dream art + Bo

Colère. Colère rugissante, colère assourdissante. La tour de verre s’était écroulée, l’illusion du foyer tranquille s’était dissipée, laissant à la vue de tous la triste et grise réalité de la famille dorée. Fortune comme cache-misère. Les mots avaient volés, s’étaient écrasés plus puissants encore que les poings du père sur l’arcade sourcilière de son fils. Tragique.
Les paroles paternelles avaient heurté Bo en plein fouet, lui qui était lancé à toute vitesse, lui qui s’était pas retourné pour voir les dégâts qu’il avait fuit ; lui qui avait été ramené à la réalité, tiré par la manche tout au fond, à la force des bras du père.
Alors il était parti, il avait quitté le palais, enfourché sa monture, démarré le moteur et maintenant il roulait, le vent sur sa peau et dans ses boucles. Il avait pas de casque, juste son sac à dos rempli de bombes de peinture et sa tête remplie d’idées.
Il avait tendu une main en détresse vers Gina et elle s’en était emparée, acceptant son invitation sur les rails. Loin de tout et surtout loin de son père, ici Bo pourrait réfléchir. Et Gina pourrait l’aider. Les bombes colorées, se porterait à son secours aussi, ramenant au rivage les images dans sa tête, les tirer de l’eau et les ramener à terre, à l’air libre, là où elles pourraient respirer. Elles se dessineraient sur les wagons et sur le béton des immeubles maussades, ramenant la couleur là où y’en a plus.
Bo se souvenait plus exactement de la première fois qu’il avait utilisé le dessin comme échappatoire, la seule chose qu’il savait c’est que les lignes et les couleurs l’avait trouvé. Inséparables depuis.  Puis ses jolis dessins s’étaient envolés pour aller se poser sur les murs de la ville, un jour comme celui-ci, où Bo en voulait au monde. Il pouvait pas vivre dans le même univers que son père, il acceptait rien de ce qu’il faisait, rien de ce qu’il pensait. Mais Bo ça le rendait pas triste. Justement, la situation l’avait aidé à explorer le monde qui l’entoure, à sortir le bout de son nez par la fenêtre de sa chambre quand il était encore petit. Et maintenant il avait mit le doigt dessus. Il avait saisit ce dont il rêvait, ce dont il se languissait. Il peignait non plus comprendre mais pour mieux voir. Alors naturellement, des mots coups de poings avaient fait leur apparition en ville, parfois adressés à quelqu’un de bien précis, parfois juste adressé à la cantonade. Bo arrivait plus à supporter tout ces non-dits, tout ces secrets malsains et destructeurs. Le monde le dégouttait et il avait une idée. Ça pourrait peut être faire changer les choses. Crescent Heights n’était pas une si grande ville, puis les secrets finissent toujours pas sortir de sous le tapis.
Alors immédiatement, il avait pensé à Gina. Gina qui l’avait aidé à s’en sortir, Gina qui avait été présente, même après Nox. Bo et Gina qui depuis quelques années avaient fait quelques conneries ensemble. Il le savait, plus tard, quand tout ça sera plus qu’un souvenir, que les détails se seront transformés en nuage flou d’approximations, Gina resterait là, toujours vive et en couleur dans un coin de sa tête.
Les notes de reggae lui parvenait maintenant plus fortes que le ronronnement de son moteur. Il la voyait maintenant, elle et sa casquette visée sur sa tête. Une dernière accélération et le voilà devant elle, un nuage de poussière les séparant. Un sourire éclaire son visage en la saluant mais également en voyant sur le sol, les bouteilles demandées et tant attendues « j’vois que t’as pensé à tout ». Le jeune homme sort les bombes de son sac, les lâche par terre avant de se poser à leur côté, attrapant une bouteille au passage. Il avait pas vérifié ce que c’était : tout ferait l’affaire. Un soupir puis un regard vers Gina. « merci toi, j’avais besoin de tout ça. » Sous le silence de la fin d’après-midi seulement brisé par la musique et la voix de Gina, des idées se formaient dans l’esprit de Bo, et bientôt, il s’emparerait d’un crayon et commencerait son exquise. Mais pour l’instant, Bo se reposait juste un peu, la tête posée sous ses mains. - mains couvertes de quelque chose qui devrait pas être là. Il rouvre les yeux sur ses mains -tâchées de sang. « meeerde, j’avais oublié… Gi’ t’aurais pas quelque chose ? Faut que je t’explique... ».

