lonely. (sila)

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et puis soudain, le vide. un jour elle s’maintient et le lendemain, plus rien. elle a appris la nouvelle, un peu plus tôt. il aura suffit de pas grand chose, un texto balancé après un verre de trop. des mots lancés presque sur le ton de la rigolade, sans vraiment le prendre au sérieux. elle aurait bien voulu prendre ça sur le ton de la plaisanterie, nora. mais y a le souvenir effacé de la gamine déjà turbulente à l’époque qui revient, comme une affiche placardée sur l’âme, des oeillères sur tout le reste jusqu’à n’y voir plus que ça. une amie autrefois. et qu’est-ce qu’il en reste, maintenant ? maya et ses cheveux hirsutes, à s’battre contre le monde. maya et sa douceur planquée derrière le visage dur. y a plus de maya. plus depuis longtemps déjà, quand elle est sortie de leur vie, quand elle l’a mise derrière elle avec tant de facilité. se séparer des gens à la moindre bêtise pour pas avoir à faire face au plus dur. pas savoir remercier. pas savoir pardonner. juste savoir accuser, encore et toujours. c’est ça nora. la rancoeur et la douleur. ça devrait pas lui faire grand chose de savoir que y aura plus jamais de maya. la gamine overdosée. ça devrait rien lui faire à nora, c’est elle qui a choisi de la mettre derrière elle. d’se séparer d’une amie parce que les chemins sont différents. trop différents. régler les comptes et fermer les portes. sans jamais se dire au revoir. ça devrait rien lui faire à nora, pourtant le coup est plus violent que ce qu’elle espérait. elle comprend même pas pourquoi, mais ça la secoue, là-dedans. un peu trop. la gamine qui déteste toujours un peu trop qu’on s’en aille. elle met du temps à rentrer, nora. elle traîne. marche à reculons. elle veut pas vraiment lui faire face, lui et son état éméché, pas tout de suite. c’est trop tôt. et elle se dit que si elle le voit, le coup risque d’être violent. ça va la frapper en pleine gueule, tout d’un coup. ça va prendre un air bien trop réel et nora elle aime pas ça, perdre les gens. elle a jamais perdu quelqu’un d’cette façon là. la drogue. l’cercueil. est-ce que ça a fait mal ? est-ce qu’elle était seule ? ça remue, dans la tête de nora, et y a désormais plus qu’une personne qu’elle a envie de voir, tout autant qu’elle aimerait l’éviter. ne pas y faire face, jamais. et surtout pas voir le regard sur son visage, celui qui la ramènerait bien trop vite à la réalité. tu dors ? y a la voix de la gamine qui sait pas comment s’y prendre qui s’élève dans le noir de la chambre. elle voit pas, elle sait pas. si, elle sait. elle est pas capable de le distinguer, dans le noir mais elle sait, il dort pas. il répond juste pas. elle s’en fiche nora, ça l’arrête pas. y a son soupire qui se meurt dans le noir, angoissé, perdu. et ses baskets qu’elle laisse tomber quelque part quand elle soulève la couette pour se glisser à ses côtés. elle reste un instant sans trop savoir quoi faire, parce que c’est jamais elle qui réconforte sil, elle sait pas comment faire. elle cherche un peu dans la pénombre, nora, et puis elle abandonne. elle se colle contre son dos et y a ses bras fébriles qui se referment autour de son meilleur ami, quand elle y laisse mourir son souffle à la naissance de sa nuque. comment t’as su ? c’est presque timide, dans l’ombre. murmure soufflé si bas comme par crainte de l’entendre. mais c’est tout ce qu’elle demandera, nora. rien d’autre. pas d’excuses, pas de condoléances. il est pas désolé sil, il est pas triste. il est en colère, cette même colère qui résonne dans le noir, appuie contre la poitrine de nora, l’écho cruel et maladroit. symphonie des âmes esseulées.

