rocky way to utopia (oliver)

Y a la pluie qui tambourine sur le pont, là haut. Qui rebondit sur ses rêves. Il rêve Oliver, il rêve toujours, il rêve assoupi, il rêve éveillé. Ca le connaît les jours de pluie sur un bateau. Les rafales de vent rident l’eau et le voilier oscille un peu plus que d’ordinaire, berçant le dormeur. Le bruit des gouttes qui s’éclatent sur les hublots fait l’effet d’une comptine un peu magique, un rythme avec quelque chose de sauvage. C’est une sensation qui lui plaît, à Oliver. Celle d’être en sécurité dans ce petit habitacle, comme un cerneau de noix que la coque protègera de tout, alors que dehors la nature se rebelle.
Oliver ne dort pas tout à fait. Il est dans cet état second où la réalité se dissipe sans que le sommeil n’ait encore gagné. C’est rarement dans ses habitudes de somnoler comme ça la journée, lui qui ne dort jamais, lui qui est toujours fourré à droite à gauche. D’habitude, il se baladerait sous la pluie sans faire attention, ses mèches un peu trop longues dégoulinant sur son passage, le cœur en l’air. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui Oliver l’infatigable a préféré l’intérieur de son cocon, parce qu’il a le cœur par terre comme ça arrive parfois, ça ne dure jamais mais l’Allemagne lui manque, sa sœur lui manque, une présence lui manque. Pour ça qu’il n’est jamais seul, Oliver, il a besoin de contact pour vivre. Alors à la lisière du sommeil, son esprit s’invente des fées-néon qui soulèveraient son bateau de leur petits bras pour l’emmener dans l’espace et puis d’un coup, un lutin venu de nulle part saute sur le bateau et…

Un deuxième bruit un peu plus fort tire Oliver de sa rêverie brusquement, il se frotte les yeux en se redressant. Qu’est-ce que c’est que ça ? Il entend distinctement des bruits de pas, une voix aussi ? Quelqu’un venu le tirer de sa solitude ? Le jeune homme grimpe les petites marches et ouvre la porte pour en avoir le cœur net. Tandis que la pluie lui fouette le visage, achevant de le réveiller tout à fait, il aperçoit une petite silhouette parmi les gouttes. « Damn, le voilà mon lutin. » Le gamin a l’air aussi surpris que lui, si bien qu’Oliver ressent presque le besoin de justifier sa présence. « Salut, euh, c’est mon bateau, en fait. Et toi ? » L’ado en face de lui pourrait bien lui avouer que lui aussi, ça ne l’étonnerait qu’à moitié. A peine s’il remettrait sa parole en doute. Passé le premier effet de surprise, l’allemand détaille un peu plus le nouveau venu et le premier mot venant à l’esprit pourrait bien être : mouillé. Son t-shirt détrempé, ses bouclettes qui gouttent et son regard perdu dans un autre monde, cela aurait aussi bien pu être Oliver lui-même il y a quelques années de ça. La vague impression de se regarder dans un miroir un peu bizarre, les traits du visage diffèrent trop. Peu importe. Le lutin est arrivé. Oliver retourne dans la cabine pour laisser le passage. « Descends au sec, à avaler la pluie comme ça tu vas te noyer. Ce serait un peu bête de se noyer sur un bateau. » En attendant que le garçon descende, Oliver lui sort une serviette, histoire qu’il ne détrempe pas tout l’habitacle. « Tu t’es perdu ? demande-t-il en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule. Tu peux rester un peu, si tu veux. » Pas une seconde le danger de laisser un inconnu rentrer chez lui n’effleura Oliver, pas plus que celui de descendre dans la cabine d’un voilier au hasard avec un inconnu ne semblait déranger l’adolescent. Complètement ailleurs. « Au fait, moi c’est Oliver. »