a mérité. Soupire. Tu t’éloignes de lui pour aller t’assoir par terre contre le mur. Comme un gosse punis. Et t’attends. Tu sais pas vraiment ce que t’attends, mais tu l’attends fermement. Un coup de chance peut être. Et pour t’occuper les mains, tu ressors ton flingue. Tu l’observes avant de commencer à le démonter. Puis le remonter. Puis le démonter. Juste comme les gars t’ont appris. Et elle finit pas revenir Nora. Et bientôt les autres arriveront aussi.

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il le mérite. ça résonne, parce qu’elle s’efforce de s’le répéter nora. dix fois. cent fois. autant de fois qu’il le faut pour réussir à s’en persuader. et c’est pas bien difficile, ça. elle a encore la rage de voir ce type braquer un flingue contre sa tempe, encore le palpitant battant à cent à l’heure d’savoir que cette heure était peut-être sa dernière. la colère sourde de voir qu’ils se sont fait entubés, comme des débutants. et ça c’est pas compréhensible pour nora qui pense déjà tout connaître et tout vivre, autant que les vieilles âmes qui en ont trop vu. elle lui cracherait bien dessus, à cet enfoiré, s’il était déjà pas couvert de sang sur le sol. ouais, bien sûr qu’il le mérite, nora en est persuadé, ça vibre dans tout ses os, ça s’inscrit dans le courant de ses veines. jusqu’à son dernier souffle elle le dira, à sil, à ike, à qui voudrait ou ne voudrait pas l’entendre. il l’a mérité, c’est pas de leur faute. parce que tout ce serait bien passé s’il avait pris son dû, et ce serait barré. à croire que la gamine est pas aussi imposante que les gros bras qui accompagnent sil d’habitude. toi, va t’faire. réponse stupide et puérile, comme les gamins qu’ils sont restés. ceux qui devraient pas traîner dans les histoires de grands, ceux qui s’y jettent pourtant à corps perdu. c’est sec et c’est vexé, vexant peut-être aussi. les égos piqués à vif, peut-être aussi la colère de réaliser ce dont ils sont la cause. une vie tirée par la seule force de leur inconscience. elle saurait pas dire à qui elle en veut le plus à ce moment : à ike, d’avoir osé laisser sil se pointer tout seul, sans même envoyer quelqu’un pour le remplacer; à ce pauvre type d’avoir menacé de prendre sa vie et pour avoir forcé à prendre la sienne; à sil pour les accusations qu’il porte soudainement, comme si la fautive, c’était elle. comme s’il insinuait lui aussi qu’elle aurait pas dû venir, qu’elle aurait dû le laisser y aller seul, et assumer les conséquences. peut-être que c’est à elle-même qu’elle devrait en vouloir le plus, sans être capable de repérer là où a été son erreur, pourtant. peut-être même qu’il n’y en a pas, que sa colère errera sans but ni coupable jusqu’à la fin des temps. peut-être que ça faisait partie de ces choses qui devaient arriver, de ceux qui changeront tout le courant d’une vie. elle hoche la tête comme pour tenter de s’en persuader, mais il n’en reste pas moins que la réalité est bien plus difficile à affronter. tu fais quoi ? la seule chose qu’il reste à faire. au détriment de ce qu’il restera d’elle, après tout ça. tant pis, ça lui vaudra des représailles, des insultes et des regards noirs. tant pis, ike aura toutes les armes nécessaires pour la tenir hors de portée, ne jamais la laisser approcher à nouveau de tous ceux qu’il préfère à elle. tant pis, la tête et le corps auront une bonne excuse de la disqualifier de faire un jour partie des leurs, c’est toute la perspective d’une existence qu’elle fout en l’air rien que pour sauver leur peau. tout de suite, c’est ce qui semble le plus important. un coup de fil à tim, le seul qui, elle le sait, viendra sans trop de poser de questions. lâcheté de ne pas pouvoir affronter les autres, elle lui laisse le soin de les prévenir. elle sera plus là pour voir l’état de leurs têtes déconfites à ce moment-là, de toute façon. y a comme un vent glacial qui les sépare quand elle le rejoint finalement. une barrière invisible qui se met entre eux, les empêche de véritablement être comme avant. peut-être le poids des actes, sûrement celui de la culpabilité. c’est comme s’ils savaient plus se parler à présent, encore moins comment faire, pour redevenir comme avant. quelques minutes plus tôt. on ferait mieux d’se tirer d’ici. un regard fuyant, un ton dénué d’affection. elle en perd pieds, nora, s’enfonçant dans les sables mouvants. elle veut pas être là pour les accueillir, supporter les regards accusateurs braqués sur elle. elle veut encore moins savoir ce qu’ils vont faire de ce gars maintenant que l’impossible a été fait. elle veut vraiment pas non plus quitter sil mais elle a comme l’impression que c’est déjà trop tard maintenant.

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