T’es dans cet espèce de demi-coma. Tu sais même pas comment t’es arrivé là. Y’a plus rien dans ta tête que la douleur. Ya plus rien dans ton corps que la douleur. Tes phalanges sont en sang. Aussi rouge que la colère qui brule. La douleur, tu savais pas la ressentir. Là. Avec le coeur. Alors t’as cherché à la matérialiser. En frappant des gars qui passaient par là. En frappant des murs qui étaient juste là. En frappant cette réalité trop dégueulasse qui met les gens à terre. Sous terre. Bordel. Tu pensais pas que ça te toucherait autant. Toutes ces conneries. Son petit corps sans vie. Là bas, dans ce frigo trop froid. T’imagines son visage pale et ça t’donne envie d’dégueuler. Alors tu t’mords la joue. Fort. Tu t’mords jusqu’à sentir le gout du fer. Jusqu’à faire passer l’acide. Jusqu’à oublier. Oublier qu’tu l’as oublié. Qu’un jour, elle est passée dans cette liste de gens du passé. Mais l’passé, il revient frapper. Frapper fort. Le passé, il vient t’assommer à coup de regret et d’amertume. Et si … ? Et si t’avais été là hein ? Pour elle. Pour la faire rire. Comme avant. Bordel, qu’est-ce que tu l’aimais son rire. Tu peux encore l’entendre. Au fond de ta mémoire. Il pourra plus résonner que là maintenant. Y’aura plus personne pour l’entendre. Y’aura plus personne. Rien que l’noir du fond d’une boite. Et l’pire, c’est que y’a personne pour pas l’oublier. Pas d’famille pour pleurer. Rien que toi et quelques autres idiots. Rien de bien fameux. Tu fermes les yeux. Pourquoi elle a fait ça ? Pourquoi elles ont fait ça ? Hein ? Elle t’aimait pas assez pour rester ? C’est ça ? C’était mieux d’se défoncer plutôt que de d’avancer ? A croire qu’tu valais déjà pas l’coup. Tes pensées dérivent dangereusement. Faut dire, ton sang s’est probablement transformé en alcool à l’heure qui l’est. Alors tes pensées sont comme un putain de bateau à la dérive. Et l’bateau s’égare vers cette autre mort. Vers ces souvenirs qu’arrachent le coeur. Et devant tes yeux clos, y’a les mots qui dansent. Ces mots écrits froidement dans ton dossier. Overdose. Vers les putains d’analyse de l’assistante sociale. L’alcool te fait tout mélanger. Et c’est plus la mort de maya qui t’détruit l’coeur. C’est la sienne. Son abandon. Alors quoi ? C’est mieux d’crever plutôt que d’être avec toi ?

La porte s’ouvre, explosant ton univers. Tu ravales cette boule au creux d’la gorge et tu fermes fort les yeux. T’as pas envie. T’as pas la force. T’es trop mal pour qu’elle soit là. T’as trop peur de craquer. De t’laisser aller. Et tu peux pas. Pas devant elle. Jamais. Alors tu l’ignores. Tu restes silencieux. T’espères simplement qu’elle y croira. A ton sommeil. T’espères qu’elle cherchera pas. Elle partira juste entre ses draps. Mais Nora, elle sait pas bien faire ça. Et c’est dans tes draps à toi qu’elle va. Frisson. T’as peur de parler. Peur que la boule soit impossible à contrôler. Tu t’recroquevilles un peu, passant sa main sur la sienne sans un mot. T’as l’impression qu’ya plus qu’elle. Que c’est la seule qui partira pas. Parce qu’elle est comme toi, Nora. Elle a peur des gens qui partent Nora. Comme toi. Elles sont longues, les minutes qui s’écoulent. Ou peut être que c’est juste l’alcool. Toi, t’as l’impression que des années sont passées avant que tu parviennes à contrôler la petite boule. Avant que t’arrives à ouvrir la bouche. « … C’est vraiment une pute … » Tu r’trouves tes mots de d’habitude. Mais cette fois, ça sonne si faux.

