› identité: malik džeko
› âge, date de naissance: 27 yo, du 22 juillet 1991
› signe astrologique: cancer.
› lieu de naissance, origines: srebrenica, bosnie-herzégovine
› emploi, études: il résoud tous vos problèmes, mécano, plonge, déménagements, peinture, suffit d'arracher un des petits papiers qu'il scotche dans la rue pour récupérer son numéro
› orientation sexuelle: hétérosexuel.
› statut civil: libre, il a juste son petit jafa qui le suit partout.
› traits de caractère: il est optimiste, l'optimisme de celui qui prend les choses telles qu'elles sont, parce qu'au fond, ça va. il est débrouillard, il est malin, il est autonome, mais ça veut pas dire qu'il ne se sent jamais seul. on lui a toujours dit qu'il était fort, alors il a appris à être fort, mais en fin de compte ça lui arrive parfois d'avoir besoin de comprendre où le mènent ses pas. y'a pas vraiment de cohérence dans ses choix, parce que ce qu'il suit malik c'est des opportunités. il sait sourire, il sait accrocher les regards pour que certains s'intéressent à lui. ses yeux ronds c'est sa manière d'amadouer et de décrocher un job. il a beau vivre dans la rue, il tient à sa propreté, il a pas mal d'égo, il a beaucoup de principes. être itinérant oui, mais pas un misérable gars de qui on s'appitoie. son problème, c'est une part d'insouciance, c'est une mélancolie cachée, c'est de la détermination auto-destructrice. il est généreux dans son approche, mais au fond il pense qu'à sa gueule. parce qu'à accumuler les emmerdes on apprend à tracer sa route. il attend rien de personne, avec son accent de l'est il peut paraître sec, mais c'est juste qu'il contrôle pas ce qu'il est. il a des idées, des envies, et dans le fond de sa caboche il s'y tient, c'est pas un rêve, c'est une croyance. un peu comme un deuxième dieu, lui qui a jamais trop cru au dieu de sa
baba.
( la tête tournée vers les étoiles )aujourd'hui j'ai laissé jafa à juan,
baba, on m'a proposé un travail dans les champs pour le week-end. il est quatre heures du matin ici, je vais retrouver le boss aux portes de la ville. on commence à travailler tôt, parce qu'il fait très chaud. pas chaud comme chez nous, mais chaud pour les gringo. rien de nouveau, je dors bien, la nuit un petit vent se lève et le béton s'arrête de brûler. je te rappelle demain
baba, ça me fait du bien d'entendre ta voix.
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salut
baba, tu sais quoi, aujourd'hui j'ai fait mes comptes et je pense pouvoir me racheter un vélo bientôt. il sera jamais aussi bien que celui que vous m'aviez offert, jaune brillant. tu te souviens tu me disais que t'étais rassurée, que parfois tu voyais une lumière loin dans les montagnes et t'imaginais que c'était moi qui dévalais les graviers de la pente. les fois où je suis revenu les genoux en sang tu me maudissais en arabe, c'était les rares moments où tu te permettais de parler cette langue. t'avais toujours peur que ça nous retombe dessus, encore, comme à la guerre. je suis désolé
baba j'ai envie de parler aujourd'hui, de parler un peu de ces choses là dont je parle jamais ici. t'étais toujours sérieuse le soir et tu m'embrassais toujours avec trois baisers. tu disais qu'un venait de toi, un de mon père et un de ta fille, ma mère. j'ai toujours leur photo dans mes affaires, mais moi c'est pas forcément leur visage que j'ai peur d'oublier. je me demande si on a eu raison de venir aux états-unis,
baba. c'est quand même un sacré pays de merde. c'était mieux pour te soigner, mais t'as vu comme les gens sont ici? hyper seuls. moi je suis seul mais ça me fait pas vraiment peur. eux, c'est différent, ils connaissent pas ça, les silences de l'angoisse. nous on a grandi dedans, pas vrai? surtout toi, elle t'a frappée en pleine tête. moi c'est tes histoires qui l'ont dessinée. mais t'as toujours fait en sorte qu'elle me touche pas. tu me parlais pas de douleur, même si je l'ai devinée en grandissant. tu m'as toujours raconté la bosnie avec un sourire nostalgique. tu m'as toujours raconté mes parents avec un sourire nostalgique. aujourd'hui j'ai vingt-sept ans,
baba, c'est l'âge qu'avait mon père quand il est mort à la guerre. et je me dis que lui se battait un peu pour son pays, alors je devrais faire pareil, non? sauf que ça fait cinq ans qu'on est ici, et je sais plus vraiment qu'est-ce que j'ai à y foutre, en bosnie. c'est ici, le nouveau monde, pas vrai? à bientôt,
baba, je vais essayer de m'offrir ce vélo, ce serait un beau cadeau d'anniversaire.
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baba, j'ai payé la facture de ton téléphone, hier. j'ai reçu une menace, ils disaient que si je payais pas la ligne allait être supprimée. j'arrive pas encore à me dire que ça pourrait disparaître, tu sais, cette dernière mémoire que j'ai de toi. la voix de ton répondeur. c'est sans doute un peu pathétique mais je me concède cette part de pathos là. j'ai jamais cru en ton dieu mais parfois je me dis que si le monde est bien fait, et crois-moi j'en doute souvent, surtout à cause de cette pute de trump, tu dois pouvoir m'écouter quelque part. et si le téléphone c'était ma seule manière de rester en contact avec toi? on n'a jamais été très bons en technologie, nous deux, mais ça me semble quand même assez cool, cette communication avec les esprits. la montagne me manque,
baba, la montagne de chez nous, la montagne de quand j'étais gamin, celle brûlée et celle encore noire de forêts. je vais partir quelques jours de la ville, j'ai besoin de grimper. j'ai besoin d'air, j'ai besoin de me rapprocher de toi, de vous, de la nature, du ciel. parfois j'imagine l'air comme des petites gouttes, et j'essaye d'avaler un maximum de ces petites gouttes, j'essaye de les sentir traverser ma peau, ma bouche, mes lèvres, se glisser dans mon corps et gonfler dans mes poumons. ça fait du bien, un bien fou, quand ils deviennent énormes, les poumons, quand j'ouvre les bras et que ces milliards de petites gouttes poussent mon diaphragme, mes muscles, agrandissent mon corps. comme si d'un coup il allait exploser. dans ces moments là je me sens libre,
baba. tu sais, j'ai bien aimé les champs, moi c'est quelque chose auquel je crois de plus en plus. on n'a pas besoin de la ville, on n'a besoin que de nous-mêmes. vous aviez bien vécu des années, vous, au milieu de nulle part, à échanger simplement quelques morceaux de fromage avec les voisins. pourquoi on reviendrait pas à ça? le monde, au fond, c'est que de la terre, de l'air, de l'eau et du feu. le feu, il a déjà pas mal ravagé. l'eau, y'en a plus trop. il est temps de se pencher sur les autres éléments, t'en penses quoi? je t'aime
baba, à bientôt.