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 such words / cece

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MessageSujet: such words / cece   such words / cece EmptyMer 3 Jan - 14:04

encore une journée à jouer le larbin, à nettoyer les merdes des autres tout en s'improvisant chien obéissant. encore une journée à tenter de se contrôler pour ne pas se faire virer. encore une journée à essayer de ne pas penser à nora, toujours à nora. tous les jours se ressemblent. et ismael, il en vient à regretter d'être arrivé à crescent heights et d'avoir quitté cette vie de bohème crée de ses mains. tout ce chemin, toutes ces aventures, des plus dangereuses aux plus douces, c'était pour nora. c'était pour la retrouver - parfois pour lui faire payer son abandon, d'autres fois pour juste être de nouveau aux côtés de sa sœur. il ne sait pas ce qu'il attendait en arrivant quelques semaines plus tôt, une clope au bec et un sac sur les épaules. il ne sait pas ce qu'il espérait en débarquant de nulle part, la violence dans les mots autant que dans les gestes. il voudrait repartir, reprendre la route mais la vérité est qu'il en est incapable. il n'en a pas terminé avec nora. pas maintenant. pas tout de suite. pas après ces longues années à la chercher, à la détester du plus profond de son être. alors il continuera à suivre cette routine qui lui donne envie de vomir. pour elle. ça a été toujours été pour elle - ou à cause d'elle. encore une journée qui se termine sous la nuit noire. et ismael, il traîne des pieds. il traîne des pieds le matin, encore plus le soir. parce que lorsqu'il rentre chez lui, ismael, il est seul et ça, ça, c'est pire que tout ce qu'il peut subir le jour levé. il traîne des pieds pour reculer ce moment, ce fameux moment où il se retrouvera isolé - à l'image de ce petit garçon, puis de cet adolescent que l'on n'a cessé d'abandonner. arrivé devant son immeuble, sur le parking à peine éclairé, toujours cette cigarette. toujours ce bâton qu'il consume avec une lenteur atroce. toujours pour reculer l'instant où il fermera sa porte, se laissera envahir par ce sentiment d'isolement, de rejet.
ses pas dans les escaliers se font lourds, aussi lents que tout le reste du chemin. il ne se fatigue pas à allumer la lumière dans la cage d'escalier, ni dans le couloir qui s'étend à la sortie. il connaît le chemin par cœur, a déjà compté toutes les marches à force de les descendre puis de les remonter plusieurs fois de suite dans la même minute. près de sa porte, il la sent. il la sent cette présence inhabituelle, celle qui vient casser cette atmosphère de contrôle. ismael fronce les sourcils tandis que son corps entier se raidit. ses doigts viennent trouver le premier interrupteur sur leur chemin pour illuminer ce couloir miteux. il regarde l'intruse, assise, avec des yeux plein d'incompréhension - incompréhension qui se transforme en une douce exaspération qui en deviendrait presque ordinaire aux côtés de cece. il s'avance, passe près d'elle sans la regarder davantage. – qu'est-ce que tu fous ici, cece ? qu'il demande, le ton plus dur qu'il ne l'aurait voulu, accentué par une fatigue qui se voit autant qu'elle se fait entendre. et en même temps qu'il parle, ses doigts enfoncent la clé dans la serrure, la tournent jusqu'à entendre un clic. ses yeux font finalement le voyage de la porte à son interlocutrice et, même si ça ne s'aperçoit qu'une demi-seconde, s'adoucissent. j'vais pas t'laisser crever de froid dans ce foutu couloir, il commence en ouvrant la porte de son studio, entre. ismael l'invite - à la fois rassuré de ne pas se retrouver seul et presque malade de ressentir ce foutu démon au fond de ses entrailles. c'est l'effet qu'elle lui fait, cece.
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MessageSujet: Re: such words / cece   such words / cece EmptyDim 7 Jan - 7:57

Ça fait mal. Foutrement mal.
Cece, elle a la sensation de se disloquer de l'intérieur, elle sent tous ses organes hurler à la mort et cogner fort contre les parois au rythme de son coeur qui bat la chamade comme un dératé. Elle a le souffle coupé la gamine, la main invisible de l'abandon refermée fermement contre sa nuque alors qu'elle suffoque dans les sanglots morts-nés de sa gorge. Elle ne veut pas pleurer. Elle refuse. Il ne mérite rien d'elle, pas même sa rage, encore moins ses larmes mais putain, ce que ça fait mal. Elle ne comprend pas, Cece, comment sa vie a pu à ce point dérailler en l'espace d'une poignée d'heures. Il est parti, encore. Sa chambre est encore imprégnée de son odeur entêtante, mais le bordel ambulant a massivement disparu. Envolé, Sony. Bien sûr, qu'elle n'y croit pas. Bien sûr, qu'elle tente le raisonnement logique qui le devient de moins en moins. Evidemment, qu'elle se ment. Qu'elle essaye de l'excuser, de le justifier. Mais à mesure que ses phalanges fébriles ne se referment que sur du vide, elle sent la nausée envahir jusqu'à ses poumons et ses opales tremblantes faiblir d'elles-mêmes, assiégées par des torrents de détresse. Elle ouvre les tiroirs, aveuglée par ses larmes, balance tout sur le sol, ravage tout à sa portée à la recherche d'un indice, d'un petit rien pour la rattacher à lui, un truc qui prouverait qu'il n'est pas parti, parce qu'il n'a pas pu s'enfuir sans un mot, sans un au revoir c'est sûr, hein ? Mais y a rien dans sa piaule. Rien d'utile, rien d'essentiel, que des fringues pourraves ou des rares bibelots abandonnés au vent de sa destruction et Cece, elle sent ses jambes se dérober sous son poids plume.
Et elle tremble.
