(darius) hell is empty, all the devils are here

- la tête tournée vers les étoiles -
- Son père est en taule à vie pour le meurtre et le viol d’une gamine de cinq ans. Un sacré fils de pute. La cousine de son fils en plus, je sais pas si t’imagines. Quand la mère l’a su elle a essayé de se foutre en l’air avec sa caisse sauf qu’à la place elle a fini dans un fauteuil.  Une vraie famille de cas sociaux si tu veux mon avis… Il aurait pu super mal tourner ce mec et finalement il a fini major de promo à l’école de police. Improbable.
- Et c’est normal qu’il soit encore en train de bouffer un pot de Ben & Jerry’s seul sur son bureau alors qu’on vient de bouffer ? Le type passe son temps à bouffer depuis que je suis arrivé.
- Ouais ça aussi, tu t’habitueras. Ce mec ne mange que du sucré, il a un vrai problème avec le chocolat, il passe son temps à bouffer des glaces, des barres chocolatées et des bonbons c’est flippant parce que ses dents sont parfaites. Le shérif lui a déjà dit d’y aller mollo mais tu parles, le mec fait de la boxe à côté ou je sais pas quoi. Il prend pas un gramme. Mais bref, voilà t’es briefé sur King maintenant. Je te conseille de limiter les rapports avec lui, il a ses têtes et il aime pas trop les blancs en général. Ils nous appellent les cul-terreux. 
- Qu’il ose le dire devant moi un jour et il verra.
- Non mec, à mon avis c’est toi qui verras. 

Des conversations comme ça, Darius en a intercepté des tas. Certaines plus véhémentes que d’autres. Celle-ci est un chant d’enfant de choeur comparé à ce qu’il a pu entendre les premiers temps qu’il était là. C’est pour ça qu’il prend pas la peine de se lever de sa chaise. Son bureau juste à côté de la salle de repos était un choix stratégique à la base. Ca lui permettait de savoir ce qu’il se passait en ville, et surtout si il avait éveillé des soupçons ces derniers temps. La contre-partie hélas c’était d’entendre absolument tout et n’importe quoi sortir de la bouche de ses collègues. La plupart du temps c’était le compte-rendu du match de base-ball du petit dernier ou l’envie de se sauter la serveuse de chez Harry’s. Puis d’autres fois, de temps en temps, c’était une conversation qui le concernait. C’était quelque part amusant de voir les choses que ses collègues retenaient sur lui. L’officier Buckley qui venait de briefer le dernier arrivé avait par exemple omis de préciser que Darius avait été élevé par sa grand-mère maternelle, que depuis qu’elle était morte il avait totalement vrillé. Buckley n’avait pas non plus parlé de son amour pour les femmes, qu’il collectionne depuis que son ex s’est barrée avec une meuf. Buckley n’a pas non plus abordé son amour inconditionnel pour son chien Darky, un rottweiler agressif qui gardait sa maison jour et nuit. Ce gros bedonnant de Buckley ignorait également que Darius avait la race humaine en sainte horreur et qu’il ne croyait ni au pardon, ni au changement, ni à la rédemption. La seule chose en laquelle il croyait c’était l’argent et tout ce que ça pouvait lui apporter : de la C, des putes et une moto flambante faisant mentir le cliché qui veut que les noirs détestent la vitesse. Beaucoup pensait que Darius aimait sincèrement son travail et qu’il le faisait du mieux qu’il pouvait. La vérité c’était que Darius ne sauvait que les enfants, les seuls êtres en qui il avait encore foi. Leurs parents, oncles, cousins, c’était déjà foutu pour eux mais en ce qui concerne leurs gosses, eux, c’était différent. Darius souhaitait les protéger, les aider à s’en sortir. Ca, ouais, ça le faisait se lever le matin. Mais le reste... Ouais Buckley ignorait un tas de trucs sur lui, comme la plupart des gens de cette ville qui se vantaient quand même de le connaître sans jamais lui avoir adressé la parole. Parce que c’est un flic fils de criminel et que ça, ça les fout tous sur le cul. Bien sûr, il fait pas l’unanimité, bien sûr que certains continuent à lui cracher dessus parce qu’il ressemble à son violeur de père comme deux gouttes d’eau et que la mémoire des petites villes américaines comme Crescent Height est infaillible. Mais Darius se tape bien de faire bonne impression à ceux qui l’ont condamné en même temps que son paternel il y a déjà 27 ans.