gina n’était pas connue pour avoir une grande patience, alors en attendant bo qui tardait à venir, elle commençait déjà une bouteille d’alcool pêchée entre tout ce qu’elle avait apporté du cygnus. son carnet à croquis sorti, elle était en train de dessiner un crâne quand de la  fumée et un bruit de moteur lui fit relever son visage vers la source, bien sûr, elle savait pertinemment que ce n’était pas quelqu’un d’autre ou la police. il n’y avait qu’eux deux pour venir dans cet endroit, loin de la ville, hors du temps.

“Si tu voulais arriver discrètement, j’crois que t’as merdé quelque part.” elle ne se mit pas debout, ne le salua pas, non ce n’était pas la peine, simplement un sourire pour dire bonjour, pas d’accolade, c’était comme ça avec elle. surtout depuis qu’un de ses amis avait péri, elle s’était distancé de tout le monde, et la gina pot de colle n’existait plus. du moins, elle essayait de l’éloigner le plus possible. pour ne plus souffrir de la perte d’un être cher. mais à crescent heigt, ces histoires arrivent plus souvent qu’il n’y paraît.
la brunette attrapa une bombe à peinture et laissa bo se servir dans le tas d’alcool à ses côtés.
“C’est donnant-donnant, puis j’pense pas que mon oncle se rende compte qu’il manque 2-3 bouteilles dans son bar, alors autant en profiter.”

gina aussi avait besoin de ça, au fond, rien n’allait. elle ne voulait pas paraître triste ou défaitiste, c’est pourquoi elle n’avait encore rien dit. “Toujours là pour mon frère.” comme si elle avait toujours rêvé d’en avoir un, un vrai, un frère de sang, pour la protéger, pour se sentir aimée. or, la vie ne lui avait pas donné ce plaisir, ça aurait  été vraiment trop facile. alors depuis le temps, bo avait pris cette place, elle lui faisait confiance, c’était un des seuls à qui elle pouvait tout dire et inversement. aujourd’hui, il semblait que c’était lui qui allait déballer son sac, laissant à gina encore quelques secondes sans avoir à se confier, préférant garder ses problèmes pour elle.
à son injure, gina posa ses yeux sur le jeune homme et fronça les sourcils à la vue de ses mains pleines de sang. rien qui n’effrayait de oliveira, night falls était rempli de voyous et de criminalité, mais généralement, bo ne trempait pas dans ces affaires-là. enfin, c’est ce qu’elle pensait jusqu’à maintenant.

“Qu’est ce que t’as foutu ? T’avais plus de rouge et tu pensais que c'était une bonne idée d'aller tabasser quelqu'un pour en avoir ? Une genre de teinture naturelle ?” comme si tout était normal. gina chercha dans son sac à dos quelque chose qu’il fasse l’affaire, elle ne trouva qu’un paquet de mouchoirs et une bouteille d’eau.
“Démerde toi avec ça.” gina lui déversa un peu d’eau sur les mains, y avait aussi de l’alcool pour les blessures, mais il ne semblait pas mal en point. “Bordel, tu t’es quand même pas attaqué à plus fort que toi. Tu m’diras c’est pas compliqué à trouver avec ta carrure.” il était fin. une cible facile. elle aimait bien l’emmerder avec ça, pour dédramatiser des situations parfois bien trop compliquées à gérer.