Elle tremble jusqu'à l'os, glacée par ce nouveau coup qu'elle n'a pas vu venir, qu'elle n'a pas su parer. Elle lui a fait confiance, en dépit de ses insultes, en dépit de la méfiance organique de ses copines. Elle a cru en Sony, elle a cru qu'il essayerait de se faire pardonner, à un moment donné, qu'il resterait toujours là, qu'il finirait même par prendre soin d'elle, un peu. Et que ça durerait toujours. Mais Desi s'est barré, Sony l'a suivi, lui prouvant une fois de plus l'infime place qu'était la sienne dans son existence. Une poussière d'étoile, un insecte inoffensif, un encombrant dont on se débarrasse sans scrupules. Elle ignore combien de temps elle reste là, prostrée au sol comme un animal blessé, les poings serrés autour d'un t-shirt échoué qu'elle n'arrive même pas à déchirer. Longtemps, sans doute. Assez pour sentir la douleur de ses muscles engourdis lorsqu'elle tente de se relever. Suffisamment pour se sentir vidée. Vidée de tout. De larmes, de rage, de colère, de tristesse et de haine. Elle se sent vide, Cece, comme si Sony avait crevé sa peau de milliards de petits trous invisibles à l'oeil nu. Trop petits pour être soupçonnés mais suffisants pour produire une fuite létale, pour la laisser s'écouler hors d'elle-même et se répandre au sol. Putain. Elle se sent seule, Cecilia. Seule comme jamais, plus seule encore que cette enfant de douze piges qui voit son frère s'évaporer. Parce qu'il lui avais promis de revenir, et qu'elle l'avait cru. Elle avait attendu, oscillant entre sale espoir et lucidité terrible. Mais elle l'avait attendu, et il était revenu. Cette fois, c'est différent et la douleur est plus lancinante. C'est écarter les chairs jamais cicatrisées et les laisser béantes, immenses comme un putain de trou noir.
Et Cece, elle ne veut pas rester seule.
Pas ce soir, où son coeur a chaviré trop loin dans les limbes. Ses yeux embués de larmes s'agitent, à la recherche de son téléphone et elle réalise qu'elle ne sait pas qui contacter. Pas les filles. Surtout pas les filles, pas ce soir. Elle les aime, Cece, plus que tout ... mais elle craint lire dans leurs yeux ce relent de "je te l'avais bien dit" et elle n'a pas la force de l'assumer ce soir. Pas le courage d'enterrer Sony tout à fait, d'entendre jusqu'aux mots qu'elles ne diront pas mais qu'elles penseront si fort, sa Riley la première. Elle voudrait Nikos, mais son Nikos, l'adolescent qui a si longtemps remplacé Sony comme il l'a pu. Pas l'adulte qui fait la gueule et ne respecte pas ses choix. Et ça la frappe, elle n'a personne à appeler. Et même Desi l'abruti, cavalier de l'apocalypse par qui le malheur frappe à chaque putain de fois aurait valu mieux que ce constat acide.
Personne.

Elle ne sait même pas ce qu'elle fiche ici, Cece, prostrée dans un couloir sombre et encore moins combien de minuteries elle a vu défiler avant d'abandonner et de choisir le noir ténèbres. Elle ne sait pas pourquoi elle l'attend lui qu'elle cherche à fuir lorsqu'elle ne s'époumone pas à l'injurier. Ça n'a pas de sens. Pas de foutu sens et lorsqu'elle le réalise, encore groggy, Cece envisage de se barrer comme un chat sauvage. Sauf qu'il est trop tard pour reculer : la lumière inonde le couloir et elle relève ses prunelles humides sur le visage sombre d'Ismaël, ravi de la voir. Instinctivement, elle se raidit et gomme rageusement les stries de mascara sur ses joues en se relevant. Y a rien qui vient. Rien à lui cracher au visage comme d'habitude, rien pour atténuer les ravages dans son ventre et ce palpitant à vif qui bat toujours trop vite en sa compagnie. Parce qu'il l'agace, bien sûr, c'est pour ça que ça bout dans ses veines, n'est-ce pas ? Ca peut être que ça, parce que Cece, elle ne veut pas d'un garçon, surtout pas de lui. C'est lâche un homme, ça ment, ça domine, ça trompe et puis ça abandonne. Pourtant, aucune saloperie ne trouve le chemin de ses pulpeuses. Fragilisée, vulnérable, Cecilia se contente de l'observer de loin comme un chat sauvage qui aimerait bien trouver un foyer mais n'ose pas ronronner contre les chevilles par crainte de recevoir à nouveau des coups.
Et puis Isma, même si ça doit lui coûter, il lui dit d'entrer, il s'efface derrière la porte et mécaniquement, elle pénètre à l'intérieur, droit dans la gueule du loup dont elle se préserve pourtant si bien. Elle ne pige pas, mais elle est fatiguée d'essayer. Y a rien de cohérent, ce soir, rien de logique, rien qui fonctionne à l'intérieur alors tant pis. Foutue pour foutue, elle le suit et laisse ses yeux délavés par les larmes observer l'intérieur avec une sensation étrange dans le ventre. C'est interdit, ce qu'elle est en train de faire. Elle n'a pas le droit d'hanter les lieux, de les imprimer contre ses rétines et de promener sa silhouette hallucinée partout chez lui. C'est presque contre-nature et elle sent ses entrailles saccagées par le poids de l'abandon se laisser picorer par une délicieuse curiosité, à l'idée de le coloniser un peu ... "Merci." qu'elle marmonne du bout des lèvres, comme si ça lui coûtait. Et c'est vrai. C'est tellement vrai qu'elle se reprend tout de suite, Cece, dans un mécanisme de défense aiguisé par une nouvelle trahison. "Je savais pas où aller mais t'étais pas mon premier choix." Elle s'approche d'Ismaël de sa démarche éthérée, bien moins brusque qu'à l'accoutumée. Parce qu'elle est éteinte, Cece. "Ni le deuxième." T'entends Isma ? T'es rien. T'es rien du tout ! C'est ce qu'elle a envie de hurler jusqu'à s'en convaincre parce qu'elle ne veut surtout pas comprendre ce qui a bien pu conduire ses pas abîmés jusqu'à lui. "Je peux rester cette nuit ?" La môme range soudainement ses canines, lasse et écrasée par le chagrin qui la broie pour se laisser tomber sur le sofa. "J'ai pas envie d'être seule." Elle fuit son regard, Cece qui déteste la faiblesse, qui se mure derrière ses cris et ses insultes. Cece qui veut toujours être forte et n'avoir besoin de personne abandonne toute véhémence derrière la vérité nue.
