— l'enfer est sans fin.

( la tête tournée vers les étoiles )
(UN) Née d'un coup d'un soir, d'une erreur, sur un malentendu, entre deux villes. Jeunes parents plus présents par obligation qu'autre chose. Elle le sent, le sait. Elle ne comprend pas. Pourquoi se forcer à faire quelque chose qu'on ne veut pas faire ? Elle vit sa vie en ne faisant que ce qu'elle veut faire. S'éloigne d'eux autant qu'elle peut. Ils la déçoivent, lui ont montré tout ce qu'elle ne veut pas être. Tout ce qu'elle ne veut pas faire. Se résigner. (DEUX) Elle a arrêté de vivre avec sa mère et son père dès ses dix-huits ans. Elle est partie, a quitté le nid, sans dire grand chose, ne les a pas vraiment revus depuis. Arrivée à Crescent Heigts non par amour, ou pour ses études, mais juste pour s'éloigner de tout ce qu'elle connaissait déjà. Ici, elle vit. Elle respire. Elle en apprend plus sur elle-même que nul part ailleurs. Elle apprend à connaître son corps, ce qu'elle aime, ce qu'elle n'aime pas. (TROIS) C'est lors d'un casting photo, qu'elle a rencontré son mari, un vilain petit canard au manteau dégarni, parmi une foule de palmipèdes dorés. Il n'était pas comme eux dans ce gratin mondain mais il avait ce côté mystérieux qu'elle adorait. Un amour lent, un amour intense. Un couple adulé comme jalousé par certaines personnes. Ils avaient beau être le couple parfait, durant leurs soirées, le couple était accro, malheureusement, aux substances illicites... (QUATRE) Quelques mois après son mariage, elle apprend qu'elle est enceinte de son premier enfant. Et c'est après cette annonce qu'elle stoppe toutes drogues et surtout pour mettre un terme à toutes ces années de débauches. Malgré tout, ils étaient surtout très matures. (CINQ) Lacroix. Un nom qui ne laisse pas indifférent. Un nom qui est souvent accompagné de déchéance, de haine et d'amertume. L’une des plus grosses familles de la ville. Et le mensonge qui suit. Les Lacroix, c’est une famille déchirée qui essaye de paraître traditionnelle sans forcément réussir. (SIX) Le devoir d'être parfaite. D’être à la hauteur de son nom. L’excellence seulement. Des choses qu’elle a apprise de ses parents et qu’elle met en place tous les jours. Seulement, petit à petit, doucement, cela a engendré un poids sur ses épaules, un poids qu’elle s’efforce d’ignorer. Cette envie de rendre fier et d’être à la hauteur pèse plus sur sa personne qu’elle ne voudra jamais l’admettre. (SEPT) La tombe est fleurie, par des dizaines de bouquets garnis, déposés par des inconnus qu'elle ne connaît guère. Une famille détruite par le décès du deuxième enfant, Séléné. Elle était belle avec ces cheveux dorés, son sourire naïf et ses petites mains douces. C'était un matin de septembre, le ciel était nuageux et le soleil timide. L'horreur, des hurlements retentissaient dans la villa des Lacroix. C'était la mort qui avait sonné à leur porte. Dans les bras de Venus, Séléné était chaude mais son coeur était froid. Un cauchemar qui se perpétue chaque jour, chaque heures, minutes et secondes de sa vie. Une cruelle destinée qui ronge Venus de l'intérieur. (HUIT) Venus, elle a plus de cicatrices qu’elle serait capable de le dire. C’est un animal blessé qu’il est difficile d’apprivoiser. D’apparence sociable et rigolote, elle ne laisse pourtant que peu de gens entrer dans son monde et ses pensées. Elle n’aime pas se montrer vulnérable de peur de souffrir encore plus de déceptions, plus d’abandons. (NEUF) Elle n'a rien ressenti d'abord. La prise de conscience eut lieu devant ce magasin de vêtements pour enfants, quelques heures après qu'une gerbe d'étincelles éclataient dans sa tête. Mais la douleur occasionnée par la perte de cet enfant n'était pas contrôlable, et ses manifestations n'étaient pas intelligibles; par exemple, ce qui lui fait le plus de mal quand elle pense à elle, c'est de ne pas savoir où regarder, et de regarder le ciel. Pourtant, c'est cette épreuve et la douleur qu'elle lui cause et lui cause encore qui ont fait d'elle ce qu'elle est. (DIX) Elle aime son fils, Nox, du plus profond de son coeur la brune, mais depuis sa naissance elle ne sait comment exprimer tout cet amour qui lui est tombé dessus. Cet attachement incontrôlable et effrayant qu’elle ressent à l’égard de Nox. Elle, c’est le parent maladroit qui ne sait pas comment s’y prendre pour se sentir adéquat. Le seul moment privilégié qu’elle ait eu avec son enfant vraiment seule à seul, c’était l’allaitement. Il y a au moins une chose qu’elle n’a pas foiré et c’est ça. (ONZE) Elle est bien chez elle. Elle traîne en peignoir toute la journée, dans l'atmosphère viciée par les montagnes de clopes qu'elle fume, elle n'ouvre jamais la fenêtre. Elle préfère crever asphyxiée que crever de froid. Elle ne bouffe rien, elle n'a pas faim. Pour se soutenir, elle prend des anxiolytiques, plus de gueule de bois, plus de courbatures, plus de migraine. Pour se réveiller, elle prends de la coke, plus de fatigue, plus de déprime. Les jours passent ainsi depuis des années. Elle aime son visage en ce moment. Ses joues sont creuses, ses yeux ne brillent plus et sont dévorés par les cernes, ses lèvres sont incolores et ne savent plus sourire. Seuls ses cheveux sont restés les mêmes, longs, bruns et magnifiques, comme s'ils avaient absorbé toute la vie qui était en elle. L'enfant qu'elle aimait est mort. Elle n’oubliera pas son visage, sa voix. Elle se morfond dans sa douleur. (DOUZE) Elle est morte et plus rien n'a de sens. Elle envisage l'avenir comme une éternité de souffrances et d'ennui. Une énième tentative de suicide plus tard, encore un échec, Venus est toujours là. Sa lâcheté l’empêche de mettre fin à ses jours. Elle continuera à sortir, à tromper son mari, à boire et à persécuter des cons jusqu'à ce qu'elle crève. L'humanité souffre. Et elle souffre avec elle.