Now I'm prone to misery || Logan

- les origines -
Parce que très jeune on lui a expliqué quelles étaient ses origines, où son arrière grand-père était mort, dans quelles circonstances, et comment son grand-père, lui, avait survécu, caché pendant une rafle et protégé par des voisins jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale. Son arrière grand-père, lui, n'avait pas eu cette chance et avait été déporté vers Auschwitz. On lui a appris son devoir de respect et de mémoire et il y a toujours été attaché, toujours. Comme il a toujours été attaché à sa religion. Il ne s'est jamais défait de l'étoile de David en or léguée par son grand-père. Il la porte à chaque instant. Et il a honte, Logan, d'avoir tout abandonné et de sombrer comme il sombre à chaque instant en ayant conscience de ce que son grand-père et son peuple a pu vivre. Il s'en veut de ne pas être capable de faire davantage face à la douleur de la perte de l'être aimé. Il s'en veut de ne pas être à la hauteur, de ne pas leur faire honneur. Il avait pourtant fait de son mieux jusqu'à ce moment où tout a basculé. Il avait véritablement fait de son mieux.

- les ambitions -
Parce qu'il a su tout jeune qu'il voudrait travailler dans la médecine. Il voulait faire une différence Logan. La différence. Et sauver des vies était un des meilleurs moyen pour le faire. Il aurait pu vouloir se rapprocher de l'armée, être un soldat, défendre son pays, mais la guerre n'était pas pour lui, pas plus que la violence alors oui, sauver des vies lui a semblé être sa voie. Pompier aurait pu être une option mais il n'était pas dingue du danger, de l'adrénaline. Il aspirait à autre chose Logan alors il a choisi et il a travaillé dur pour cela parce que papa et maman n'avaient pas les moyens de lui payer des études supérieures. Alors il a bossé Logan, il a usé de son corps et de sa plastique agréable pour se faire de l'argent. Mannequinat. Il détestait ça, se montrer de cette façon, mais ça lui a permis d'économiser et de ne pas se retrouver avec un prêt monstrueux sur les épaules pour financer ses études. Les parents ont été très contrariés par cette décision de montrer son corps pour gagner de l'argent mais ils ont fini par accepter et ce n'était jamais que des photos après tout, rien de bien méchant même s'il était trop dénudé sur la plupart d'après ses parents. Tant pis. Il a fait avec. Et il a fait avec les réflexions quand il a commencé son internat, parce qu'on le voyait comme le beau gosse qui avait montré son cul (littéralement à plusieurs reprises pour certains photoshoots) pour avancer mais il leur a prouvé à tous que s'il avait usé de son cul, il savait surtout user de sa tête. Il leur a prouvé à tous qu'il n'était pas là par hasard, ni pour se montrer. Il était là pour apprendre et sauver des vies et comme il est devenu bon Logan. Excellent même. Si excellent en réalité qu'au début de sa seconde année d'internat, le chef du service de traumatologie de l'hôpital lui a proposé de sérieusement songer à se diriger vers cette spécialité-là le moment venu car il était bon dans l'action, dans l'urgence : il réfléchissait vite et bien, il faisait ce qui devait être fait dans les conditions du moment, et il s'adaptait à une vitesse folle, en étant toujours très calme. Et comme il a été fier Logan de recevoir ces compliments. Comme il a été fier d'avoir par un supérieur la confirmation qu'il avait pris la bonne décision en choisissant cette voie. Comme il a été fier de l'annoncer au téléphone à papa, maman n'étant plus de ce monde.

- la coloc -

Parce qu'il a eu ce besoin de se reconstruire une famille après la mort de maman et le départ de papa, qui n'a plus supporté de vivre dans cette ville après la mort subite et tragique de son épouse. Logan ne l'a pas vécu comme un abandon, il a compris la décision de son père. Il a compris qu'il était trop triste, trop misérable, pour continuer à vivre dans la maison, dans la ville où il avait rencontré et aimé sa femme plus que de raison. Mais, même s'il a compris, il n'en a pas eu moins mal Logan, de se retrouver seul de cette façon alors qu'il avait commencé ses études de médecine. Il fouillait, cherchait, parce qu'il savait qu'il ne pouvait pas se payer un appartement seul s'il voulait pouvoir garder son argent gagné en tant que mannequin pour se payer l'ensemble de ses études, et il a vu l'annonce. Il a appelé et le lendemain il emménageait à la coloc. Certains sont venus puis repartis mais lui, il est resté là. Il s'est attaché à certains, en a supporté plus difficilement d'autres mais ils sont sa seconde famille à n'en pas douter. Et puis il est facile à vivre Logan. Enfin, il était facile à vivre. Il n'est plus vraiment le même à présent.