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MessageSujet: Re: such words / cece   such words / cece EmptyDim 7 Jan - 12:00

quand la lumière s'allume, qu'elle illumine ce couloir qu'il connaît par cœur et que ses yeux se posent sur la silhouette de cece, il sent que ça s'accélère, là, au fin fond de sa poitrine. c'est soudain, inattendu. ça a un mauvais goût de déjà vu. et ismael, il voudrait juste être capable de contrôler les battements de son cœur et les pensées qui l'assaillent, foutent le bordel dans sa boîte crânienne. il voudrait juste que l'incendie dans ses entrailles s'arrête, le laisse respirer alors que cece, elle, semble glacée. pour ça, pour que la machine s'éteigne, il faudrait qu'elle s'en aille. qu'elle trouve quelqu'un d'autre. quelqu'un d'autre que lui. que lui et ses pensées qui ne devraient pas être. parce que cece, à cet instant, elle semble à deux doigts de s'effondrer et qu'il n'a pas le droit de l'imaginer nue, là, dans ses bras. pas maintenant. il ne sait pas pourquoi il lui ouvre sa porte, l'invite à entrer comme si c'était la seule chose à faire. peut-être que c'est à cause de ce foutu nœud dans l'estomac, celui qui se tord davantage à la vue de son visage déchiré. cece, la rose aux épines acérées, pleure sur son pallier et ça lui bousille le cœur. il l'a vu énervée, exaspérée, irritée, charmeuse et joyeuse aussi, mais triste, triste, c'est une première, un inédit dont il aurait pu se passer. elle est trop belle pour pleurer. trop douce pour se briser. pourtant, cecilia cartwright, elle est autant humaine qu'une autre. autant enclin à souffrir que lui ou tous ces autres êtres qui peuplent le monde. non, elle n'est pas une exception - même si ismael souhaiterait qu'elle le soit, juste pour qu'elle ne se casse pas à cause d'un(e) autre, qu'elle ne se détruise pas non plus sous ses mots à lui, sous ses injures et autres conneries qu'il lui balance à la volée, incapable de se contrôler.
la porte refermée, c'est à peine s'il arrive à respirer. il a essayé, ismael. il a essayé de la ramener ici, de l'inviter à se donner comme il ne prendrait pas deux secondes à se donner à elle, mais c'était toujours sur le pallier que ça s'arrêtait. – merci. sa voix est à peine audible, marquée par une impression de contrainte. ça pourrait presque lui arracher un sourire à ismael. ça pourrait si la situation n'était pas aussi perturbante et déstabilisante. je savais pas où aller mais t'étais pas mon premier choix. ni le deuxième. et ça, ça le touche. un peu. juste un peu. il le sait, ismael, qu'il n'est pas son premier choix, ni le deuxième, ni le dixième, ni le centième. ismael, il a toujours été là pour qu'on passe ses nerfs sur lui. et il n'arrive pas à comprendre pourquoi ça arrive à le toucher. pourquoi ses mots arrivent à le perturber, le déstabiliser pour plus d'une demi-seconde. après tout, ce n'est pas nouveau. et pourtant. – j'te force pas à rester. tu peux t'barrer maintenant que ça changera rien à ma vie. naturellement, il contre-attaque, le ton dur et les syllabes aiguisées. quand elle lui fait mal, cece, il veut lui en faire autant. il veut qu'elle le ressente, qu'elle sente ce même pincement de cœur - aussi minime soit-il. comme d'habitude, ismael s'attend à ce qu'elle réponde, lui fasse comprendre à quel point c'est un abruti. sauf qu'il n'y a rien. rien qui vient. rien qui sort de ses lèvres à part une question qui le prend par surprise. – je peux rester cette nuit ? ses sourcils se froncent dans l'incompréhension. alors qu'elle se laisse tomber sur le sofa, ismael ne bouge pas, incapable de faire ne serait-ce qu'un geste, paralysé. il ne sait pas quoi dire, quoi répondre à ce qu'il n'aurait jamais pensé entendre de la bouche de cece. j'ai pas envie d'être seule.
