knockin' on heaven's door (orphans)

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Il y le coeur qui s’arrête. Pour un temps. Pour toujours. Comme ça, tout simplement. Il n’y a plus rien à faire ils disent, plus rien à espérer, tout est déjà terminé. Les battements qui ralentissent, la bradycardie mécanique, le muscle qui cesse peu à peu de se battre. C’est la fin. Puis, il y a les phalanges fracassées. Déplacer le mal, l’âme souffre trop. Le sang coule, impossible d’arrêter l’hémorragie, la plaie à vif, infection latente qui gangrène le corps. Malade dans la tête, l’organe des sentiments malmenés, les symptômes nombreux; les larmes camouflés, les regrets infiltrés et la colère enragée.

Il y a les poumons qui abandonnent les armes, la bataille perdue d’avance. Oxygène disparu, perdu entre la coke et l’oxycodone. Elle s’est donné la mort, ils disent, elle était au point de non-retour. Puis, il y a le souffle coupé à force d’avoir hurlé l’injustice au monde entier. On s’épuise d’avoir de la peine. Le corps se vide, s’engourdit, les yeux secs et la voix incapable de crier. La tristesse est violente, elle pulvérise la chair.

Maya est morte.

Maya a fait une overdose.

Maya est morte et ils sont de nouveaux abandonnés, encore, alors qu’ils s’étaient promis de ne pas partir.

Le clocher sonne. Douze coups résonnent. Comme tous les jours. Mais c’est différent aujourd’hui. Et c’est ridicule. D’enterrer Maya. Trop jeune. Trop jolie. Une vie à vivre. Parce que Maya voulait tout simplement être libre. Parce que Maya ne croyait pas, pas plus qu’eux, qu’un Dieu les protégeait. Parce qu’Il l’aurait aidé sinon, lui aurait montré la lumière, ou une autre merde du genre. Et c’est ridicule, d’être là, à parler à un bout de roc et à des cendres enfermés dans une boîte. Elle n’aurait pas dû être là. Eux non plus. Ils devaient aller plus loin pourtant, déjouer les pronostics. Mais il n’y a qu’eux dans le cimetière, devant une tombe défrichée. Qu’eux en noir et avec des fleurs écrasées entre les mains. Les rejetés, les orphelins. À pleurer une ignorée, qu’eux non, ils l’avaient écouté. Ou peut-être pas en fait, peut-être pas assez. Et il y a Wes qui croule sous les poids des regrets, des mots qu’il lui avait lancés et des mots qu’il n’avait pas eu le temps de dire. Wes qui voudrait tout ravager, la rage sifflante, la rage masquée, la rage étrangère, passée. Qui serre les poings bandés, qui ferme les yeux derrière les lunettes fumées et qui reste silencieux, comme toujours, mais d’un silence retenu, ne pas exploser, tenir le fort. Pour Maya. Pour dire au revoir. Et il y a Sil. Et Nora. Solal. Tez. Ils ne restent qu’eux. Paumés. À ne pas savoir comment dire adieu. Elle ne devrait pas être là. Morte. Enfermée. Enterrée. Il ne dit pas. Ne dit pas plus. Ne sait pas quoi dire de plus.

@Nora Campbell @Sil Myers @Solal Jenkins @Tez Balmain

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la nouvelle est arrivée comme une bombe. un poison auquel on s’attend pas. un message ivre et l’incompréhension. maya est morte. ça n’aurait rien dû lui faire, à nora. rien du tout. une nouvelle comme on en lit tous les jours en ouvrant le journal. une rumeur comme on en entend tous les jours, dans les rues. le bouche à oreille qui se répand, le coeur triste de perdre l’un des leur. les gamins soudés les uns aux autres parce que y a que comme ça qu’ils s’en sortent. que comme ça qu’ils survivent, dans la rue, les foyers, le dortoir. aujourd’hui c’est pas un nom qu’on a vaguement oublié. aujourd’hui c’est le nom gravé dans la mémoire, une soeur mise à dos pour une raison dont on ne se souvient même plus. des années qu’elle a cessé de lui parler nora, qu’elle l’a oubliée comme on oublie les traîtres. si facilement. parce qu’elle sait pas pardonner, la gamine. parce qu’elle connait que la rancoeur, que les mots criés à la gueule par vengeance, sans jamais les penser. peut-être qu’elle les a pensés, avant. maintenant, elle sait pas. elle sait plus. elle sait que le trou qui creuse sa poitrine chaque seconde un peu plus. nora qui perd quelqu’un pour la première fois. vraiment. quelqu’un qu’elle abandonne au ciel, plutôt au fin fond de la terre. les yeux qui ne dérivent pas de la boîte en bois devant elle, elle est venue, pourtant. quand elle ne le voulait pas. quand elle aurait préféré ne pas être là. elle est venue, ils l’ont tous fait. sil. solal. wes. ils sont là, tous les quatre, sans qu’elle ne sache pas vraiment pourquoi. figure raide et tendue face à celle qui s’enfonce dans le sol. le clocher sonne midi. il n’y a personne d’autre qu’eux et jamais elle s’est sentie plus seule, nora. même entourée de ceux qui comptent. elle sait, au fond. quand ce sera son tour, quand ce sera le leur, il n’y aura personne d’autre non plus qu’eux mêmes. c’est comme ça qu’ils ont grandis les orphelins. seuls. ensemble mais sans personne autour. ça fait gronder la colère à l’intérieur. la colère, et l’incompréhension. boule de feu qui rend la gamine stoïque, le menton haut en toute circonstances. les poings serrés, vêtue de noir. sans bien comprendre ce qu’il se passe. sans bien comprendre que plus jamais elle reverra maya. elle a que la colère bouillante de savoir que l’idiote s’est foutue en l’air. que la colère foudroyante de savoir qu’elle les as laissés, elle, une de plus à leur tourner le dos. elle les as abandonnés. et ça, nora, elle oublie pas. elle oubliera jamais. c’est nous qui devrions pas être là. la voix dure qui s’étrangle. perdue entre la volonté de rester de marbre et les sanglots qui menacent. wes, il est si calme à côté d’elle. elle sent sa présence sans qu’elle n’ait à le regarder mais aujourd’hui, il ne parvient pas à l’apaiser. aujourd’hui, pas même l’héroïsme de wes, pas même la douceur de solal, pas même la colère de sil ne réussissent à la calmer. rien ne réussira à effacer le fait que maya a préféré se foutre en l’air plutôt que de rester à leurs côtés.

