farandole (lio)

- la tête tournée vers les étoiles -
Lio, il a la tête fracassée. Fracassée sur des idées un peu perchées, sur des rêves empoisonné qui lui tournent l’esprit. Y’a de la brume dans son cerveau et un voile un peu rugueux devant les paupières. Ça lui gratte la peau, il gigote pour s’en défaire, il réussit qu’à s’y empêtrer. Le gamin tire sur un fil mais y’a le reste de la toile qui vient avec, ça fait des nœuds. Lio, il vit un peu dans sa réalité à lui. Un dessin en 3D parfois tout rose, parfois tacheté de gris, souvent tout bleu. On y croise des éléphants juchés sur des dresseurs ailés et des canards qui font la course aux bouchers. C’est débile, Lio le sait, mais ça reste amusant.
Parfois y’a son monde illusoire qui se troue et les Humains lui apparaissent, vraiment, tels qu’ils sont au-delà du filtre synthétique. Il aime pas trop. C’est abîmé. C’est un mélange de cris et de violence. De la craie brûlée. Des railleries. Ça sent le roussi. Leur société c’est une feuille de papier qu’on a roulée en boule, jetée, reprise, raplatie, roulée encore, raplatie, roulée raplatie roulée raplatie déchirée. C’est moche.
Alors Lio il préfère retourner à ses dresseurs d’éléphants et ses canards. Il prend quelques pilules en partant, salue Papa Maman dans leur petit salon bien propre bien comme il faut du bon côté des rails, et s’enferme dans sa chambre. Il fait pas trop attention aux posters d’universités sur les murs – placardés par la famille – ni aux gens à l’école qui jugent ses yeux rouges. Il s’en fout, en fait. Tant que la rage est étouffée au creux de sa chimie blanche.



Stupides problèmes d’amour. C’est con. C’est vachement con. Juste Papa qui s’est tapé Marraine, et Maman qui a hurlé trop fort. Ils sont pas très discrets les adultes. La maison ressemblerait presque à un sceau retourné dans lequel on a coincé trois rats surexcités. Ça fait un mois ou presque qu'on se lance des œillades meurtrières et des gifles par-delà le jus d'orange du petit-déjeuner. Lio n’a pas tenu longtemps dans l’orage ambiant, il a pris cinq T-shirts deux pulls quarante dollars cinq grammes, et il est parti par la fenêtre. L’a même pas pensé au téléphone. C’est une chance qu’il soit tombé sur la coloc. Souvent ça a l’air d’une sorte de pièce de théâtre qui s’étire en longueur, parce qu’il sait que c’est faux et que dehors y’a les parents qui sont là pour qu’il revienne chez eux. Mais en attendant, Lio en a pas trop envie, alors Lio bouge pas, et merde pour le reste. Équation simple.