ses yeux fixés sur ce visage qu'il lui arrive de haïr du plus profond de son âme, il se décide enfin à bouger. s'abaissant à sa hauteur, une de ses mains se pose à sa joue, la forçant à le regarder. ça, tout ça, c'est étrange. il n'a jamais été aussi doux, ismael, ni avec nora, ni avec personne d'autre. mais là, à cet instant précis, c'est le geste le plus naturel qui lui apparaît. la chose la plus normale qu'il puisse faire. – j'vais pas t'laisser seule, cece. il pourrait, ismael. il pourrait la foutre dehors. il pourrait lui dire de ne jamais revenir, la laisser sur le bas côté et l'abandonner comme tout le monde l'a toujours fait avec lui. sauf qu'il en est incapable. j'sais pas c'qui t'arrives mais j'te laisserai pas seule. c'est une promesse. une promesse d'un animal blessé à un autre. elle durera le temps qu'elle durera mais c'est une promesse. plusieurs secondes s'écoulent, secondes qui lui paraissent une éternité, avant qu'il ne se relève soudainement, mal à l'aise. une main caressant sa nuque, il évite le regard de cece comme la peste. il le laisse vagabonder dans son studio jusqu'à ce qu'il ne se pose à son frigo et qu'une idée lui vienne en tête. sans attendre, ismael se dirige vers l'objet de son intérêt et en sort deux bouteilles de bière qu'il décapsule avant de les ramener vers le sofa. s'asseyant, il en tend une vers la poupée brisée à ses côtés. j'crois que t'as besoin d'un verre et j'dois t'avouer que j'en ai besoin d'un aussi, qu'il dit avec un infime sourire. il voudrait juste qu'elle soit bien, cece, et il voudrait bien la prendre dans ses bras aussi. il voudrait bien avoir les réflexes d'un petit ami, d'un parent, d'un frère aimant ; être capable de lui donner ce qu'il n'a jamais eu.
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MessageSujet: Re: such words / cece   such words / cece EmptySam 13 Jan - 15:48

Mais qu'est-ce que tu fous là ? Ça tourne en boucle à l'intérieur, comme autant de signaux de détresse. C'est illogique, ça n'a aucun sens, il n'existe aucun monde, pas un seul, où Cecilia Cartwright irait volontairement rechercher une présence masculine au lieu des éternelles amazones qui siègent à l'épicentre de son univers entier. Aucun. Et pourtant, elle est là, ébranlée par l'intime conviction que son palpitant de verre, éraflé de tous les côtés, difficilement préservé, se briserait pour de bon si elle cédait à la facilité. A sa propre lâcheté, cette enfant sauvage qui clôt les paupières, se bouche les oreilles et hurle à tue-tête en prétendant ne pas entendre le fracas à l'intérieur, le frémissement de son ventre quand il est trop proche. Et pourtant, ça la ronge Cece, l'envie de tourner les talons et de retourner se terrer dans la chambre ravagée de Sony en attendant un jour meilleur. Alors elle mordille la main tendue vers elle, grignote la patience d'Ismaël pour le voir la rejeter et se convaincre que c'était une mauvaise idée. Qu'elle n'a besoin de personne et surtout pas de lui. Un homme. Un homme comme elle les hait, doté du même regard que le paternel, les rétines qui brûlent et reflètent le désir. Un homme nimbé de la même impulsivité que Sony, les insultes au bord des lèvres et la violence au creux des veines pour appeler la sienne et embraser bien trop aisément ses sens. Sous la colère, qu'elle se convainc elle-même. Parce que ça ne peut être que ça, n'est-ce pas ?
Et forcément, comme à chaque fois qu'elle le provoque, qu'elle le repousse, lui rappelle qu'il n'est rien à ses yeux, rien d'autre qu'un client comme tous les autres, de ces chiens qui ne la toucheront jamais parce qu'elle n'a pas besoin de ça, il entre dans ses danses. Sauf qu'elle n'est pas de taille à parer les coups, ce soir, à afficher ses sourires goguenards et à gueuler des insanités vulgaires en levant bien haut son majeur. Cece, elle a mal. Partout. La douleur irradie de part en part et elle a l'impression de sentir les mots d'Ismaël se ficher dans son palpitant à l'agonie, là où ils n'ont jamais pénétré, là où rien ni personne n'a jamais été autorisé à se lover. Sauf Sony et Nikos, double abandon douloureux. Le masque de gamine trop fière se fendille en mille éclats et Cecilia mord sa lèvre inférieure pour contenir les sanglots qui piquent ses yeux déjà rougis. Ce n'est pas de la tristesse, c'est de la rage. "T'as raison, j'vais faire ça. J'vais me casser et tu m'reverras jamais t'entends ? J-a-m-a-i-s." Et elle en tremble Cece, en fixant Ismaël de ses opales qui crient toute la détresse du monde. Même ses aboiements sonnent faux. Elle est incapable de se battre ce soir et c'est la raison pour laquelle elle capitule vite, trop vite. Elle rentre les canines, hausse piteusement les épaules et le suit à l'intérieur, comme si c'était normal, comme s'ils étaient amis et pas seulement aimantés l'un à l'autre dans une polarité désaxée. Celle des mômes esseulés, brisés par l'abandon et la négligence de ceux qui auraient dû les aimer pour toujours. Cece, elle ignore tout de son passé à Ismaël, pourtant si elle savait, elle n'en serait même pas étonnée. La mélodie singulière des accidentés de la vie l'a toujours bercée. Malgré son égoïsme grandissant de nana construite à la va-vite, sans notice explicative, sans l'aide de parents aimants ... elle fait souvent ça. S'enticher de ses pairs, surtout s'ils sont pires. Cece c'est la gamine qui va fleurir les tombes abîmées, celle qui s'arrête devant les petits vieux aux regards vides pour échanger trois mots et qui défend l'enfant chahuté par ses camarades. Et c'est la même, la même Cece qui glisse des bombes dans les bagnoles, qui mord et griffe, qui s'amuse à écraser les egos des hommes et rêve à une révolution. Alors peut-être que c'est ça, qui l'attire chez Ismaël, cette aura trop proche de la sienne pour ne pas la blesser. Elle l'ignore, parce qu'elle refuse d'y penser, comme si ça pouvait disparaître aussi aisément. Elle le fixe, Cece, et c'est le mot "pardon" qui se forme derrière ses dents serrées. Elle voudrait bien s'excuser d'avoir été maladroite, enterrer la hache de guerre pour quelques heures ... mais elle ne sait pas faire. Elle est trop entière pour les excuses, trop farouche et têtue alors elle ravale ses mots tendres et assiège le sofa comme s'il lui appartenait.
