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 Murky birth _(Tilem)

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MessageSujet: Murky birth _(Tilem)   Murky birth _(Tilem) EmptyMer 25 Juil - 12:49

Murky birth

« Putain ! »
Je jure en avalant une énième gorgée de liqueur. J’pensais qu’en passant la moitié la langue et le palais seraient suffisamment anesthésiés pour supporter la brûlure mais – pour pas changer – j’me trompais. Lily s’est pas foutue d’moi en m’offrant gracieusement cette bouteille de grand cru, tout droit sortie de derrière l’comptoir. C’est la seule de l’équipe qui a pensé à m’souhaiter mon anniversaire et Dieu seul sait comment elle a mis la main sur l’info.
Attention ; j’suis pas en train de m’apitoyer sur mon sort. Faut pas croire qu’ça m’embête de pas avoir droit aux traditionnels vœux, chants éraillés et bougies à souffler. Ma date de naissance n’est pas quelque chose que j’ai particulièrement envie de fêter mais plutôt d’noyer. Avec du whisky.

Alors voilà. J’suis planté sur ce rebord de mur ridicule – j’crois qu’on appelle ça un muret – les jambes dans l’vide et le goulot qui remonte aussi mécaniquement que des battements de cœur. Autour de moi l’sol est jonché de mégots que je m’applique à calciner régulièrement dans l’espoir de repeindre définitivement mes poumons de goudron. C’est un beau tableau, pas joyeux pour un sous mais parfaitement représentatif de ma p’tite personne.
Joyeux anniversaire Tim.
Les yeux dans l’vague j’essaie de m’remémorer ces autres célébrations qui ont ponctué mon existence.

Maman avait l’habitude de m’faire un énorme gâteau au chocolat qu’elle décorait toute la journée. Les présents étaient pas mirobolants, mais quand on est môme dans une famille peu friquée une simple voiture téléguidée fait l’bonheur.
Au foyer c’était l’pire : une bougie plantée sur un donut ou une part de brownie durcie par le temps. Quelques adultes qui s’époumonaient à contretemps et des battements de mains peu convaincants.
Puis y avait eu les adoptifs. Kurt et Jemma aimaient mettre les p’tits plats dans les grands en invitant toute une smala de gosses – que j’étais convaincu de détester pour la plupart. C’était alors une pile de cadeaux soigneusement emballés dans du papier brillant et desquels je me désintéressais immédiatement une fois déballés. Moi, l’môme mal dans sa peau qui savait plus où s’foutre devant tant d’attentions.
Non, définitivement, les meilleures célébrations avaient été avec la bande. On se retrouvait au skate park,  juchés sur la rampe, sous les étoiles, avec en tout et pour tout un pack de bières bon marché. On finissait bourrés comme des rats et de merveilleuses idées téméraires qui nous traversaient l’esprit. Comme la fois où il avait fallu réaliser l’défi de descendre en poirier sur la planche du skateur.
Et enfin le Sinner. Les tournées aux frais du patron. Les cachetons balancés ouvertement. Inévitablement, une fille avec laquelle finir la soirée.

Aujourd’hui y a plus rien. À part la fumée qu’j’essaie d’attraper avec les doigts et l’alcool qui me brouille l’estomac.

Je soupire. M’envoie l’ultime rasade. Désescalade le muret en ré-atterrissant mal sur mes pieds. J’fête mes vingt-quatre ans d’existence sur cette planète tout seul.
D’un geste puéril j’balance la bouteille – maintenant vide – dans l’obscurité. La loi de la gravité aboutie inéluctablement au bruit d’explosion du verre en contrebas. Quelqu’un gueule, mais j’suis déjà à vingt mètres, sans me soucier du crâne que j’aurais pu fracasser.
Je m’enfonce dans la nuit qui m’accueille comme une amie.

Une vieille dame ouvre gentiment la porte devant mes traits froissés de fatigue. Je la laisse passer galamment en lui tenant le battant tandis qu’elle me souhaite une bonne soirée.
Tu l’as dit mamie.
J’grimpe les escaliers quatre à quatre jusqu’à m’retrouver devant chez elle. Je balaie la sensation d’être un clébard en train de quémander une caresse. Elle m’doit bien ça cette conne.
Le poing fermé, l’haleine à faire retomber un ancien alcoolique, je me mets à cogner le bois. Ça résonne. Dans l’couloir, dans mes os, sous mon crâne. Les voisins ont pas intérêt à gueuler ; j’suis particulièrement chaud ce soir. Et bien décidé à pas bouger tant qu’elle se sera pas pointée.
« Salem… Salem ouvre bordel ! »
Fallait bien qu’ça tombe sur quelqu’un.
Fallait bien qu’ça tombe sur elle.


