(sil) les fracas

Y’a son regard posé sur toi. Son regard si bleu. Son regard si vide. Les images dansent tandis qu’un filet noir vient recouvrir son corps. Et brutalement, ses cheveux bruns deviennent blonds. Aussi blonds que ceux de la vieille photo que tu garde planqué sous une pile de fringues dans ta chambre. Le décor change. Il change pour t’amener dans cette maison où t’as jamais vécu. Celle de ton père et d’sa nouvelle famille. La fille te regarde. Et puis tu deviens elle. T’observes cette vie qui devrait être la tienne avant de tout détruire. Comme une furie sauvage. Y’a du sang qui vient recouvrir les meubles trop propres. Qui viennent salir ce tableau de perfection. Toi, tu t’agites. Tu t’agites pour échapper au sang sans comprendre qu’il vient de toi. Que c’est toi qui salie tout. De façon indélébile.

Tu remues dans ton sommeil, cherchant à t’arracher de ces images. Gémissement. T’entends vaguement une voix qui t’arrache doucement de ton sommeil troublé. T’as pas envie d’ouvrir les yeux. Ils sont trop lourds. Comme s’ils restaient hermétiquement fermés. Ouais, t’as pas envie d’retourner à la réalité. Mais t’as pas non plus envie de continuer à rêver. Tu veux juste rester là. Dans ce demi-sommeil noir et silencieux. Rester dans cet entre-deux étrangement rassurant. Tu sais même pas où t’es. Tu reconnais ni le bruit autour de toi ni la texture des draps. Y’a une voix qui s’élève. Pas de celles que tu reconnais comme ça. Grognement. T’aimes pas tellement les mots. Tu t’contentes de souffler « Va t’faire » sans mme savoir à qui tu t’adresses, te retournant juste pour foutre la tête dans l’oreiller. Nuit agitée. Ca t’revient doucement en mémoire. Le sinners. Une des filles était malade. Tout le monde était sur les nerfs. Pourtant, y’avait pas grand monde. Alors t’as enchainé quelques bières. Et c’était que l’début. Trop d’alcool dans l’sang. Comme trop souvent ces derniers temps. Tu peux encore sentir ton cerveau baignant toujours dans un reste d’alcool dégueulasse. Tu sais même plus vraiment ce qui s’est passé après l’sinners. Tout ce que tu sais, c’est que t’es pas chez toi. Et que tu t’es surement fait un gars. Tu finies par bouger vaguement pour ouvrir les yeux et observer la gueule du mec que tu t’es tapé. Grognement. « Raah… encore toi… ». Tu devrais arrêter de chercher la merde et retourner dans des draps que t’as déjà visité. Tu r’fous la tête dans l’oreiller. Pas envie. T’sais même pas ce que tu fous là. D’habitude, t’as au moins l’intelligence de t’casser après avoir baisé. Pourtant, ce matin, t’es là, l’corps nu dans ses draps trop cher. Tu devrais piquer un truc tient. Ca payerait pour toutes les bières d’hier.

T’hausses vaguement les sourcils à sa réponse. Faut croire ouais. Faut dire, t’as pas vraiment besoin d’attendre d’avoir trop bu pour avoir envie de t’envoyer en l’air. « J’ai toujours envie dm’envoyer en l’air » T’es rien d’autre qu’un gamin qui a encore trop d’hormones qui le dévorent. T’as pas vraiment changé depuis l’adolescence. Tu planques ce besoin d’humain derrière une envie constante de sexe. Parce que t’as trop peur d’autre chose. Sale gamin. Tu grognes vaguement en repoussant ses médocs. T’es plus fort que ça toi. Si tu prenais des trucs dès que tu t’retournais le cerveau, t’aurais franchement pas fini.

Tu fronces les sourcils à ses mots. Quoi ? « La belle au bois dormant, elle t’emmerde » Il s’fout d’toi le con. La belle au bois dormant. Sérieux. C’est pas toi la princesse ici. C’est pas toi qui dort dans des putains de draps en … tu sais même pas quoi. Un truc de bourge clairement. Toi, tu dors dans un maison que tu partages avec 7 abrutis. Ca fait pas tellement princesse. Puis globalement, tu l’emmerdes. En plus, qu’est ce que tu dirais dans ton sommeil de toute façon ? T’as rien à dire. Ni endormi. Ni éveillé. Surtout pas à lui. Mais globalement à personne. Sauf peut être Nora parfois. Mais déjà pas souvent. Non. T’as rien à dire. « Mais ta gueule, j’ai pas l’sommeil agité là. Fais pas chier » Tu sers un peu les dents. Il t’emmerde. Là, de bon matin. T’as envie d’le frapper pour dire d’la merde comme ça. Tu supportes pas l’idée d’avoir pu laisser échapper des bribes de toi sans le vouloir. Comme s’il pouvait te connaitre un peu mieux rien que comme ça. Y’a rien à connaitre. Rien à comprendre. « Azy, t’es toujours aussi chiant au réveil là ?! » Tu pousses les draps et tu te relèves. Vite. Trop vite. Ca tourne autour de toi et tu manques franchement de dégueuler sur ses draps trop propres. Encore bourré d’la veille. C’est beau. Putain de décadence. Tu restes assis là, tentant de remettre le monde droit. « Putain … » Tu passes les mains sur ton visage, cherchant maladroitement à chasser l’ivresse. Il est trop tôt. T’aurais du dormir jusqu’au milieu de l’après midi. Au moins. A l’intérieur, ça brule de colère. Et de questions aussi. Qu’est ce que t’aurais dis hein ? Si t’avais parlé ? T’aurais parlé de Maya ? De Théo ? De Bobby ? De qui putain ? De tes parents ? Tu sais même pas de quoi t’aurais parlé. Parce que t’as envie de parler de rien de tout ça. Que des putains de trucs agaçants qui foutent tes pensées en l’air. Tu les détestes tous. D’être aussi cons. D’être aussi là. Même lorsqu’ils sont plus là depuis longtemps. « Qu’est c’que j’ai dis ?! » Tu t’fais agressif. Là. Sans même le regarder. Tu restes le regard rivé sur la fenêtre d’en face, lui dos à toi. T’as pas envie d’le voir. Lui et sa quelconque fierté d’avoir pu t’arracher quelques vérités.