Elle marque son passage ici, s'imprime en filigrane pour s'assurer qu'il ne changera pas d'avis, étend ses jambes sur le canapé et marque son territoire comme un chat sauvage. C'est exactement ce qu'elle fait, lorsqu'Ismaël rompt la distance entre eux et que Cece est bien obligée de le regarder. Il a l'air grave et elle sent ses petits poings se serrer au rythme de son myocarde. Il va lui dire de partir, c'est sûr et elle n'est pas prête de l'entendre. Alors elle entrouvre déjà les lèvres, Cecilia, prête à déverser son venin pour éviter l'impact ... mais reste sans voix, figée dans une seconde qui semble éternelle alors que les phalanges d'Ismaël s'invitent sur sa peau. Si elle était moins vulnérable, moins fragile, moins désireuse de ressentir l'exacte sensation qu'il éveille en elle, elle aurait grogné Cece, chassé les doigts colons de son épiderme et offert une leçon gratuite sur combien ça ne se faisait pas, comment elle ne lui appartenait pas, jamais, et tutti quanti. Mais à cet instant, elle s'en nourrit, sourit faiblement à ses mots qui démêlent un peu ses entrailles en charpie. Elle n'y croit pas, elle a trop souvent trébuché sur les promesses mais la voix d'Isma berce suffisamment ses insécurités pour les apaiser un temps, pour l'aider à affaiblir l'armée qui garde ses frontières. Doucement, à l'aide d'une réserve que Cecilia n'était pas certaine de posséder, sa main rejoint celle d'Ismaël, non pas pour la chasser, mais pour la serrer fort entre ses doigts. Elle déteste qu'on la touche, Cece, n'est pas à l'aise avec les démonstrations affectives lorsqu'elles sont vraies, pas juste bonnes à allumer les types quelconques pour mieux les frustrer comme elle s'amuse à le faire. Et pourtant, elle s'abandonne à ce simple contact, s'en nourrit pour réchauffer ses os glacés qui ont trop brûlé pour ne pas être consumés. Elle ne rétorque rien, la gamine, parce qu'elle n'a aucun joli mot à l'intérieur, n'en a jamais eus, ne sait pas faire. Cecilia, elle dit que c'est parce qu'elle s'aime trop pour ça, pour s'ouvrir et prendre le risque de se laisser à nouveau esquinter dans la grande valse des sentiments humains. C'est vrai, mais ce qui l'est encore plus, c'est qu'elle a la trouille. Sans l'avouer, sans même le réaliser tout à fait. Mais elle a une peur bleue des autres, de la place qu'ils pourraient prendre à l'intérieur et de l'affreux manque une fois repartis. Si elle ne laisse jamais personne l'atteindre, c'est par peur de l'abandon, le croque-mitaine qui l'a bouffée à l'enfance et n'a recraché que l'ombre de ce qu'elle aurait pu devenir. Une jolie carcasse revêche, qui hurle et tape du pied, gorgone ou furie, incapable de tendresse ou de douceur autrement qu'avec ses copines. Pourtant, elle n'est pas insensible, Cece, pas dénuée de désir, ce vague au corps plus qu'à l'âme qui lui colle parfois à la peau et alourdit sa respiration. Comme maintenant, à cause d'une proximité avec laquelle elle ne sait pas composer. Elle ne lâche pas la main d'Ismaël, comme si c'était un phare au milieu de l'orage qui gronde à l'intérieur, dans un merci silencieux. Ses phalanges animées d'une volonté propre la surprennent à esquisser une faible pression, une caresse plume sur la paume d'Isma, et elle relâche brutalement ses doigts en le réalisant, le laissant s'éloigner d'elle.
Cece le suit du regard lorsqu'elle est certaine qu'il ne la dévisage plus, désorientée par ce corps qui l'abandonne et la trahit au pire moment. Heureusement, Sony est là, partout à l'intérieur, suffisamment pour chasser ses interrogations et l'introspection qu'elle refuse de conduire et c'est mieux. La douleur, c'est familier, un mal nécessaire, une vieille amie dont elle se passerait, mais qu'elle a appris à apprivoiser, contre son gré. Ismaël revient avec de la bière et elle se raccroche au verre glacé comme à une bouée. "J'crois que j'aurais besoin de me noyer dans une piscine d'alcool fort." Elle tente une plaisanterie, Cecilia, qui sonne faux parce qu'elle est réelle. Si elle n'était pas là, avec lui, c'est ce qu'elle ferait, s'assommer de boisson et sombrer dans un sommeil lourd, trop pesant pour permettre de rêver, de penser, de ressentir. Un coma agréable. Ses lèvres épousent la boisson et les premières gorgées salvatrices la forcent à continuer, jusqu'à ce que sa curiosité ne la rappelle à l'ordre : y a pas qu'elle, ce soir. "Pourquoi t'as besoin d'un verre ?" Cece relève ses prunelles sur Ismaël comme si elle le voyait pour la première fois. Au-delà du masque des apparences, au-delà des provocations et des mots couteaux jetés au vent. Ismaël, elle l'a souvent considéré comme ces hommes vains, ces garçons du vent qui font les malins et baignent dans un climat facile fait de roulage de mécaniques, d'emmerdement maximum envers les nanas et de poings serrés comme des petits caïds de pacotille. C'est réducteur, c'est cliché et c'est préférable ainsi. C'est éviter de se pencher vers l'abîme et d'y lire quelque chose à apprécier. Comme Ismaël ne rétorque rien, Cecilia expire profondément, comme si elle allait se dégonfler tel un ballon et s'envoler jusqu'à la lune ... et essaye de mettre des mots sur ses maux. C'est compliqué. Chaque syllabe lui semble composée de tessons de verre et lacère son coeur, arrache sa gorge alors qu'elle se force à les extirper. Ca fait mal, parce que ça donne du corps à ce qui n'était jusque là qu'un cauchemar, quelque chose d'abstrait. Tant qu'on ne dit pas les choses à voix haute, elles n'existent pas vraiment, non ? "Mon frère est mort." La froideur avec laquelle elle s'exprime l'effraye elle-même alors qu'elle réalise qu'elle n'a plus de frère. Que même s'il revenait, demain, dans un mois ou trois ans, elle n'aurait plus de frère. Qu'il l'a blessée au-delà du réparable, qu'elle ne saurait pas lui pardonner cette fois, même si elle le voulait. Pas encore.
