avant tu riais; ft jade

ils étaient alignés, de parfaits petits soldats exhibant fièrement leurs noms avec l'envie d'être caressés délicatement, avec l'espoir de voir leurs couvertures ouvertes, de voir leurs pages défiler, de voir leurs histoires dévorées. ils prenaient la poussière sur leurs étagères, parfait petit désordre de culture. il ne s'était jamais réellement attardé dans ces silencieux couloirs, entre ces allées intemporelles où se côtoyaient les siècles passés et présents. ses doigts effleuraient les tranches des livres. elles étaient rugueuses, lisses, rongées par le temps, par les gens, intactes, présentent par millier. on lui avait glissé dans le creux de l'oreille  qu'elle était probablement là, entre ces murs et qu'elle ne faisait qu'attendre, attendre que le temps ne file, que ses douces pétales de papiers ne fanent, assassinées secrètement par les éléments dévastateurs, la nature, l'homme, les années. il niait l'évidence d'une envie folle de retrouver sa soeur au travers de quelques jets d'encre sur une centaine de feuilles vierges, non, il détestait l'idée qu'il pouvait ne serait-ce qu'espérer l'apercevoir, la ramener à lui, un désire étouffé depuis des années maintenant, mais il était là, glissant entre les rayons, le regard filant, le coeur battant. il avait marqué un arrêt devant une petite étagère recluse dans un coin de la bibliothèque. immobile, il scrutait les lettres qui ornaient les tranches de quelques bouquins, les noms de famille, les prénoms, il les effleurait délicatement comme pour ne pas les tirer de leur sommeil, comme pour ne pas éveiller des démons endormis, mais ils étaient là, dissimulés derrière un patronyme des moins banals, jade heinrich. il n'avait retenu sa respiration que quelques secondes à peine avant de se jeter à l'eau. ses doigts avaient fermement agrippés le précieux ouvrage qu'il feuilletait frénétiquement jusqu'à ce qu'elle lui saute aux yeux sans crier gare. son visage immortalisé dans ce médiocre coin de papier. c'était une étrange sensation, ses traits ne lui semblaient pas si différents, finalement. sa chevelure ardente,  elle, continuait d'étinceler bien plus qu'autrefois, bien plus qu'à ses côtés. elle était nouée, sa gorge, resserrée par ces démons qui jubilaient autour de sa personne, heureux d'y voir là, l'occasion de revenir le hanter pour des années encore sans qu'il ne puisse répliquer de quelque façon que ce soit. et ils avaient raison, ils étaient victorieux, felix ne se doutait pas qu'à cet instant, ils lui sauteraient à la gorge, qu'ils l'achèveraient sans autre forme de procès.

La vie est un long fleuve tranquille qu'ils disent. Bah mon cul ouais. La vie c'est tout sauf une partie de plaisir c'est moi qui vous le dit. Depuis que ce connard de Dylan m'a laissé tomber comme une vieille chaussette devant l'autel. Fils de flûte tiens. Ce jour là, le respect est mort. J'en parle en rigolant mais en fait, c'est pas vraiment drôle, mais bon, j'ai bien assez pleurer pour ce sale con. J'fais la forte là mais wesh, ça va pas fort. Heureusement, j'ai mon métier pour me changer les idées. J'écris des bouquins, qui relatent un peu ma vie. Les deux premiers ce sont vendus comme des petits pains, heureusement pour moi. Maintenant, j'essaye de me pencher plus sur l'écriture de livre pour enfant, histoire de changer un peu. Enfin c'est surtout que les livres pour gosses, sont souvent frais et innocents. Tout ce dont j'ai besoin en ce moment. Et puis ça ne m'empêchera pas de repasser au young adult après. Pour le moment, j'dois me préparer. J'ai rendez vous sur le campus, à la bibliothèque pour parler de mon dernier opus et signer quelques autographes. C'est pas que j'aime ça mais bon, si j'refuse ça, j'vais passer pour ce genre de personne qui à la grosse tête et imbu de sa personne. Il me faut peu de temps pour me préparer et me rendre à la bibliothèque. On m'a réservé une table, non loin de l'entrée et dans un petit coin plutôt sympa. J'm'installe et j'attends. Autant dire qu'être là me saoule un peu. Ils viennent tous un par un, pour me parler de mon bouquin, certains font signer leur exemplaire et ça dure comme ça pendant un long moment. C'est pas vraiment une séance de dédicace parce qu'on discute plus qu'autre chose mais ça y ressemble un peu quand même. Ça dure un moment et puis, au fur et à mesure, tout le monde rentre chez soi et je peux enfin souffler. Genre vraiment. Il me faut peu de temps pour ranger ce que j'avais installer sur la table et une fois cela fait je me dirige sans vraiment savoir pourquoi dans les allées de la bibliothéque. Je remarque qu'ils ont pas mal d'exemplaires de mes livres et ça m'fait quand même un peu flipper. J'arpente les allées un moment avant de me rendre compte que je ne suis pas seule. Un jeune homme est debout en face de moi avec un livre dans les mains. Il me faut alors pas plus de quelques secondes pour le reconnaître. Félix. Mon grand frère. Celui que j'ai laissé tomber il y'a quelques années pour m'en aller et fuir la vie que l'on menait. Il doit m'en vouloir et il a bien raison si c'est le cas, moi même, je m'en veux toujours pour ça, mais à l'époque, je n'avais pas vraiment le choix. « Salut Félix. Ça fait longtemps. Tu vas bien ?» C'est nul, c'est bateau et il va très certainement me voler dans les plumes mais c'est tout ce que je trouve à dire là, sur l'instant.