the story of impossible | roméo

Des bateaux.
Un, deux, plusieurs.
Sur le bord l’eau, Frida pose un pied, puis l’autre. En équilibre sur le trottoir qui la sépare de la mer, elle laisse glisser son corps au travers de ce drôle de vent froid qui réveille la ville au matin. Il est tôt encore, parce que c’est dimanche et parce que les gens sont encore endormis. L’église sonne les premières lueurs d’un quantique murmuré, appel auquel réponde tant d’âme à rassurer. Abuela en fait partie. Elle a enfilée cette même robe qu’elle porte depuis trop d’années maintenant. La bleu. Puis elle a posé sur ses cheveux couleur cendre en chapeau pour se rendre plus élégante, comme elle dit. Abuela est toujours belle, quand elle rentre dans l’église. Papa l’accompagne, rarement. Frida de moins en moins. Ce matin pourtant, elle l’attendait sous le porche de la maison. Frida avec ses cheveux en bataille, Frida avec son tee-shirt trop grand, mélange d’odeur de sueur et de tabac froid. Frida qu’était pas vraiment belle et qui pourtant rayonnait dans ses habits de la veille. Pour la forme ces matins là, Abuela jure au ciel pour lui demander ce qui lui a bien valu cette princesse qui s’obstine encore parfois à ne pas rentrer la nuit.
Puis Frida sourit.
Frida avec son sourire de gamine paumée qui vous serre le coeur.
Elle a glissé ses doigts au creux de la main d’Abuela, comme une enfant, remplit de cette innocence qui l’habite encore parfois. Parce qu’Abuela c’est elle qui lui serre le cœur à Frida, quand elle voit sa silhouette se dessiner derrière les rideaux, quand elle l’entend murmurer seule das sa chambre, quand elle la croise parfois en train de regarder de vieilles photos planquées dans les tiroirs. Abuela ne s’est jamais remise de la mort de sa fille. Papa pleur encore la mort de sa femme. Alors parfois Frida glisse ses doigts contre leurs mains. Elles sont toujours chaudes, toujours rassurantes. Ce matin là, la main d’Abuela avait la fraîcheur des matins d’hiver, de ceux qui vous laisse le souvenir agréable d’un intérieur chauffé. Et pourtant, l’au dehors délivre un monde doucement agréable.
Abuela est entrée dans l’église, elle lui a dit à Frida, qu’elle rentrerait toute seule, qu’elle déjeunerait sûrement avec ses amies. Pour la forme.
Alors Frida s’en est allée, marcher sur le port, pas trop loin de l’église malgré tout. Comme elle le fait chaque fois qu’elle l’accompagne, s’aventurant suffisamment loin pour s’occuper le temps de la matinée divinement biblique. Suffisamment prêt pour ne pas manquer la sortie de l’église à l’heure venue.
Parce qu’Abuela n’a pas vraiment d’amies.

« Ton paquet de clopes est dans mon manteau » qu’elle pianote du bout des doigts sur son téléphone portable. Elle a un vieux téléphone Frida, le genre qui fait encore rire ses amis. Conscience politique, engagement sociétal. Soucis financiers. Alors ses doigts viennent écraser les touches et finissent par valider l’envoi. A lui, à Roméo. Juste une information qu’il pourra noyer au milieu des autres. De toute façon, c’est pas important, elle le lui ramènera la prochaine fois, en répèt’ ou ailleurs. S’il survit sans cigarette d’ici là.
Alors Frida s’éloigne, marche comme une enfant au bord du port, sans trop faire attention aux quelques âmes solitaires qui errent si tôt le matin. Des ivrognes ou des saints. Frida quand à elle sent encore un mélange d’alcools. Son visage caressé par le vent, elle sourit parce que la vie ça tient à peu de choses parfois.
Une ivrogne et des seins.

say that you need me baby
say that you want me honey
say that you won't let me down

il marche, titube, tombe presque. il est très tôt, il est matin, mais dans la tête de roméo c'est toujours la nuit, c'est toujours la fête. et ses potes l'ont laissé, frank est parti se coucher, et presque tout le monde était trop fatigué pour une autre tournée. sauf roméo. roméo il veut le premier bus, il veut le premier amour, la première note de soleil qui vient caresser sa peau.
puis roméo il se balade, vole presque, le vent qui vient s'étouffer dans ses cheveux. mais il aime bien. il enfonce un peu plus ses poings dans ses poches et marche, le menton enfoncé dans le col. puis sa tenue est peut être pas super propice à la saison, parce qu'une chemise violette à moitié fermée et un manteau ça suffit pas, pas pour ce temps là. il a besoin de chaud, roméo. il a besoin de frida.
puis, comme les cloches de l'église qui sonnent un peu plus loin, y'a son téléphone qui vibre. comme les cloches, ouais. du coup il le sort, glisse très rapidement sa main dans la poche arrière de son pantalon pour le sortir le plus vite possible, histoire d'éviter le vent un maximum. puis y'a un message, un message d'elle, un message de ma meuf. "ton paquet de clopes est dans mon manteau," qu'elle lui dit. et roméo il en a envie, là. il a envie de ses clopes, de voir frida. des deux en même temps. puis il se presse de répondre, roméo. il s'arrête de marcher, reste planté au milieu de la rue, et répond. "t'es où là? on se rejoins où?"
puis il lui faut peut être bien qu'un paquet de cigarettes pour le faire venir, frida, parce que les clopes ça marche presque mieux que la lingerie. mais c'est pas grave. elle le sait très bien, et ça le dérange pas, comme ça. il aime bien, en fait. il aime bien, ouais.