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y a l’écho du coeur brisé de son jumeau qui déchire le sien. elle supporte pas, nora. ça réveille en elle les instincts les plus fous, les plus dangereux. elle voudrait pouvoir faire bouclier, prendre toute la peine sur elle, rien que pour l’apaiser un peu. une nuit, encore. nuit d’innocence, nuit de fortune, avant que le pire ne lui tombe dessus. elle voudrait remonter le temps, revenir en arrière. le prévenir, qu’il en profite. tout faire pour amortir la chute, parce que c’est toujours la plus douloureuse de toutes. elle déteste le voir comme ça, nora. y a quelque chose qui se brise à l’intérieur, de pas le voir comme le sil fier et fort qu’elle connait. il est comme elle, la face plus drôle, plus réussie d’une même pièce. sil, il a la même fierté qui lui tord les tripes, il se bat tout autant qu’elle pour s’en sortir. alors que ça l’atteigne autant, forcément que ça atteint nora comme le ricochet d’un caillou jeté dans l’étang. bouteille à la mer, sos. il n’y a personne pour les sauver. personne sauf eux, ils l’ont compris à la manière dure, au fil des années. une grosse pute même. elle hoche la tête, le visage toujours logé au creux de sa nuque. c’est tout ce qu’elle peut faire, sur le moment, et ça la tue à petit feu de ne pas pouvoir faire plus. de se sentir aussi impuissante. parce que nora, elle est jamais celle qui ne fait rien. jamais celle qui reste en retrait, toujours celle qui s’en va au devant du combat. elle pense bien à autre chose, là, qui pourrait lui remonter le moral. un tout petit peu. un truc un peu magique, divin, presque. elle glisse sa main dans la poche de son vieux sweatshirt rien qu’une seconde, en tire un paquet tout écrasé. ça lui décroche presque une mine triste. pépito ? elle souffle doucement, comme pour ne pas réveiller l’obscurité. elle croque dans l’un des gâteaux, pas trop émietté, et déjà, elle sait qu’elle se sent mieux nora. les pépitos, rien de mieux pour réconforter, quand rien d’autre ne fait l’affaire. et malgré tout, elle fossé sans fond qui les sépare. c’est nous deux contre le monde, pas vrai ? et elle s’enroule un peu plus de lui façon koala, comme pour s’en persuader. comme pour tenter de lui faire oublier. elle sait bien que ça suffit pas, nora. que ça suffira jamais. que ça comblera jamais la perte des autres, l’éloignement, l’absence. le manque. pour elle, ça suffit. et elle espère vraiment pouvoir réussir à suffire un jour aussi, nora. être assez. toi et moi. ça changera jamais. y a sa main qui se referme un peu plus autour de la sienne. comme si la ténacité de ses gestes les rendraient les paroles véridiques. mais c’est comme ça, nora, elle y croit. elle veut y croire, parce qu’elle a pas le choix. tu vas me laisser tomber toi ? elle demande, juste comme ça. pour le forcer à sortir de son état végétatif. pour qu’il s’énerve. qu’il se rebelle. qu’il crie et jette des trucs contre les murs. pour qu’il lui dise avec certitude, que jamais il s’en ira. jamais comme maya. jamais sans prévenir. parce que nora, elle survivra à tout, mais jamais à ça.

