overthinking | libre

Les néons pâles et grésillant de leur longue vie stagnante laissent planer leur lueur sur sa peau qu’elle voit presque jaune aux travers des rayons où s’entassent des confiseries qu’elle lorgne sans oser s’en approcher. Elle est parée d’habits ternes qu’elle a pu acheter dans la ville d’à côté. Silence de fait petite, prête à se fondre dans les moindres recoins où les ombres se cachent. Chaque pas qui se dirigent vers elle la rend plus nerveuse encore à chaque minutes qui trépassent, elle n’entend plus que le bruit de son myocarde affolé au fond de sa poitrine, criant son angoisse par à-coups violents. Elle jette des coups d’œils à l’entrée de la supérette, certaine d’y voir débarquer un visage connu, celui de Dione ou même son père, prêt à lui faire ravaler ses envies de rebellions. Elle dissimule ses tremblements dans les manches trop longues d’un t-shirt qui fait tâche pour la saison, parmi les peaux nues et dévoilées. Malgré la chaleur qui fait perler son front où se colle ses cheveux, elle ne le retirera pas, convaincue que s’y cache les stigmates d’exorcismes ratés. Le monde qui l’entoure lui parait pourtant plus diabolique qu’elle, rempli de vices et de tentations qu’on lui a toujours interdits. Silence nage dans sa confusion, sentant toutes les fondations qui portaient son existence s’effondrer pilier par pilier. Ravalant difficilement sa salive, assoiffée et affamée, elle porte une main à ce qui lui passe sous la main et ce qui lui parait le moins caloriques, jaugeant les étiquettes et les prix, calculant déjà à une vitesse folle ce qui lui reste au fond de son porte monnaie. Elle regrette d’avoir volé dans la bombonne qui contenait les donations des élus tout en se sentant brutalement puissante, capable d’avancer sans qu’on ait à lui tenir la main. Passant une main tremblante de stress sur son visage où ce sont inscrits les stigmates de son inquiétude, elle sent quelques regards s’attarder sur elle, détourne bien vite le sien, comme par peur qu’ils y lisent tous les derniers actes ignobles qu’elle a pu commettre. Avançant d’un pas traînant contre le carrelage défoncé et qui a pu être blanc autrefois, Silence se perd, passant et repassant devant le rayon des biscuits, les lorgnant avant de mordiller ses lèvres, de repartir et revenir encore, ses pensées rythmées par les paroles de Dione lui dictant de ne jamais céder à la tentation, que tout ça n’était créé que pour mettre à l’épreuve son âme encore pure de tout péchés. Elle se demande un instant ce qu’il doit penser d’elle, ce qu’il a bien pu se dire une fois sa disparition découverte. La tristesse l’assaille si brutalement qu’elle s’arrête brutalement, son visage finissant par buter contre quelqu’un et la bouteille de lait qui pend entre ses deux doigts éclatent brutalement. Fracas brisant le voile d’indifférence dont elle se pare. Personne ne la voit, on passe, on oublie. Un sursaut la saisit, la fait reculer de plusieurs pas alors qu’elle reste saisi par son mutisme, étranglée par le silence et le liquide se perd sur les chaussures de quelqu’un, les imbibent de son lactose. Et Silence qui reste les yeux figés sur son erreur, n’oublie pas les biscuits qu’elle aimerait s’acheter, comme pour échapper à l’affreuse réalité qui la fait devenir le centre de l’attention. Silence qui ne sait pas si la personne face à elle choisira la colère ou la blase, si on la reconnaîtra au premier coup d’oeil. L’angoisse grimpe, de ses pattes arachnéennes le long de sa colonne vertébrale. Remonte, remonte et son corps reste figé, crispé, dans l’attente.

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