dévasté. (rory)

les remords grignotent, consument et brûlent.
et elle mange, mange, mange.
les remords dévorent, déchirent, démangent.
et elle mange, mange, mange.
les nausées arrivent, insidieuses, pernicieuses.
et elle mange, mange, mange.
elle retient de peu les larmes qui lui inondent la rétine.
et elle mange, mange, mange.
et l'estomac se contracte devant ce surplus inhabituel de nourriture.
mais grossis ! grossis j'te dis ! et vaincs ta maladie !
et elle rend, rend, rend.
dans la douleur. dans la peine. dans la souffrance. il ne demeure rien. elle essuie les larmes qui créent un tsunami le long de ses joues, dévastant ses lèvres pleines et rougies par du rouge à lèvres, dévastant les restes de mascara, dévastant tout ce qui constitue son minois gracile.
les larmes-ouragan dévastent tout ce que pensait être niki, tout ce qu'elle aurait voulu être et qu'elle sacrifie. qu'elle scarifie. comme des mots que l'on barre encore et encore pour les faire disparaître, comme des suppliques muettes pour faire grossir les cuisses.
elle inspire.
elle expire.
et encore. et encore. et encore.
les toilettes sont regardées avec dédain quand elle se relève, frotte ses genoux et ses cuisses douloureuses et se détourne.
échec.
elle a la sensation que ce simple mot résonne dans tout le penthouse offert par papa. papa qui ne la connaît pas. papa qui a toujours été là mais n'a jamais témoigné aucun intérêt pour le rejeton geignard engendré.
le mot résonne comme un coup de feu envoyé en pleine poitrine. qui déchire les poumons qui se vident comme des dizaines de ballons de baudruches, les opales devenant vitreuses, ouvertes sur un monde qui s'éteint lentement.

échec, ça rime avec rory aussi.
pas vraiment, mais dans la tête de niki.
comment j'ai pu faire ça ? elle demande. et s'enlise dans la mauvaise foi.
c'est la faute de nox. moi j'étais ivre. oh, quelle honte que de se voiler la face comme ça… mais que raconter d'autre ? un je le désirais alors qu'il m'était interdit ? faux. absolument faux. à moins que l'esprit soit hermétique aux demandes du palpitant. toujours est-il qu'elle ne pourra rien dire d'autre à rory.
petite peste aux crocs enfoncés jusqu'aux gencives dans le palpitant de niki. elle ne fait que la hanter, que la blesser, que la faire descendre plus bas que terre. alors elle mérite, pas vrai ? n'empêche que niki ne s'en remettra jamais. parce que rory est incroyablement douée pour blesser. et nul doute ne subsiste sur le fait que niki finira écartelée sur une table d'opération, les intestins débordant de son ventre incroyablement vide.


elle envoie à son amie.
impossible de continuer de le cacher.
peu importe comment finira niki, peu importe ce que deviendront les lambeaux de leur relation avortée.
le mcdo est le pire endroit dans lequel niki pourrait se trouver… mais mcdo a également quelques salades, sur lesquelles – malgré le nombre de calories hallucinant – niki pourra se rabattre. alors elle inspire un bon coup et entame sa marche jusqu'à l'endroit du rendez-vous.
elle entre. inspire. expire.
et elle inspire plus fort. trop fort. les odeurs lui donnent quelques nausées. elle voit les frites qui défilent, les hamburgers trop gras qui s'additionnent sur les étales derrière les employés. elle voit les pâtisseries chocolatées exhibées comme des trophées.
elle n'a plus qu'une envie : s'en aller.
mais elle ne bouge pas, niki, droite comme un piquet devant l'entrée côté restaurant, pas côté rue.
elle inspire. expire.
elle avance. lentement. s'approche et prend sa commande.
- [color=#666699]une salade s'il vous plaît[/url].
elle demande, la voix qui tremble. elle attend que son met arrive, trouve une table vide – deux chaises, dont l'une qui finira sans doute sur le coin de sa mâchoire – et s'installe. elle prend les couverts et tâte du bout de sa fourchette les feuilles de salade et la vinaigrette saturée de gras qui recouvre beaucoup trop sa nourriture.
une salade, c'est mieux qu'un hamburger non ?
une salade, c'est mieux qu'un hamburger, des frites et un dessert non ?
une salade de mcdo, c'est beaucoup plus que ce qu'a mangé niki en un mois. sans doute.
alors nikita en arrive presque à prier pour que rory arrive vite pour être débarrassée… de sa salade, de son secret… et sans doute de sa vie aussi.
il y a une époque où nikita avançait, la tête haute, les paroles incisives et brutales. il y a une époque où nikita marchait sur le monde comme la reine qu'elle était. mais aujourd'hui, nikita s'est fait bouffer. par ses sentiments pour un trentenaire – presque quadragénaire, par son aventure d'une nuit avec nox qui a tout changé, par une anorexie qui a fini par peser.
et nikita, elle ferait tout pour revenir à cette époque bénie.
fille de chien que l'on exècre, fille de chien qui défonce les autres pour réussir, se défonce elle-même. fille de chien qui ne se préoccupait pourtant de rien. fille de chien qui avait tout pour réussir, aucuns scrupules, aucuns remords, que des secrets.
un monde à gouverner.
et les rôles qui sont maintenant inversés, nikita au bord de la crise de nerfs et de la dépression. nikita qui se sent sombrer.
nikita qui, pourtant, ne se laissera pas faire face à rory. nikita qui se défendra jusqu'à ce que le monde s'efface. même s'il n'y a rien qu'elle puisse faire pour expliquer son geste, à part ce besoin malsain de la blesser autant qu'elle le fait elle, avec ses barbes à papa, ses sourires viciés, ses gestes tendres qui cachent beaucoup trop de brutalité.
leur amitié n'a jamais été pure. leur amitié n'a jamais été vraiment dure non plus. mais c'est un nouveau tournant qu'elle prend…
un tournant-anarchie.