Tu fermes les yeux. Parce que tu sais pas quoi faire d’autre. Parce qu’à cet instant précis, t’es rien d’autre qu’un gamin complètement paumé. T’as trop peur de réagir. C’est presque ironique tient. Toi qu’à peur de réagir. Alors tu dis rien. Tu fais rien. Tu restes juste là, dans cette bulle que tu t’es forgé. T’essayes presque d’effacer sa voix. Pour pas que ça empire. Mais tu l’entends quand même. Tu l’entends te proposer un pepito. Et c’est affreux, parce que t’as même pas la force de sourire. Tu dis rien. Mais tu l’écoutes malgré toi. Et Nora, elle t’retourne l’estomac. Avec sa voix qui vibre doucement. T’entends sa douleur aussi. T’entends sa solitude. Dans ses mots maladroits. Et ça t’fait encore plus mal de l’entendre comme ça. Nora si forte. Tellement plus forte que toi. Ca a toujours été comme ça. Tu faisais l’grand, mais ça a toujours été elle qui vous tenait debout. Elle qui rattrapait tes erreurs et en assumait souvent les conséquences. Alors comment tu f’ras hein ? Si même elle, elle s’effondre. Alors tu finis par t’retourner et r’garder son visage éclairé par un rayon de lune. Nous deux contre le monde. Ses mots résonnent à l’intérieur. Parce que finalement, ça a toujours été ça. Vous deux contre le monde. T’as la gorge encore trop serré. Mais t’arrives quand même à laisser échapper quelques syllabes. Assez pour la rassurer. Assez pour te rassurer « jamais… » Tes doigts viennent glisser doucement dans ses cheveux. Comme une caresse tendre bourré d’un amour qui vous va si mal. Mais t’en as étrangement besoin. De son amour. Pour pas se sentir si seul. Ou au moins pour vous sentir seul à deux. Deux égarés voguant sur la même mer. Affrontant les mêmes dangers. Ne survivant que par la présence de l’autre. Parce que c’est un peu ça finalement. Tu la regardes, te retenant de souffler que si elle se cassait, tu parcourrais le monde pour la retrouver et la buter. Tu pourrais même la ramener du pays des morts pour l’y renvoyer toi même.

« suis fatigué » Fatigué mentalement. Fatigué de tout ça. De tout ce monde qui tourne pas rond. Ce monde qui prends les belles âmes pour les écraser. Pour les casser à jamais. Tu fermes les yeux, posant ton front contre le siens en ravalant la douleur. Et tu l’attires un peu plus contre toi. Tu devrais être fort pour elle. Rien que pour qu’elle parte pas elle aussi. « …file moi tes pepitos » T’espères tellement qu’elle va grogner. Juste pour te raccrocher à la réalité. Celle que tu connais. Celle que t’aimes. Pas la réalité dégueulasse qui t’démonte la gueule. Non. Tu veux juste ta Nora. Ses grognements nonchalants qui t’ont accompagné toute ta vie. Ca serait comme si le reste existait pas. Ouais. Juste toi et moi.

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y a le pépito qui croque dans sa bouche. le saint-graal qui devrait pourtant la réconforter, comme il le fait toujours. même ça, ne fonctionne pas. y a que le goût sucré du gâteau qui retombe à peine posé sur le palet et la culpabilité de ne pas pouvoir faire plus. elle aimerait, nora. parce que cette vision réveille les flammes de l’enfer dans son ventre et elle aimerait pouvoir faire plus, nora. tellement plus. tellement plus que ça, en tout cas, allongée à ses côtés sans n’être capable de quoi que ce soit d’autre à part être là. comme si ça pouvait suffir, juste ça. elle sait bien nora, que ça ne suffit jamais. que ça ne comble ni les peines et que ça n’essuie pas les larmes. mais elle a que la force de ses mains vides à offrir et pas de quoi les remplir. alors elle compte sur lui nora, pour la rejoindre à mi-chemin. à deux, ils s’en sortiront. dis-moi c’que j’dois faire. qu’elle souffle, et le souffle se meurt sur son visage, parce qu’elle est perdue nora. elle peut pas le retenir de tomber bien longtemps nora, pas sans savoir où elle va. elle peut pas le garder près d’elle non plus, s’il ne la guide pas. parce que y a toujours eu la même lumière au fond de son tunnel et qu’aujourd’hui, la lumière s’est éteinte. les rôles s’inversent et nora, elle sait même pas si elle a les épaules de les porter tous les deux. mais elle s’pose pas la question, nora, parce que y a les épaules qui s’relèvent dès qu’il se sent plus en état de l’épauler et nora, elle sait très bien qu’elle fera le boulot pour deux s’il faut, qu’elle laissera jamais tomber. jamais jamais. alors elle se soucie pas, de cette douceur inhabituelle, de ses doigts qui glissent maladroitement dans ses cheveux, par manque d’habitude probablement. parce que même si c’est pas eux, même si ça leur ressemble pas, y a comme une impression de fond que tout se remet à sa place. comme la certitude qui reviendrait à nouveau, que nora appartient avec sil. qu’ils trouvent leur chez eux l’un avec l’autre, peu importe où ils se trouvent. c’est ensemble qu’ils sont liés et c’est ensemble qu’ils survivront à tout. c’est pas encore l’heure de dormir. y a le ton trop doux pour être habituel, soufflé dans le faible éclairage de la lune, le baiser enfantin qui s’échoue sur le bout de son nez, pour voir naître un le début d’un sourire. pour qu’ils soient eux, rien qu’une seule fois, rien que ce soir, eux sans peine ni colère. les gamins perdus qui se sont trouvés. et qui ne sont plus jamais lâchés. rêve. elle récupère le paquet nora, presque à la vitesse de l’éclair. elle récupère et elle se retourne pour lui tourner le dos, comme une enfant capricieuse qui voudrait pouvoir garder son goûter préféré pour elle toute seule. c’était une offre limitée. et nora, dieu sait qu’elle rigole pas avec ses pépitos. elle croque dans un autre gâteau, comme pour le narguer. si sil était pas aussi mal, probablement que c’est lui qu’elle aurait mangé.