- la chute -
Parce que quand on aime, on a forcément terriblement mal à un moment donné. Un fait dont Logan n'avait pas conscience en réalité parce qu'il pensait que Sam ne pouvait pas lui faire de mal. Oh il avait bien eu quelques chagrins d'amour dans sa jeunesse mais rien d'insurmontable et il était persuadé qu'avec Sam, ça durerait toujours parce qu'il n'avait jamais autant aimé, jamais. Et il n'avait jamais été autant aimé, jamais. C'était merveilleux. C'était évident surtout. Si évident qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. D'une telle évidence que la relation a permis à Logan de terminer de s'assumer pleinement tel qu'il était. Il n'avait jamais caché son attirance pour les hommes mais aux côtés de Sam, c'était si facile d'être lui, si facile de crier à la face du monde que oui, il aimait les hommes. Enfin non, il aimait un homme. Les projets, ils en avaient tellement... Ils parlaient d'un mariage futur, à la fin des études de Logan, même si pour cela il devraient se rendre dans un autre état, même si leur union ne serait pas reconnue partout. Ils parlaient de fonder une famille le moment venu. Sam était sa vie, son amour, son tout. Il cherche encore, Logan, le moment où les choses ont commencé à changer pour Sam mais il a beau essayer de comprendre, il ne voit rien. Il n'a rien vu du tout. Rien. Est-ce que c'est venu des heures qu'il passait à l'hôpital et pas avec Sam ? Est-ce qu'il s'est senti délaissé ? Abandonné ? Est-ce qu'il a cru que Logan ne l'aimait plus parce qu'il était moins là ? Il a essayé d'avoir des explications mais il n'a rien obtenu de la part de Sam. Il n'a eu qu'une rupture brutale sortie de nulle part. Il n'a eu qu'un « C'est fini, je ne t'aime plus. C'est comme ça, accepte-le. » et rien d'autre. Oh comme il l'a supplié. Comme il s'est mis à genoux, en larmes. Comme il s'est accroché à Sam en l'implorant de ne pas le quitter, pas comme ça, pas sans raison. Comme il a été monstrueusement repoussé puis ignoré. Tout simplement ignoré. Plus de réponse à ses messages. Plus de réponse à ses appels. Plus de réponse aux coups cognés à la porte. Et la lente descente aux enfers alors. La douleur qui a serré le cœur un peu plus chaque jour si bien qu'il est devenu difficile de se lever et d'aller travailler. Pourtant il a essayé Logan. Il a essayé de tenir mais quand ce jour-là, quand il a voulu pour une énième fois aller parler à Sam et qu'il l'a vu avec un autre, c'en a été terminé. Définitivement terminé. Il a bu pour oublier. Il a dormi pour ne plus ne plus penser. Il a loupé un jour de travail. Puis un deuxième. Puis un troisième. Et quand on l'a appelé, il a raccroché. Le jour-même il a été à l'hôpital, a rendu sa blouse, son badge et a démissionné. Parce que plus rien ne lui faisait envie à Logan. Plus rien. Certainement pas de sauver des vies. Il n'avait pas la force. Plus la force. Il est resté enfermé à la coloc plusieurs semaines et quand il en est sorti, ça a été pour aller se chercher un travail parce que, au fond du gouffre ou pas, il fallait bien continuer à payer le loyer et la bouffe. Il a postulé, il a été pris, et ça été réglé. De futur chirurgien, il est devenu surveillant portuaire. D'homme amoureux et heureux, il est devenu seul et brisé. D'homme bien dans sa peau accroché à une vie seine, il est devenu homme sombre, renfermé, qui boit plus que de raison et couche avec des hommes sans plus se préoccuper de rien. Quand au tabac et à l'herbe qu'il offre bien volontiers à ses poumons, ça lui permet au moins de planer un peu et d'oublier. Juste un peu. Juste un peu...