Ca fait trois jours que tu te noies. Trois jours que t’es infoutu de remonter à la surface. Les poumons brulent à l’intérieur. De ne plus pouvoir respirer. Ils brulent tellement forts que t’as l’impression de crever à chaque pas. Chaque pensée. Tu vas tomber au prochain. C’est sur. Et pourtant. T’es toujours là. La rage au ventre. La rage au coeur. Elle est morte. Elle est morte. Elle est morte. Connasse. Tu la hais comme jamais de t’avoir abandonné. De l’avoir abandonné. T’as cru quoi hein ? Qu’elle se relèverait toute seule ? Tu frappes le mur avec une force que tu croyais déjà perdue dans l’alcool. Une fois. Deux fois. La douleur physique efface un instant celle du coeur. Et c’est presque agréable de la voir. De sentir le sang couler le long de tes phalanges. Au moins, celle là, tu la comprends.

T’as l’air de rien. Tu sais même pas c’que tu fous là. Habillé d’un putain de costume noir de Wes. T’as l’air ridicule. Avec ton regard rougi de pas avoir dormir. Avec tes croutes de sang dégueulasses de trop avoir frappé. Avec l’alcool qui a remplacé chaque once de ton sang. Et au milieu de cette scène pitoyable, ce putain de costume trop propre. Cette chemise blanche que t’as même pas su boutonner correctement. Y’a lundi marié à mardi. T’as l’air d’un imposteur. « Vos gueules » Ca gronde à l’intérieur. Colère sourde. Pourquoi est-ce qu’elle a fait ça ? Pourquoi comme ça ? C’était pour te punir ? Pour pas avoir été là. Ni pour Tez. Ni pour elle. Est-ce que tu l’as pas aimé assez fort ? Est-ce que t’as trop vite baissé les bras ? Putain. Tu la hais. Tu la hais de s’être barré sans rien dire. Elle aussi. Comme si toutes les femmes de ta vie étaient destinées à ça. Tu lèves un instant ton regard sur Nora. Et ton coeur se tord à l’idée qu’elle se casse un jour elle aussi. Mais elle est toujours là. C’est rassurant. Et effrayant aussi. Comme si t’attendais juste le moment où elle se barrera aussi. Rejoindre tous les autres. Ceux qui sont partis trop tôt. Ceux qui ont juste abandonné.

Tu sais pas quoi faire. Planté là. Y’a ce silence de mort qui t’insupporte. Tu l’détestes ce putain de silence. A attendre qu’ils foutent ce putain de cercueil à l’intérieur. Il restera plus qu’à reboucher. C’est putain de comique. Reboucher le trou. Celui qu’elle laisse à l’intérieur de vous tous. T’as envie de frapper le morceau de bois dégueulasse. C’est même pas un trucs beau. Nan. C’est aussi moche que vous. Tu sers les dents. « T’es vraiment qu’une sale conne des fois » Des fois. Pour la dernière fois. Les mots sortent tout seuls. Trop forts surement. Tu peux sentir le regard des autres s’poser sur toi. T’as pas envie d’les affronter. Tu veux pas savoir si tu les choques ou si tu dis tout forts ce qu’ils pensent tout bas. Sale conne. Infoutu de continuer à s’battre comme tout le monde. Infoutu de continuer à avancer pour les autres. Elle aurait pu au moins pas s’envoyer en l’air avec ça. Ou est-ce que c’était juste une dernière façon de te punir. Pour ne pas avoir pris assez soin d’elle. Pour ne pas l’avoir assez forcé d’arrêter. Trop plein de colère pour passer au delà de ce geste trop symbolique pour toi. Tu frappes le cercueil maladroitement. Trop lourd pour bouger d’un poil. C’est ridicule.