kidnapping - sil & chuck

Ca fait deux jours que tu l’as repéré. T’sais pas vraiment pourquoi celle là. Surement parce qu’elle fait partit d’cette liste de bagnole pas trop compliqué à refiler. Ike t’a dit d’te tenir éloigner des trop belles voitures. Celle que tu galères à voler et que tu peux pas vraiment revendre sans t’faire gauler. Non. Celle là, elle est parfaite. Et puis, piquer les clés a été d’une facilité déconcertante. T’es juste rentré quelques secondes à l’intérieur d’la maison pour chopper le trousseau abandonné sur la petite table de l’entrée. Trop facile. Alors t’es là, capuche vissé sur la tête pour dissimuler un tant soit peu ta gueule probablement trop reconnaissable. Tu fais tourner les clés autour de ton doigts, avant d’respirer un bon coup et d’te lancer. Tout va vite. Foutrement vite. Ton coeur bat fort. Comme à chaque fois que tu t’apprêtes à faire un truc dangereux. L’adrénaline, ta meilleure amie. Tu souris comme un gosse lorsque tu t’avances vers la voiture. Là. Avec un naturel un peu déroutant. C’est comme ci t’étais fait pour ça. Pourtant, c’est la première fois que tu vises aussi haut. Les téléphone et les sacs, ça a toujours été facile. Mais les voitures … T’ouvres la portière d’un bip. Facile. Tu jettes un coups d’oeil vers la maison. Rien. Toujours rien. Soupire de satisfaction. A partir de ce moment là, c’est déjà gagné. Tu mets le contact avant d’faire démarrer le moteur. Et en l’espace de quelques secondes, la voiture disparait déjà au bout de l’allée.

Bordel. T’as rarement volé quelque chose aussi facilement. « Baaam ! » Tu tapes sur le volant en rigolant, trop fière de cette petite réussite en solo. Faut dire, normalement, t’es pas censé faire ce genre de truc tout seul. Faut être minimum deux, pour être sur. Mais t’es con. Alors tu joues au plus fort. Quelque part, tu cherches à faire tes preuves. Toi qui hurle si souvent que t’as besoin d’personne. T’allumes la musique, augmentant le son en roulant dans ce quartier qui te ressemble si peu. T’es fier ouais. Sauf que t’avais pas prévu qu’il y aurait un double des clés. T’avais pas prévu que y’aurait déjà quelqu’un à l’intérieur, attendant sagement qu’on abandonne les recherches des clés pour le double. Alors quand y’a une voix qui s’élève, ton coeur manque d’exploser à l’intérieur. T’appuies sur l’accélérateur par réflexe, manquant de vous exploser contre un arbre. Alors forcément, t’appuies sur le frein trop brusquement, réflexe à la con qui manque de te tuer parce que t’as eu la merveilleuse idée de pas foutre ta ceinture. « PUTAIN MAIS CA VA PAS OU QUOI ?! » C’est drôle que ça soit toi qui dise ça. Tu t’retournes un instant pour voir un gamin sur le siège arrière. Un gamin qu’a pas l’air plus paniqué que ça. « Putain mais t’es qui toi ?! » Tu l’fixes avec cet air ahuri. T’as jamais vu c’gamin d’ta vie. Et franchement, t’aurais préféré qu’ça reste comme ça. Dehors, quelques personnes sortent de leur maison, alerté par les bruits de freins. « Merde ! merde merde merde » Tu remontes ta capuche avant d’appuyer de nouveau sur l’accélérateur pour t’éloigner le plus vite possible de cette merde impossible.

