so call out my name (sil)

Des boum boum en fracas qui éclatent sous les tempes, les repères oubliés au fond d’un énième verre vidé avec empressement. C’est la tête qui tangue et les contours des interdits qui deviennent bien trop flous sur sa rétine aveugle. Les couleurs qui se mélangent, mais toujours l’azur qui perce le joyeux bordel qui défile sous ses paupières lourdes. Deux tâches de firmament auxquelles elle s’accroche, soupçon de désespoir dans les veines, Sil qui devient un repère dans la tempête qui chahute entre les côtes. Tout est décuplé, l’allégresse violente qui déverse tous ses sucs dans son organisme, le brasier que ses regards s'allument ça et là sous son épiderme. Et l’impression tenace d’être les rois du monde, coupés du reste, perchés au milieu des astres avec tout le reste de leur existence trop loin en contrebas pour s’y attarder. C’est une danse dangereuse dans les abysses de la déraison, pourtant quand Sil lui tend la main pour l’entraîner avec lui dans sa déchéance sublime, pas une seule once d’hésitation en elle. Poussée par le cristal qu’elle vide une nouvelle fois sans même ressentir la brûlure lui dévaler l’oesophage, ça n’est plus qu’une légère étreinte chaude qui lui encercle les entrailles et un arrière goût d’anesthésie sous la langue. Plus aucune crispation, juste une plénitude totale et complaisante qui s’échoue sur elle, bercée par l’écho avant teinté de nostalgie du rire de Sil qui résonne dans la pièce désertée. Ils sont les deux dernières âmes assez fissurées pour rester ici, nul part où aller, pas même l’envie de chercher à retrouver un lendemain. Et quand elle lui balance un défi sans aucune conviction qui l’accepte, c’est la surprise qui éclate dans les opales juste un instant quand ses mots sonnent. Elle aurait presque oublié cette manie toxique qu’il a de flirter sans cesse jusqu’à l’épuisement avec les limites, accepter n’importe quelle provocation juste pour la beauté du geste. Je regrette déjà le massacre. Pique émoussée, dénudée de toute amertume qui ponctuait leurs précédents échanges. C’est plutôt la curiosité qui jalonne sa pensée à cet instant, parce qu’il était resté l’éternel gamin orphelin, pas encore trop entâché des péchés qui accompagnent l’âge adulte. Mais c’était de partout, dans ses regards lascifs, dans sa voix éraflée, dans ses sous-entendus. Et surtout, dans sa silhouette qu’elle se surprenait à étudier sous un nouvel angle. Il respire le danger, il respire l’envie brutale de tout envoyer en l’air, tout réduire en cendre juste par un baiser mortel. A sa question, elle lui offre simplement un hochement appliqué de tête. Montre moi jusqu’où t’es capable d’aller, que ses yeux lui murmurent. Et certainement jusqu’au bout, elle le sait. Encore plus lorsqu’il débute son semblant de prestation, le corps se mouvant tant bien que mal sous l’ébriété prononcée sur une scène qu’il n’avait décidément jamais foulé. Mila garde les yeux figés sur lui, étudiant chaque geste, chaque expression qui lui déchire le visage, et quand c’est son tee-shirt qui part en sa direction elle tente de l’attraper d’une main faiblarde, sans grand succès alors que le vêtement vient retrouver le sol. Tu fais vraiment n’importe quoi. Le sourire qui fend le faciés, profond, et un rire cristallin, teinté d’une sincérité totale qui siffle par dessus la musique. Finalement, elle se relève de son siège et titube avec aplomb jusqu’à la scène jusqu’à le rejoindre dessus. Léger regard abandonné le long de son corps un peu plus exposé, simple étude désintéressée qu’elle tente de se convaincre alors que ses yeux transpirent certainement d’une toute autre chose. Sans un mot de plus, elle le contourne pour se glisser derrière lui et déposer ses mains contre ses hanches. Comme ça c’est mieux. Ses doigts guident doucement son corps, tentant d’imiter avec application religieuse les mouvements suaves qu’elle avait déjà observés sur cette scène. Guidant la cadence en laissant ses mains effleurer un territoire inconnu, comme brûlant contre la pulpe de ses doigts.

Ton corps se meut au rythme de la musique dans un manque de sensualité accentué par l’alcool. T’as jamais fait ça. Ça se voit probablement. A par sauter dans tous les sens en boite, tu n’as jamais été un grand danseur. Sauf peut-être avec les poings. Danseur sur le ring. Ça a toujours été ta piste à toi. A frapper des poings dans un rythme qui pourrait presque ressembler à de la musique. Non. T’es pas vraiment à ta place ici. Sur la scène. C’est drôle, parce que finalement, ça t’irait pas si mal. Centre de l’attention. Dans la tension sexuelle comme seule intention. Il suffirait d’un peu de rythme pour en faire une nouvelle arme de prédilection.

Elle rit. Et ça résonne à l’intérieur. Ça fait écho à tous les trucs dégueulasses qui se sont installés depuis trop longtemps. Et ça les rend un peu plus beaux. Juste un instant. Le temps de son rire. C’est étrange. C’est comme si quelqu’un avait rallumé la lumière. Elle se lève et tu la suis des yeux. La dévorant malgré toi du regard. Et tu te surprends à te demander si elle est toujours aussi belle ou si c’est l’alcool ou la situation qui la rendent si attirante. Ça et le mélange de haine d’aujourd’hui et d’amitié d’hier. Drôle de mélange. Ses mains se posent sur tes hanches et elle vient accompagner chacun de tes mouvements pour les accentuer. « Comme ça…? » Tu presses ton corps contre le siens, te tardant pas à te retourner pour lui faire face. Main posée dans le bas de son dos. La chaleur monte inexorablement. Et ce sourire malicieux qui te colle au visage. Celui qui veut dire qu’il y a encore d’autres conneries à faire. Comme glisser tes lèvres au creux de son cou. Envie brulante. A cet instant de la soirée, le cerveau ne fonctionne plus. Il n’y a rien d’autre que l’envie de la posséder, ici et maintenant. Même si c’est que des conneries. Même si tu l’regrettra très certainement. Mais ces envies ont toujours été plus fortes que toi. « …Tu m’as pas montré toi… » Souffle enchanteur. Qu’elle retire ses vêtements. Un à un. Tu seras le meilleur spectateur. Tes doigts s’égarent déjà sous son haut. Sur sa peau à la douceur exquise. Bordel, t’as envie de la dévorer sur place. C’était pourtant pas vraiment le plan initial. « C’est pas normal d’être aussi belle putain » Petit arrêt. Tu pensais pas l’avoir dit à haute voix. Heureusement que t’as pas dit bonne. Parce qu’elle l’est aussi, bonne. Foutrement bonne même.