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MessageSujet: Re: such words / cece   such words / cece EmptyLun 15 Jan - 4:12

Cecilia Cartwright est un mystère, un puzzle que personne n’a encore réussi à résoudre. Et, Ismael, il arrive à entrevoir les vestiges d’une guerre sans merci, de multiples batailles perdues dans le sang et les larmes. Ils ne sont pas si différents et pourtant, il reste un fossé entre eux, un fossé mortel, presque impossible à traverser. Il voudrait être capable de le remplir par la force de son esprit, se rapprocher d’elle sans que ses murs protecteurs ne l’en empêche. Il souhaiterait faire des milliers de choses, Ismael, mais il reste juste figé, arrêté dans son élan par la pression de la vie. Du moins, c'est l'excuse qu'il se donne, celle qu'il utilise pour justifier sa lâcheté. Il sait, au fin fond de lui-même, que s'il le voulait, il pourrait. Que s'il voulait, il passerait au dessus de ses propres barrières et laisserait Cece lire en lui - avec le stupide espoir qu'elle s'ouvrirait à lui par la suite. C'est peut-être cette pensée qui le pousse à agir avec douceur, à poser ses doigts sur sa peau comme une plume venant caresser sa joue. On pourrait croire qu'il a l'habitude, que c'est presque un automatisme. On pourrait presque se laisser à imaginer que, derrière ce masque teinté de violence, se cache un homme bon et affectueux. Mais même lui ne sait pas ce qui lui prend, ni pourquoi tout son être lui demande de ne jamais retirer sa main. Au moment où celle de Cece rejoint la sienne, c'est le chaos intérieur, la chaleur d'un incendie qui se propage dans son corps entier. Il n'a jamais eu l'habitude, Ismael, qu'on le touche de cette manière. Ça a toujours été avec sévices et il n'a jamais pensé qu'autre chose lui serait donné. Dans le fond, il n'a surtout jamais pensé qu'un si simple contact pourrait lui faire autant de bien. Ce n'était qu'un mythe jusqu'à ce que Cece lui prouve le contraire. Il se laisse aller à ce contact, imprime la chaleur de sa peau contre la sienne au cas où ce serait la dernière fois qu'il soit autorisé à la sentir, à la toucher. Puis, aussi soudainement que sa paume est arrivée sur sa joue, il la retire avec empressement. Il panique, Ismael, et c'est pour ça qu'il s'éloigne. C'est pour ça que ses barrières réapparaissent, le protégeant autant qu'il leur est possible de le faire. A cet instant, il a peur. Il a peur de Cece et de ce qu'elle lui fait ressentir parce que tout ça, c'est inédit. Ce n'était pas prévu, lui fait perdre le contrôle et il n'y a rien de pire pour lui. Rien de pire que de se retrouver dans l'inconnu, là où il n'a aucun repère et où sa voix n'a aucun poids.
Quelques secondes s'écoulent avant qu'il ne revienne avec deux bières et c'est toujours autant la pagaille dans sa boîte crânienne. La fraîcheur au bout de ses doigts n'arrive pas à lui faire oublier la brûlure que la chair de Cece a laissé sur sa main. L'incendie dans ses entrailles refuse de s'éteindre et c'est avec peine qu'il tente de le laisser dans un coin, se concentrant sur le visage triste et fatigué de la reine à ses côtés. Il ne peut s'empêcher de la contempler, étudiant chaque trait de son visage comme si elle allait disparaître d'un instant à l'autre et ne lui laisser que ce souvenir. Lui tendant une des bières, il ne quitte pas ses yeux, prêt à couler et à ne jamais remonter à la surface. – J'crois que j'aurais besoin de me noyer dans une piscine d'alcool fort. Cette phrase qui devrait sonner comme une plaisanterie ne fait que serrer le cœur d'Ismael davantage. Il déteste être là, la regarder souffrir et n'être capable de rien pour apaiser sa douleur. Il devrait avoir l'habitude mais avec Cece, il y a tout qui s'amplifie. Tout ce qui ne devrait plus le toucher n'arrête pas de le blesser aussi fort qu'un coup de poignard en pleine poitrine. – You and me both, qu'il répond avec l'ombre d'un pauvre sourire s'affichant sur ses lèvres. Il n'ajoute rien d'autre, conscient d'en avoir déjà trop dit, et se contente de regarder le mur en face de lui, à défaut de pouvoir affronter de nouveau les iris de Cece après ça. – Pourquoi t'as besoin d'un verre ? A ça, Ismael ne sait pas quoi répondre. Il pourrait mentionner ses parents, Nora, sa vie entière avec un goût amer dans la bouche mais au lieu de ça, il décide de rester silencieux. Il lui est impossible de baisser complètement les armes, lâcher les masques et facettes qu'il enfile tous les jours de sa vie. Papa avait l'habitude de lui répéter que s'ouvrir aux autres, c'était risquer inutilement de se faire briser, dépouiller de toute vitalité. S'ouvrir aux autres, c'était synonyme d'abandon et de trahison. Et de tout ce qu'il a retenu de son père, c'est la seule chose qui s'est avérée véridique - que ce soit avec lui, maman, Nora ou tous les autres personnes qui ont eu une place, aussi minime soit-elle, dans sa vie. Alors, cette fois, il écoute sa voix rauque, ses mots glissés en espagnol dans son oreille. Mon frère est mort. De tout ce qu'Ismael aurait imaginé, cette hypothèse ne lui était jamais venue à l'esprit. Son regard se repose sur Cece et il reste là, pantois et silencieux. Et d'un coup, il a mal. Il a affreusement mal, encore plus que quelques minutes auparavant. Parce qu'au fond, il sait. Il sait ce que ça fait de perdre un être cher, mort ou disparu dans la nature. Il sait que la douleur, elle, ne disparaît jamais complètement et de voir Cece dans cette situation, ça le rend malade. – Je... Désolé. C'est la seule chose qu'il arrive à articuler. Un pauvre 'désolé' qui sonne creux sortant de sa bouche. 'Désolé'. Combien de fois il a entendu ce mot. Combien de fois il a voulu étrangler les personnes qui lui disaient 'désolé'. A cet instant, il est comme eux. J'savais pas que t'avais un frère, qu'il ajoute. Et ça lui saute à la gueule. Il ne sait pas grand chose, Ismael. A vrai dire, il ne sait rien de Cece et ça ne le laisse pas indifférent. Il se sent con, putain d'attristé de cette révélation.