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MessageSujet: Re: Murky birth _(Tilem)   Murky birth _(Tilem) EmptyVen 27 Juil - 11:36


murky birth
and even if we were to part again, you will come back to me
je viendrai frapper à ta porte
en te maudissant, mon trésor
tu viendras frapper à la mienne
pour que je revienne encore

l’archet caresse le violon avec une douceur que l’instrument n’avait jamais connu. les cordes vibrent, vivantes enfin et roucoulent sur un tempo léthargique les notes d’une chanson d’autrefois. dans les appartements voisins, personne ne se plaint. c’est une première. la rue et la soirée, elle-même si le cœur lui en dit, peuvent dormir tranquille : la musique de salem accomplit son plus grand exploit ; elle chuchote, enjôleuse et câline à l’oreille plutôt que d’hurler à l’agonie comme elle a pourtant l’habitude de le faire. la mélodie s’épanouit dans son rayon radieux qui embrasse, embrase et réchauffe toute la pièce. elle prospère enveloppée de sa plénitude, à se nourrir d’un embryon de sentiment qui germe timidement dans le vide au creux des côtes de celle qui s’invente temporairement musicienne. l’humeur est à la mélancolie. il est possible – aussi délicat qu’il est de le croire – qu’assise à sa fenêtre, à faire danser l’archet sur sa piste cornue pour bercer la rue déserte ; salem soit triste. elle apparait figée dans la minute, prisonnière de l’instant présent scellé dans un concon neurasthénique à écouter le chant du violon qui prolonge sa perception du temps. elle ne saurait dire depuis combien de temps elle se tient là ou même ce qui lui traverse la tête autre que la musique. elle n’est même pas certaine de reconnaître ce qu’elle joue. pas de partition sous le nez malgré toute l’application qu’elle a, un jour mis dans l’apprentissage de leur lecture. cette fois-ci, salem joue de mémoire un morceau d’il y a longtemps. du moins, elle le suppose. elle se laisse aller au vague de ce que son émotion manifeste et chaque nouvelle note murmure. ce qu’elles disent est un secret, un tabou, un blasphème mais surtout un prénom. salem est triste, il se pourrait qu’elle joue pour lui.

étouffer de toi.

et soudain elle se sent lasse. ça ne devrait pas être exceptionnel, mais c’est différent des autres fois. ce n’est pas la lassitude ordinaire, celle qui s’assimile à l’ennui. celle qui donne envie de brûler des châteaux pour le plaisir de les regarder partir en fumée, pour le divertissement des flammes. ce n’est pas le genre de lassitude qui pousse à aller provoquer le premier sans-abri d’une ruelle mal éclairée et à le mettre au défi de taper aussi fort qu’il le peut pour cinq dollars. ce n’est pas la lassitude d’un trou béant dans la poitrine ; mais plutôt celle du sentiment qui le comble. il est pesant et indigeste et sa présence n’est rien d’autre qu’un fardeau. mais même salem ne sait s’y soustraire, c’est sa musique qui le dit – les doubles croches parlent pour elle bien qu’elle n’ait rien d’une artiste.
elle le déteste.
il lui manque.
tim est un connard.
un de ces démons de malheur.
et la légende raconte qu’il suffit de penser à eux juste un peu et de les haïr à peine plus pour parvenir à conjurer leur présence. car il y a à la porte de salem, comme apparu tout droit des anathèmes qu’elle lui jetait en pensées, tim et sa grande gueule et son vacarme et son chaos. l’archet trébuche sur ses pieds de colophane et crie fausse note.
salem ne joue plus.
salem attend.
peut-être qu’il partira.
mais elle sait qu’il ne partira pas.
le violon lui reste dans la main lorsqu’elle se lève. elle soupire déjà de l’orage qui se prépare. pour une fois, elle n’est pas d’humeur à prendre les armes. et si elle avait su qu’il suffisait de s’évoquer son fantôme pour le voir apparaître, elle aurait arrêté d’y songer. malgré tout, néanmoins, elle s’en va lui ouvrir la porte. « ça va. t’es pas obligé de crier. » elle aimerait bien l’abandonner sur le palier et laisser entre eux une serrure comme il se devrait d’être. elle ne veut pas de son désordre dans son appartement bien trop grand depuis le départ d’andréa, bien trop propre et bien trop rangé aussi. salem ne lésine pas sur l’ordre chez elle. d’après les psychiatres, c’est une question de contrôle. alors pour le garder, elle voudrait bien fermer sa porte dès maintenant. mais elle ne fait pas. au contraire, elle recule. pas assez pour qu’il le prenne comme une invitation à faire comme chez lui, mais suffisamment pour qu’il puisse passer s’il le souhaite. c’est souvent comme ça entre eux finalement : un entre-deux qui tangue, des limites floues. « qu’est-ce tu veux ? t’es venu chercher ton pull ? » celui-là même qu’elle avait emporté la dernière fois et qui, même après le lavage, avait gardé l’odeur de ses insultes. elle ne l’avait jamais remis, jamais retouché. il attendait et il attend encore plié sur la commode que quelqu’un – lui – vienne le chercher ou que quelqu’un d’autre – elle – se décide à le brûler. elle serait ravie de lui rendre et ainsi d’expulser chaque parcelle de son être sinon de son système, au moins de sa chambre. « tu sens comme une distillerie. t’es bourré ? » elle ajoute en remarquant l’odeur. elle fronce le nez. elle n’a pas envie de devoir gérer un tim alcoolisé déjà ingérable lorsqu’il est sobre. ce soir, et même si c’est étrange, elle n’a juste pas envie de se battre.

(© icons – the riddler)
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