des enfants terribles.

« un papa, une maman !» qu'ils scandent en France. Et qu'est-ce qu'on fait quand on n'a ni de papa, ni de maman ? On attend qui ? On fait quoi ? On va où ? On laisse nos rêves dans la poussière, pour qu'ils rejoignent les étoiles. Comme papa, comme maman. C'est mieux de dire qu'ils ont filé rejoindre la stratosphère que de dire que papa n'a jamais donné un signe de vie, tandis que maman est partie, vivre sa vie.
Alors on t'enferme dans un endroit qu'on appelle orphelinat.

C'est joli, orphelinat. C'est là où on enferme les jouets cassés. Et toi t'attends désespérément qu'on vienne te réparer. Mais les gens vont et viennent, tu le sais pas encore mais t'as la même impression qu'une pute dans une vitrine d'Amsterdam.
Orphelinat.

« puis ton prénom il est bizarre, d'abord.» tu serres tes petits poings, tu fermes les yeux et tu tâches de pas leur crier que tu le sais d'abord que ton prénom il est bizarre. Que t'aurais voulu qu'on t'appelle Ariel comme la princesse disney. Malheureusement, d'Ariel t'as pas grand chose. Pas de château. Pas de prince. Pas de meilleur ami. Pas d'avenir, ni rien. Alors tu fermes les yeux, tu serres les poings et tu penses à autre chose.

Puis un jour, t'as quatorze ans. Alors on décide qu'il est temps de t'arracher aux bras aimants de l'orphelinat. Elle a des amis pourtant. Pas grave, qu'ils disent quand elle se justifie de la sorte. T'es qu'une enfant. Tu fais ce qu'on te dit. Alors tu pars. La maison est pas moche. Les gens pas méchant. Ils ont jamais pu avoir d'enfants.
Tez, elle se fait toute petite. Aussi petite qu'elle peut. Elle fait ça de partout. A l'école, à la maison, dans toutes ses relations. On la remarque même plus à force.
Puis petit à petit, comme de l'encre qui s’affadit à la lumière, comme une photo qui jaunit, les parents disparaissent. Y a des histoires de maîtresses. Des histoires de voyages. Puis au milieu y a Tez, tellement petite qu'on l'a oubliée. Elle vit toujours dans la maison. Au début c'est drôle. On fait des soirées, on rigole, on se dit qu'elle est drôlement cool Tez, elle vit seule à seize ans. Elle fait ce qu'elle veut. Quelle chance!

Passée l'ivresse des premiers instants, la solitude la gagne. Elle finit par mendier la compagne fugace d'amants indésirés et indésirables. Et depuis c'est la même scène qui se rejoue en boucle, un peu comme son supplice divin personnel. Chaque soir c'est la même paire de drap froid sous lequel elle se glisse. Chaque soir, le même repas avalé devant la télé, sans un mot, pas un bruit. Puis chaque matin, un nouveau petit-dej avalé en coup de vent en attendant que les jours qui la sépare de la fin du lycée. Pas le temps d'aller se trouver une fac, elle préfère se réfugier dans ses dessins, dans son art, dans ses poèmes. Elle a plus d'une corde à son arc. On devrait l'appeler Calliope, Euterpe ou encore Terpsichore. Mais on l'appelle Tez. Ou on l'appelle pas. C'est un choix que vous prenez pour elle.

Pour palier le vide de ses journées, mal contenu par une inspiration aussi fugace qu'elle est sadique, Tez elle vit de petits boulots mal payés mais qui comble ses journées bousillées à rien foutre. Le frigo et l'estomac se remplissent pas tout seul. Malheureusement.

Si encore y avait quelqu'un. Tu sais la personne qui bouleverse ta vie par les aléas de sa présence et son absence. Celle qui, maître de ton territoire, commande selon ses envies, un grand soleil ou un tsunami. Y a bien eu quelqu'un une fois. C'était beau. C'était nouveau. Ça retournait tes entrailles. Puis ça a brisé et ton cœur et ta vie. Depuis c'est plus pareil. Et tu sais pas si c'est ça le plus beau. Ou si c'était juste le début de la fin.

Puis un beau jour, tu décides de partir. Sans crier gare. T'as 17 ans et Rimbaud sait bien comme on est pas sérieux quand on à 17 ans. Tout plaquer et faire le tour du monde. Ou du moins de l'Europe. Tes finances t'arrêtent à Paris. Sur la trace de tes ancêtres. Ou simplement pour rigoler. Au diable crescent heights ! T'aimes ta vie ici, c'est un peu comme un rêve. Puis Paris t'as assez donnée alors tu pars vers de nouvelles contrées. Tu finis par t'établir un peu plus longtemps dans le sud de la France. C'est beau. Y a des cigales, de la lavande, t'as un chapeau de paille que tu remplis de cerises l'été venant.

Puis tu reçois cette lettre. Et c'est l'hécatombe. Maya. Morte. Overdose. Ce genre de mots qui donnent le tournis, qui font voir les étoiles. Ce genre de mots qui font retourner en enfer, sans plus de manière. Crescent Heights, te revoilà.

Je recommence et je signe de ma vie.
Mon carnet d'odeurs personnel.