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MessageSujet: Re: such words / cece   such words / cece EmptyMar 27 Fév - 7:11

Cece a l'impression d'évoluer dans un cauchemar depuis qu'elle est rentrée pour retrouver le néant au lieu du chaos, le silence à la place du bruit et de la fureur. Rien ne lui semble réel, tout lui paraît à la fois lointain et distordu, de son palpitant qui s'emballe à ses tempes qui bourdonnent jusqu'à sa présence ici, chez Lui. Ca n'a aucun foutu sens et la louve oscille entre sa détresse et ses instincts primaires, entre se livrer ou bien se combattre. Elle aimerait bien avancer avec la grâce des gens solides, capturer un rien de l'essence de Gemma ou de Riley et la conserver en elle pour toujours. Ce serait plus facile, plus que ses mécanismes rouillés, que l'hystérie pour cacher les failles. Parce qu'elle ne sait pas composer avec la douceur, Cece, avec la tendresse, la tristesse, toutes ces émotions de papier qui ne sont jamais aussi jolies que dans les livres qu'elle n'a pas lus. Ici, elle se sent prise au piège et dès qu'elle ose un geste en direction d'Ismael, qui apparaît pour la première fois comme un individu à part entière et non un homme, un prédateur, un salaud qui ne mérite rien de mieux que son mépris ... elle flanche. Elle cède à son besoin d'être soutenue, d'être réconfortée pour se glisser à nouveau dans ses retranchements la seconde d'après. La preuve ? Elle respire mieux, lorsqu'il s'éloigne chercher à boire. Il y a toujours le poids horrible qui comprime sa poitrine et tatoue Sony à même les chairs ouvertes, mais la gêne se dissipe. Et Cece, elle n'est pas faite pour être gênée. Elle s'impose généralement, avec sa grande gueule insupportable toujours ouverte, son flingue virevoltant en menace et ses poings enragés toujours serrés, pour frapper ou se révolter. Sous le regard prévenant d'Isma, elle se sent à poil bien davantage que sous les néons du Sinners et putain, elle est trop farouche pour ça. Alors elle alterne un ballet qui n'a aucun sens, les regards noirs et les gestes doux, la détresse et les mots couteaux.
Et puis elle dépose ses armes émoussées, au moins un peu. Accepte sa bière comme une offrande, comme un drapeau blanc tendu au-dessus d'eux pour les protéger du monde et de leurs ego, au moins cette nuit. Cece accepte le caractère surréaliste de ses envies, de ses besoins, elle accepte de s'abandonner, de quitter l'amazone pour laisser la môme éplorée s'exprimer. Elle boit longuement, Cecilia, comme si la boisson était une potion magique, sans cesser de jeter des regards à la dérobée à Ismael, attendant qu'il reprenne son costume d'homme, peut-être. Mais non, ses billes noires ne se floutent pas, il est toujours autre chose. Pas un phare, mais peut-être un radeau. Ce n'est pas beaucoup, mais ce sera suffisant pour ce soir. Alors malgré son silence éloquent, elle se confie à lui Cece. Sans fard. Elle se dénude jusqu'à l'os de ses mots maladroits, jamais capables d'exprimer tout ce qui fait mal, tout ce qui ne va pas, après les avoir tant ensevelis sous la rage. Il ne savait pas qu'elle avait un frère, et la remarque anodine la fait sourire prudemment. C'est normal, que sait-il d'elle ? Rien du tout, il connaît seulement les courbes qu'elle expose, les répliques assassines qu'elle lui lance toujours, surtout lorsque son corps réagit étrangement face à lui, qu'elle a honte et qu'elle lui fait payer. Il ne connaît rien Ismael et elle non plus, ne sait rien de lui. Rien d'autre que ce portrait au vitriol qu'elle aime se servir lorsque sa haine est moins forte, lorsqu'elle pense à lui avec moins de virulence. "J'en parle tout le temps pourtant. Tout ce que je suis, tout ce que je fais, ça a toujours été pour lui ... ou contre lui, je sais pas trop. Mais c'est pareil au fond, il est...tait, il était important." Et puis, il dit qu'il est désolée Ismael, et Cecilia perçoit cette espèce de douleur au fond des yeux qui rappelle la sienne. Elle réalise qu'elle exagère, comme à son habitude. Peut-être qu'il a déjà perdu quelqu'un, lui. Peut-être que ses proches sont morts pour de vrai, qu'ils ne sont pas juste des connards qui disparaissent au gré de leurs envies. Peut-être qu'elle est égoïste avec sa douleur de gamine abandonnée sur le bas-côté. "Il est pas ... enfin techniquement, il est pas mort. Mais pour moi, si. Il est juste ... parti, je suis rentrée ce soir et y avait plus rien à lui. C'est pas la première fois." Elle a le timbre hachuré, encore obstrué des sanglots qu'elle a ravalés vaillamment, refusant de pleurer pour sa sale gueule avant pourtant de fondre en sanglots comme une idiote. Malgré la sensation du tesson de