♪ = 25

Les voitures, c'est fait pour pioncer. Chuck défendra probablement cette conviction jusqu'à son dernier souffle. Et il se trouvera un chauffeur pour conduire à sa place, car malheureusement on ne peut pas dormir au volant. Fin de la discussion, maintenant il pose la tête contre son siège et il ferme les yeux. Il compte bien s'endormir jusqu'à la fin de son trajet.
(Quand son père sort de la voiture, il n'ose pas le réveiller. Il n'a pas envie de voir son fiston lui gueuler dessus parce qu'il l'a privé de son précieux sommeil. A force, il a l'habitude : il le laisse rêver sur la banquette arrière, et il verra bien quand il se réveille.)
Mais il est réveillé plus tôt que prévu, par un cri qu'il n'aurait pas dû entendre, par le vrombissement du moteur inhabituel, par une musique de merde, et Chuck ouvre un œil. La voiture roule, mais c'est pas son père au volant. Il le connaît, il roule prudemment, comme un darron un peu pépère qui est pas très sûr de sa conduite. « Qu'est-ce tu fous avec ma voiture ? » : demande-t-il, d'une voix pâteuse, alors que c'est la voiture de son papa et qu'il a besoin de lui pour la rouler - parce que passer son permis, non merci, c'est un peu relou quand même. La voiture s'arrête brutalement et son corps s'écrase contre sa ceinture.
Bon, ok, il avait raison le vieux, c'est mieux de mettre sa ceinture - mais il l'avouera jamais.
Y'a un mec qui se retourne vers Chuck, et il a l'air si jeune qu'il doit pas être beaucoup plus âgé que lui. En plus, il doit être un peu stupide, parce que Chuck a déjà vu son visage (imparfaitement, mais Chuck il est un peu différent, il retient bien les traits) et il va pas l'oublier. Le voleur redémarre, et comme un idiot il ne l'a pas laissé redescendre.
Chuck soupire.
« Sérieux mec si tu pouvais me déposer chez moi avant de te barrer avec la bagnole, ça m'arrangerait, j'ai pas envie de rentrer à pied. »
Et il referme les yeux, parce que dans le fond il s'en fout un peu, il a envie de dormir là.

T’es vénère. Franchement vénère. Evidemment, fallait qu’il y ai un mioche dans la première voiture que tu veux piquer. Tu t’étais bien débrouillé en plus, putain. Tu t’étais débrouillé comme un chef même ! Pas de grabuge. Tout en discrétion. C’était beau. C’était sacrement beau. Tu frappes le volant, la colère au bout des doigts. Qu’est ce que tu fous dans sa voiture. Déjà tu vois mal comment ça pourrait être sa voiture. Il a l’air d’avoir à peine quinze ans le gosse. Puis il serait pas derrière si c’était SA voiture. Bon, certes, c’est techniquement plus sa voiture que la tienne. Mais c’est un détail. « A ton avis ? » Réponse cynique et probablement plus agressive que tu ne l’avais prévu. Faut dire, elle est conne sa question aussi. Ca a l’air de quoi ?! D’une petite balade à cheval ?! Connard. Tu grognes franchement à sa demande, considérant un instant de le faire. T’as franchement aucune envie d’te balader un mioche. C’est vrai quoi, ça serait un problème en moins. Sauf que l’gamin, il a vu ta gueule. T’es foutu. Il va pas t’laisser t’en sortir comme ça. Tu t’crispes sur le volant, jettent un petit coup d’oeil au rétroviseur. Il est là. Les yeux clos. Presque paisible. Putain. Qu’est ce qui tourne pas rond chez ce gosse ?! « … Tu m’prends pour un con ou quoi ?! » Tu sers les dents en tournant dans une rue parallèle, te décidant enfin à t’attacher. Dans quel merdier tu t’es foutu hein ? Ton cerveau a du mal à avancer. Non, faut être honnête. Il est même carrément à l’arrêt. Bordel. Le plan était simple. Voiture, garage, revente des pièces détachées. Mais putain, tu sais pu où aller maintenant. T’en fais quoi du gars. Tu peux pas vraiment le laisser là. Ni l’prendre avec toi. Ton cerveau s’égare même un instant à penser que ça serait bien plus simple s’il crevait avant de te rendre compte de la débilité de cette pensée. Tu regardes de nouveau dans le rétro pour l’voir, lui et ses yeux clos. « Mais t’es sérieux ?! Tu dors ?! » T’as envie de te retourner pour le secouer. Evidemment, fallait que tu tombes sur un tordu. Bordel de merde. T’avances vers night falls en roulant probablement plus vite que tu devrais. Mais t’as envie d’arriver vite dans ton quartier. Celui que tu connais par coeur. Doucement, ton cerveau se remet à fonctionner. Y’a un tas de question en suspense, mais t’essayes de pas faire d’connerie. T’as pas tellement envie de finir dans une cellule avec un vieux pervers. « File moi ton téléphone » Tu tends la main derrière pour qu’il puisse te le donner. T’as pas envie qu’il prévienne qui que ce soit.

