(jolene, please don't take my man)

( la tête tournée vers les étoiles )
Leur propriétaire affirme qu’elles ne sont pas refaites. Elles sont charnues au naturel, certes, elles parlent sans se presser, cherchent leurs mots, font beaucoup de «hmm». Ces lèvres sont ce que Jolene a de plus expressif, coincées dans un petit visage, sous de grands yeux aux cils interminables farcis de mascara et une tignasse raide d’un faux roux viré auburn. Et ses doigts fins prolongés d’ongles peints de rouge, dont elle frotte son visage de façon compulsive quand elle parle.

Elle est cette zone où viennent s'échouer nos sentiments exacerbés et nos soirées pleines d'ivresse et d'espoir dans l'existence d'un sentiment qui puisse enfin tout balayer. Aussi on s'y accroche fébrilement, on se confond en Jolene, électre aux ongles soignés qui réussit à garder la sève de tout ce qui nous a rendus vivants un jour ou l'autre. Quitte à sombrer, pour mieux se relever. Et vivre des histoires qui vaillent la peine d'être racontées, des amours qui vaillent la peine d'être vécus, même le temps d'un regard. Jolene, c'est un lieu de fuite sans échappée possible. On s'y évade pour mieux se retrouver face à soi. Un abri bâti, face à la solitude, l'ennui, les questionnements sans réponse. Âme en peine, elle s'était mise à boire. Tous les jours. L'alcool a été le premier amour de sa vie.

Elle a été élevée avec des valeurs traditionnelles, pourtant sa vie n’a pas été très orthodoxe. L'alcool, le sexe, les obsessions. Tout a été si éloigné des règles qu'on lui avait pourtant toujours dictées. Elle a toujours écouté son instinct, suivi une route complexe mais personnelle. Les seules valeurs qu’elle a gardées et qu’elle revendique sont l’honnêteté et l’intégrité. Et en grandissant, elle a toujours été en proie aux obsessions. En partie parce que c'est dans sa nature. Mais aussi parce qu'après s’être sentie aussi seule pendant si longtemps, elle était irrésistiblement attirée par la moindre petite chose ou personne qui l'intéressait.

Sa vie est essentiellement rythmée d'histoires d'amour absolues ou impossibles. De diverses histoires confrontées au plein du désir et au manque. À la passion ou à la rupture. L'amour comme seule religion. Enjouée, espiègle, intense, éthérée, mélancolique. Une voix surtout, capable de vibrantes poussées comme de murmures ravageurs. Obsédante. Jolene elle est l'amour et la haine. Le bonheur et le désespoir. Tout à la fois et finalement ne rentrant dans aucune case. Singulière ou atypique, poupée de cire aux cheveux trop lisses, aux yeux trop noirs et au sourire si rare. Jolene est un vaste chantier de nettoyage par le vide, l’absence, le creux, on a envie de dire qu'il y a aussi toujours chez elle quelque chose d'intense, d'extrême, de sensuel.

Oui, elle peut être à la fois la maman et la putain. L'épouse et l'amante. La femme éplorée, dépendante de l'amour qu'elle porte à son homme et la séductrice qui regarde les hommes. Elle s'est inventé un habitat sublime à planches pourries. Elle est cette zone où viennent s'échouer nos sentiments exacerbés et nos soirées pleines d'ivresse et d'espoir dans l'existence d'un sentiment qui puisse enfin tout balayer.

Elle est là lorsqu'ils veulent briller en se montrant en bonne compagnie lors de soirées trop mondaines pour le commun des mortels. Et parfois, leurs mains s'enlaceront, leurs peaux se toucheront plus que ce qu'il avait été convenu. Jolene se donne. Mais pas à n'importe qui. Pas à n'importe quel prix. Elle coûte cher. Et dans leurs poches, il n'y a pas de vide. Remplies de billets verts, elles comblent Jolene des meilleures des façons. Ses doigts brillent. Ses oreilles scintillent alors que le rouge de ses lèvres est des plus éclatant. Et les plus chanceux s'y évade en Jolene, désirant plus que tout au monde faire vaciller ses yeux vers le ciel. Ils en voudront plus. Comme ceux d'avant. Comme ceux qui ont déjà essayer de l'oublier, réalisant soudainement leur addiction. Une drogue si douce qu'elle en est blessante. Son absence vous saigne. Sa présence vous serre le coeur.