verre contre sa gorge, elle continue Cece, arrache les mots à son être et noie les non-dits au fond d'une gorgée de bière. "C'est pas la première fois. Quand j'avais douze ans, il a tué notre père. Enfin je crois, il me l'a jamais dit mais il a disparu et ils ont retrouvé le corps du vieux alors ... J'ai du apprendre à grandir sans lui, je passais mon temps à le détester et à lui écrire. Des insultes de gamine mais j'avais besoin de ce contact." Jusqu'à ce que la ligne ne soit désactivée, Cece n'a jamais abandonné. Elle a lancé des centaines, des milliers de bouteilles à la mer avec l'espoir d'en recevoir une en retour, un jour. Même un texto injurieux lui aurait suffi, tout plutôt qu'un frère fantôme et mutique. "Il est revenu, y a quelques années mais c'était trop tard pour tout réparer. Je crois que c'est ma faute cette fois, je lui ai pas laissé une seule chance." Et c'est la tristesse qui se substitue à la colère, une fois encore, dans un ballet éreintant. Le vague à l'âme la frappe et elle a l'impression de suffoquer sous la force de l'impact, Cece. Poings serrés, elle repose d'un bras tremblant la canette de bière sur la table pour se concentrer sur les larmes qui menacent de déborder jusqu'à la noyer. Elle ne veut pas craquer devant Ismael. Mortifiée, elle n'ose plus croiser son regard, alors que la détresse l'ensevelit. "Mais il a promis ! Il a promis qu'il resterait et il est parti sans moi. Encore." La voix qui s'élève, rocailleuse et pétrie d'une détresse sourde, le timbre qui se brise sous les cris, les sanglots et Cece qui perd pied, se noie dans un cauchemar devenu réalité. Perdre sa famille, encore. Réaliser qu'à ses yeux elle n'a jamais été une soeur, mais toujours une pièce rapportée, pas suffisante pour lui, pour eux, pour personne.
Et puis soudainement son ego immense se réveille de sa torpeur et derrière la rivière de ses larmes, Cecilia est bouffée par la honte qui mord ses entrailles. La présence d'Ismael à ses côtés lui crame la peau et elle se relève prestement, titubant presque sur ses jambes de coton. Son silence lui revient en mémoire et elle s'en veut, de s'être confiée quand lui est resté de marbre, silencieux sur les raisons qui peuvent bien le pousser à s'enivrer avec elle. Et le filtre est à nouveau en place devant ses yeux. Ismael, malgré tout ce qu'il a fait ce soir, malgré le drapeau blanc flottant entre eux et la douceur étrange, cocon, qu'il a tissée autour d'elle ... il redevient un homme. Lâche, brutal, inconstant. Perfide, indigne de confiance, gangrené par ses bas instincts dégueulasses. Il devient Sony, Papa, l'agresseur de Gemma et les connards du Sinners. Il devient toutes ces figures haïes et dans sa furie, dans sa détresse, c'est sa haine qui prend le dessus, sa rage et sa colère originelle. Debout, tremblante, Cece chasse rageusement les larmes qui persistent à couler malgré elle pour darder ses opales affligées sur Isma. Elle croit qu'elle le fusille du regard, mais il n'y a rien de prédateur dans son regard, rien de sombre, il est le parfait reflet de tout ce qui fait mal à l'intérieur. "Et toi, pourquoi tu dis rien d'abord ??! T'as aucun problème c'est ça, hein ? T'as cru que ça allait marcher tes petites manigances de merde ? Jouer au type compatissant qu'a mal aussi pour que je me confie à toi. Tu croyais quoi, que t'allais mieux pouvoir me sauter une fois que j'aurais bien chialé ?!!" Elle est injuste, Cecilia, dans ses mécanismes de défense farouche. Elle le sait. Même là, malgré la douleur, malgré les larmes et la fureur qui inonde ses os, elle sait parfaitement qu'elle est hystérique, qu'elle a tort. La petite voix de la raison lui souffle mais elle l'ignore, s'enfonce dans sa paranoïa, dans une attaque gratuite pour se défaire du pétrin dans lequel elle s'est enfoncée. Droite dans ses bottes, fière de ce qu'elle, de ce qu'elle défend, elle se fait payer elle-même ses torts. Celui de s'être sentie mieux, près de lui. Comme si c'était mal. Comme si c'était un manquement, une perte de son honneur. Alors Cece, elle ne dirige plus rien, aveugle, la vision brouillée, elle cherche son sac, renverse les coussins, saccage ce qu'il y a sur son passage comme un oiseau fou, enfermé à l'intérieur d'une maison. "C'était une idée débile, j'sais pas ce qui m'a pris." Ouais, elle n'a rien à faire là c'est évident. C'est dangereux. Ses phalanges fébriles se referment enfin sur son sac à main, mais dans son empressement, il vomit son contenu au sol et elle hésite, la môme campée sur ses jambes marshmallow. Parce qu'elle le sait, si elle tombe à genoux, elle n'aura jamais la force de se relever.

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