La grande question : pourquoi, quand Chuck se réveille dans sa voiture, il a toujours un peu mal à la nuque ? Et pourquoi ça finit toujours par l'empêcher de trouver une position confortable pour se rendormir ?
Et pourquoi en plus le voleur ne veut pas le laisser pioncer ? Franchement, ça n'a rien de compliqué. Il fait un détour, retourne près de la maison, Chuck se barre et voilà. La caisse est pourrie de toute façon, c'est pas comme s'il avait envie de la rouler. Tout ce que touche son père est pourri, même. Tant pis si le gamin au volant n'est pas capable de comprendre ça.
Sans doute est-il aveuglé par ce que l'on appelle avec pudeur la « valeur marchande ».
(Et oui, Chuck te prend pour un con Sil. Parce que franchement, pour voler une voiture sans remarquer qu'il y a quelqu'un à l'arrière, faut pas être une flèche quand même.)
Il ne répond pas, il ignore la question parce que franchement, lui ça ne lui apporte rien du tout.
« Je peux pas dormir si tu fermes pas ta gueule. » : précise Chuck avec humeur.
Non, mais vraiment, il est tombé sur une lumière. Le mec qui n'a pas compris que la solution qu'il propose est vraiment la meilleure. Okay, elle a l'air bizarre, mais avec Chuck tout est toujours un peu bizarre. Ça ne veut pas dire que c'est pas brillant, au contraire.
Finalement, il rouvre les yeux, parce que le petit voleur commence à beaucoup le saouler. Il balaye sa main tendue d'un geste rapide du bras, lâchant d'un ton acide : « T'es malade ? C'est mon tel. Jamais t'y touches, mec. » Il y a une lueur dans le regard de Chuck. « J'vais appeler personne, j't'ai dit, j'attnds juste que tu me ramènes chez moi. T'as quand même pas cru que j'allais rentrer à pied ? »
On touche pas à son téléphone, c'est presque aussi précieux pour lui que sa tablette. Et ça peut le rendre très agressif. Sil ferait mieux de faire gaffe, car franchement, Chuck s'en fiche d'avoir un accident à ce stade. S'il est blessé, il est sûr que ça lui donnera de l'inspiration.

T’y crois pas. Franchement, t’y crois pas. Bordel de merde, mais qu’est ce qui va pas chez ce gosse ? Qui réagirait comment ça ? Nan mais sérieux, QUI ? Tu commences à sérieusement se poser des questions. Sur cette putain de situation. Puis sur la santé mentale du gamin sur le siège arrière aussi. T’es tellement paumé que tu finis par t’arrêter sur le bas coté. Tu remets ta capuche, comme si ça pouvait réellement dissimuler quoi que ce soit, avant d’te retourner pour l’regarder. Pour la première fois, tes yeux se plongent dans son regard. « T’es attardé ou quoi ? »Il a pas l’air con pourtant. Ca serait même plutôt le contraire. Y’a cette lueur d’intelligence dans son regard. Une lueur menaçante qui te donne un instant franchement envie d’le foutre dehors pour qu’il rentre en effet à pied. T’as du mal à croire que ça pourrait être la réaction normal de … quiconque à vrai dire. « J’pique ta voiture et ta seule préoccupation c’est d’savoir si tu peux dormir ou si tu vas rentrer à pied ?! T’es putain d’bizarre dude » Tu l’regardes un instant, remarquant son téléphone qui déforme sa poche. « Comment j’sais qu’au va appeler personne hein ? » Tu tends de nouveau ta main pour qu’il te file son téléphone. T’aimes pas sa façon d’être et sa suffisance. T’as l’impression qu’il se fout ouvertement de ta gueule et ça t’plait franchement pas. « Vas y. Fait pas ta reine et file le moi » Et comme pour appuyer tes propos, tu sors un canif de ta poche, l’ouvrant devant lui. Tu l’utiliseras jamais, mais t’espère que ça le dissuadera de faire des conneries. Et puis, il le sait pas ça. Que tu comptes pas l’utiliser.