Tes doigts glissent sur sa peau d’une douceur troublante. Et tu observes ses traits. Ses jolis traits éclairés par la lune. Elle est belle Nora. Toi, tu l’oublies parfois. Tu oublies qu’elle n’est pas cette héroïne intouchable que tu as toujours imaginé. Tu te souviens trop bien des comics que vous dévoriez à la lumière d’une torche, cachés sous les couvertures de cet orphelinat un peu glauque. Tu te souviens de ces personnages qui semblaient survivre à tout. Peu importe les dangers. Peu importe les douleurs. Et aujourd’hui, trop souvent, tu te perds dans cette image irréelle. Et c’est étrange. De voir, le temps d’un éclair, qu’elle n’est pas si invincible. Qu’elle souffre peut-être aussi de cette douleur qui te brule à l’intérieur. Ce soir, Nora, elle a l’air plus réelle. Plus jeune. Plus fragile aussi. Comme si elle avait réussi, le temps d’un instant, à retirer ce masque qu’elle porte sans arrêt. Comme si elle redevenait l’humaine derrière l’héroïne. Tu sais pas vraiment si c’est une bonne chose ou non. C’est effrayant surtout. D’être face à la réalité. Surtout quand elle te demande de lui dire quoi faire. Comme si tu savais ce qu’il faut faire. C’est pas toi qui sait. Ca l’a jamais été. Faut pas s’voiler la face. Les plans intelligents, c’est toujours Nora qui les a eu. Ok, si on pouvait t’donner quelque chose, c’est l’award des plans les plus loufoques. Et ça marchait même parfois. Mais pas souvent. Non. T’’as jamais été du genre à savoir quoi faire. Alors tu réponds rien. Tu fais comme si l’ignorer pouvait effacer la question. Effacer ses doutes.

Tu sais pas vraiment si ses mots sont littérales. Faut dire, t’es pas tellement en état d’y réfléchir. C’est pas l’heure de dormir. Pourtant, tout est si calme autour de vous. Les autres doivent dormir dans leurs chambres. Tu les envies un peu. Et puis Maya. Maya, elle s’est endormie aussi. Pour toujours. Elle s’est endormie pour ne jamais se réveiller. Et ça, c’est vrai, c’est pas encore l’heure. Y’a encore trop de batailles à livrer. Des belles. Des bêtes. Surtout des bêtes. Comme celle pour des pépitos. Mais cette bataille là, elle arrive à t’arracher un sourire. Alors tu viens pincer doucement sa hanche, venant la chatouiller vaguement. Comme si ça pouvait effacer la douleur. Et ça l’efface un instant. Juste quand tu l’entends mi-grogner, mi-rigoler. De ce rire contenu qui vient du coeur sans en avoir la mélodie. Pas de joie dans ce rire, mais un espoir momentané. Une beauté trop souvent cachée. Mais trop vite mis de coté. Tu t’agites un peu trop et ton corps met un stop. « woh…j’vais dégueuler » Tu t’remets sur le dos, fermant les yeux en t’mordant l’intérieur de la bouche. Pour faire passer l’envie. Drôle de technique qui a toujours plus ou moins fonctionné. Et le silence retombe. Lourd silence qui vous rattrape salement. Quelques minutes s’écoulent avant que tu puisses de nouveau tourner la tête vers elle. Pas d’excuse. Tu t’contentes de demander « Tu dors avec moi …? » tout simplement. Si simplement. Tu l’attires de nouveau à toi sans attendre sa réponse. « De toute façon … t’as pas l’choix… » Comme si Nora avait pas l’choix de quelque chose.

