Poe était écrasée juste là, le visage contre sa patte, l’air ennuyé. Le museau couvert de quelque brins d’herbe fraichement coupé. L’ombre d’un arbre sur son pelage, un instant dansante sous l’effet d’une légère bourrasque. Journée lourde. Le vent soufflait par contre-coup. Stelly replaça maladroitement une mèche de cheveux de sa petite coiffure banale, du bout des doigts. Plantée au milieu de l’allée. Le regard fixée sur la chienne, totalement insensible à sa présence. Une tête relevée. C’est tout ce à quoi elle avait eu droit à son arrivée. Elle était encore en dilemme. Savoir si elle aimait bien cet animal ou non. Si seulement Poe était plus accueillante. Avait ce bête sourire qu’on normalement tout les chiens, les rendant si attachants.
Pourquoi pas toi, hein ma belle ? Mais la boule de poil n’était qu’une brève distraction.
Toujours un brin d’hésitation, à l’idée de cogner à cette porte.
La faute des attentes obstinées.
De l’appréhension.
Elle expira doucement en détournant le regard vers la pierre grise de l’allée. Loucha bien vite sur ses souliers, sur lesquels était resté accroché, quelques fragments de gazon humide.
Ses souliers blancs. Une mince moue traça ses lèvres, brièvement. Puis elle serra un peu plus son sac contre son flanc. Et glissa doucement ses pieds en direction de l’entrée.
Elle cogna, quelques coups timides. Pas assez forts, certainement. Inutiles, de toute façon. Stelly avait cette vilaine manie; entrouvrir la porte, appeler de sa petite voix, souvent cassée, à la première syllabe. Faiblement rattrapée à la seconde prononciation.
Ezra détestait ça. Mais même quand elle se raisonnait. Une attente de réponse trop longue faisait palpiter son petit coeur. La poussait à tourner dans l’immédiat cette poignée familière.
Reconnait ma présence, reconnait là tout de suite.«
Ezra ? » Son visage glissé à l’intérieur. Son corps fin s’y faufilant à son tour, sans trop de bruit. Déplaisante personne qui s’incruste.
Indésirable. Elle referma doucement derrière elle, un cliquetis discret. Pinça les lèvres, ouvrit un peu plus ses yeux, cherchant déjà la pièce, l’espace.
Non, peut-être pas cette fois. Peut-être chaleureusement accueillie aujourd’hui. Peut-être un grand sourire, une voix douce. Peut-être, cet après-midi.C’est ce genre de pensées naïves qui la faisait constamment revenir, après tout.
Elle s’avança de quelques pas lents dans l’entrée. Toujours le pied doux, parce que tout ici semblait un peu précieux, un brin sacré. Les mêmes pièces qu’auparavant, dans son imagerie. Une atmosphère différente. Elle l’oubliait toujours, devant la jolie façade de bois foncé, ce changement. Répondait donc à cette impulsion, ce geste connu. Cette façon qu’elle avait d’imiter le passé. Pour se heurter chaque fois à l’air chargé du hall d'entrée. Et y demeurer. En attente. Il trouvait le chemin jusque là.
N’avait pas forcément choix, Stelly n’en partait pas. Et sa présence maussade se sentait jusqu'au fond de l'atelier. Un acharnement aussi pathétique qu’inutile. Ne trouvait absolument aucun écho.
Mais peut-être aujourd’hui. @Ezra Hitchcock