paradis artificiel (marley)

Elle se tient là tout prêt des haut-parleurs installés de part et d’autre de la scène, là où le son est à son paroxysme, étourdissant, assourdissant. Et pourtant, tout ce qu’elle entend, ce sont les battements de son propre cœur, un peu irréguliers, et pourtant si familiers. La main posée sur l’une des enceintes, elle sent les vibrations se répercuter le long de son bras, s’éparpiller dans son corps. Elle vibre au son du groupe, avec eux. C’est tellement puissant que quand la musique s’arrête, elle craint l’espace d’un instant que son cœur ne s’arrête avec elle. Une peur irrationnelle à laquelle Marley n’arrive jamais à se soustraire. C’est chaque fois la même chose, il lui faut quelques secondes pour s’assurer que même si les basses ont cessé leurs battements réguliers, son cœur lui continue de palpiter dans sa poitrine. Rouvrant les yeux qu’elle a gardé fermés jusqu’ici pour se concentrer sur ses autres sens, elle aperçoit le groupe qui salue la foule avant de s’éclipser. Ses yeux sombres s’attardent sur Jem caché derrière sa batterie, elle le jauge du regard, les dents serrées. Elle n’est pas certaine de lui avoir déjà pardonné le fait d’avoir réduit son vélo à l’état d’épave. Tout bien réfléchit, elle est certaine de ne pas le lui avoir pardonné. Il a réduit sa liberté à un taux proche du zéro pointé, il lui a enlevé son indépendance. Avec un soupir elle détourne le regard, juste à temps pour apercevoir une tornade blonde se jeter sur elle. Surexcitée, Avery la serre dans ses bras tout en sautillant sur place, un comportement qui fait lever les yeux au ciel de la brune qui affiche malgré tout un sourire amusé. Avery l’amuse autant qu’elle l’exaspère, ce soir tout particulièrement, parce qu’elle a réussi à la trainer à un autre concert quand elle avait juré de ne plus jamais y remettre les pieds. « Admet le, ça valait le coup ! » Elle roule des yeux et fait mine de bouder, mais la blonde pétillante ne se laisse pas facilement avoir par son air détaché, ennuyé. Avery sait parfaitement qu’elle a adoré ce nouveau show. Comment pourrait-il en être autrement ? Marley hausse les épaules mais affiche un sourire qui ne trompe personne. « Je suis quand même toujours fâchée contre toi… » Elle signe à l’attention de sa meilleure amie qui lui tire la langue avec un sourire. « Je suis sûre qu’après un verre ou deux, tu m’aimeras à nouveau infiniment. » Elle lui lance un clin d’œil et Marley laisse échapper un petit rire silencieux tandis que la blonde s’éloigne en direction du bar. Avec un soupir, elle l’observe s’éloigner avant de parcourir la salle du regard. Elle les observe tous, ces étrangers qui communiquent les uns avec les autres avec la plus grande des facilités. Ils parlent à une vitesse incroyable mais elle parvient tout de même à lire sur les lèvres de certains jusqu’à ce que du mouvement attire son attention. Ses yeux se posent sur la silhouette du garçon qui approche et elle hausse un sourcil curieux lorsqu’elle le reconnait. Noam, le chanteur du groupe, et c’est à elle qu’il s’adresse en prenant soin de détacher chaque syllabe, un effort dont elle lui est particulièrement reconnaissante et qui lui arrache un sourire. « Dit le mec pas net… » Elle sourit à nouveau amusée avant de reprendre la parole, la voix enrobée de cet accent typique qu’ont ceux qui ne s’entendent pas parler. Elle mange certains sons, ne les prononce probablement pas tout à fait comme le ferait un entendant, mais elle parle suffisamment bien pour se faire comprendre. « Heureusement que t’es venu à la rescousse, me voilà préservée des autres types louches ! » Elle sourit encore et replace une mèche de cheveux derrière son oreille. Ses yeux sont attirés par Avery qu’elle aperçois par-dessus l’épaule du chanteur qui revient dans sa direction deux verres à la main et qui, quand elle remarque la présence du garçon, se fige avant d’adresser un sourire entendu à Marley et de faire demi-tour non sans avoir levé un pouce victorieux dans sa direction en signe d’encouragement. Avec un nouveau rire silencieux qu’elle tente de faire le plus discret possible, la brune secoue la tête amusée, avant de reporter son attention sur Noam. « Chouette concert au fait. » Elle a beau ne pas être en mesure d’entendre ce qu’il chante, ce qu’ils jouent, elle apprécie leur talent à sa manière. Elle ne les écoute pas, elle les ressent.