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ça ne suffit pas. elle aimerait, nora. que ça suffise. que les maigres rires réussissent à alléger l’atmosphère. que les sourires cachent la misère. elle aimerait vraiment que ça suffise nora, mais elle sait bien que ce ne sera jamais assez. ni pour sil, ni même pour elle. que les blagues ne combleront jamais la peine et qu’elle sera là, toujours là quelque part entre eux, maya. bientôt un souvenir, aussi lointain qu’auparavant. un peu plus douloureux. un peu plus présent. effacé sans l’être pour autant. un jour ils passeront au-dessus oui, mais peut-être pas ce soir. peut-être demain. ils n’en savent rien. ça lui paraît pas réel, à nora. comment ça le pourrait ? maya était là et tout d’un coup, elle l’était plus. partie. envolée. juste comme ça, en un claquement de doigts. la présence constante qu’on pouvait choisir de mettre derrière soi, pas celle qu’on leur arrache quand ils s’y attendent le moins. mais ils n’ont plus le choix, à présent. seulement celui de faire face à leur peine. avec ou sans regrets. le coeur lourd, comme toujours. c’est lui, le boulet qui les traine toujours au sol, qui les empêche de voler. même là, dans le noir de la chambre, quand le rire faible s’échappe sous les chatouilles et les réprimandes joueuses. même là, quand ils ont l’air innocents, peut-être pour la première fois depuis des siècles, l’âme noire ravagée par la réalité trop dure. même là, quand ils n’ont que ce moment pour être des enfants, la peine reste, le deuil s’élève, et il ne reste plus que ça finalement. tâche noir sur une nouvelle nuit d’infortune. elle en oublie presque, nora. elle en oublie presque, que le palpitant se serre malgré elle, que les regrets la rongent. elle oublie, toutes les choses qu’elle aurait aimé dire, qu’elle n’a jamais dite. toutes les choses qu’elle aurait dû faire, dont elle n’a jamais rien fait. elle oublie, et ça ne dure qu’une milliseconde, oui. instant éphémère, déjà envolé. déjà, la réalité les rattrape. le corps de sil qui stoppe leur inconscience avant qu’ils ne le fassent. figé par la crainte d’un corps qui pourrait le lâcher plus tôt que prévu. elle se fige à son tour, nora, les yeux écarquillés à la recherche des traits de son visage dans l’obscurité. comme en apnée, de craindre ce qui pourrait arriver, avant qu’elle n’ait le temps de prendre la fuite. ah putain dégueu. j’dois y aller. et puis l’air naturel qui revient au galop, les traits dégoûtés qui s’installent sur le visage fatigué, la malice de l’abandonner seul à son sort vomiteux, pour ce soir. si seulement il la laissait faire. mais non, il brave le danger à nouveau, l’inconscient, se mouve encore jusqu’à elle, pour la rattraper, l’enfermer au creux de ses bras faiblards du soir. et la voilà, emprisonnée. comme si ça la dérangeait véritablement. si tu me vomis dessus t’as pas fini de le regretter myers. elle se donne l’air dur, nora. menaçant. comme si elle pouvait refuser. nora dit toujours non, mais jamais à sil. sa putain de faiblesse, qui brille comme un halo et règne sur le coeur noir. elle se résigne, nora, glisse dans la couverture un peu plus, non sans tourner presque avec malice le visage de son frère loin d’elle - très loin d’elle. ce soir elle fera l’impasse, comme elle la fait toujours, sans plus s’inquiéter du reste. demain est un autre jour.

» guns for hands. (nsfw w/ sila)