manger les étoiles (blaise)

manger les étoiles

Le coude posé sur la table, la tête sur ta main tu griffonnes l’animal sur ta page blanche. Ça ressemble à un chien. Ou peut-être même un chat. Sous différents angles on dirait un cheval. C’est peut-être même pas humain, ça ressemble pas à grand-chose, une espèce d’hybride animal. Ça te fait marrer, tu te redresses un peu, étend des jambes dans un long soupirent. T’écoute d’une oreille distraite le vieux qui parle sur un écran géant. Tu sais pas tellement de quoi il parle, faut dire que t’écoute pas grand-chose, que tu’as dans ton oreille l’écouteur qui te permet d’écouter la radio en direct. Tu ricanes toute seule, tu dois passer pour une folle et ce n'est pas bien grave. Tu fais le décompte dans ta tête, calcule les minutes qu’il te reste à tirer. Résultat : beaucoup trop. Heureusement y'as ton téléphone qui vibre, le message qui arrive, la fille d’hier soir, la femme de ta vie. Ça te fait sourire. Elle a un plan bien plus alléchant que ton cours de sociologie, elle a cuisiné, de jolie petite cupcake qui brille. Elle te propose de la rejoindre. T'sa rien d’autre à faire, alors t’accepte. Non en fait t’accepte parce que t’en a envie, parce que cette fille t’a plu dès que tu as croisé son regard la nuit dernière, parce que cette fille a quelque chose d’attirant. D’étrangement attirant. Tu ranges tes affaires, discrètement, une main sur le bras de ton collègue étudiant –qui te regarde avec des yeux ronds, d’une parce que tu le déranges, de deux parce qu’il t’a jamais vu dans le coin-. « Tu m’enverras le cours ? », tu le connais pas, ni d’Eve, ni d’Adam et tu t’en fous comme de l’an quarante de ce cours. Tu t’éclipses, en toute discrétion et au fond tu sais même pas pourquoi vu que le prof n’est physiquement pas là. Tu te grilles une clope en traversant le campus, faisant cliqueter tes talons sur le macadam brûlant, les lunettes de soleil sur le nez. Lunettes que tu prends même pas la peine d’ôter quand tu poses la bouteille sur le comptoir, faisant face aux grincheux qui te réclament ta carte d’identité. « Sérieux ? », tu le toises par-dessus tes verres, « Mec tu vois ma carte toutes les semaines, tu sais bien que j’ai plus de vingt et un ans », faux. Archi faux. T’en a même pas un. Mais ta carte est bien faite. Fabrication maison. Il hausse les épaules, te laisse partir après avoir vu le petit carré de plastique. Tu traverses la ville avant de sonner à l’adresse qu’elle ta filer par SMS. Ce n'est pas très loin, tu’es chez elle en quelques minutes, écrase ton doigt sur la sonnette, relevant tes lunettes. Tu l’accueilles en montrant la bouteille de vodka comme trophée. « Salut », tu joues des sourcils alors qu’elle te laisse entrer, pose la bouteille a coté des pâtisseries. « Voilà ce qu’il devrait nous apprendre en cours… », tu poses ton cul sur le canapé, fais comme si tu’étais chez toi. « L’association des goûts et des couleurs », tu ricanes un peu, impatiente d’y goûter. Aux gâteaux comme à la fille.

Janis. C'est marrant parce que c'était le prénom que t'avais donné à ton premier chaton en croyant que c'était une fille. Comme Janis Joplin, ton chat avait l'air d'avoir consommé quelque chose, puisqu'il ne marchait jamais vraiment droit, comme un chat normal et c'est justement pour ça que tu l'aimais. Pourtant un jour, tu t'étais rendu compte qu'elle avait des couilles immense, Janis. Alors soit elle était hermaphrodite, soit ils s'étaient salement trompés à la SPA en te disant que le félin était une femelle. Tout ça ne faisait qu’agrandir ton sourire davantage. Parce que, hermaphrodite ou pas, cette Janis, elle avait l'air cool. Quand tu l'avais rencontrée la vieille, elle avait plongé ce petit regard dans le tien. Le genre de regard qui accroche, qu'on oublie pas rien que comme ça. Et toi, tu lui avais demandé son numéro, bien sure. T'aurais pas laissé filer un beau spécimen comme ça, sans rien.


Quelques textos plus loin, tout juste le temps de ramasser rapidement les dégâts de farine qui marquent encore tes vêtements et ton comptoir, la belle blonde sonnait, cognait, whatever, ça sonnait dans ton coeur, du moins. Bondissant sur tes pieds pour aller la retrouver. Fallait juste faire un peu attention, parce que souvent, y'avais des filles comme ça, qui déconnaient genre t'es la femme de ma vie ouh ouh. Et puis qui se révélaient être vachement hétéro et qui au premier effleurement de lèvres, te faisais une syncope. Quand t'ouvres la porte, tu constates avec joie qu'elle a emmener son amie, Vodka. C'est parfait, un threesome, ça te va. Elle joue des sourcils et tu rigoles. Tu la laisses entrer, referme la porte derrière. Elle pose la bouteille, retrouve ton canapé, très à l'aise, t'aime bien, t'aimes beaucoup même.

« Et vous apprenez quoi, sinon ? » Que tu la questionne le temps de ramener deux verres, de vous en servir chacun un et de lui filer dans les mains. Comme ce cupcake aux couleurs de l'univers que tu lui files entre les doigts. C'est pas bien, t'en consommes trop souvent, faudrait que tu penses à en vendre, aussi, un peu, plus. Mais bon, la petite à ramener de la vodka. « Prête à être salement défoncée ? » Que tu la questionnes avec un clin d'oeil, allant cogner ton verre contre le sien avant de plonger tes dents pour les noircir de sucre, de beurre et de cannabis.

manger les étoiles

Tu sais pas tellement pourquoi t’a accepté l’invitation de cette fille, c’est vrai quoi, tu la connais pas tant que ça, et qu’est-ce qu'elle te disait m'man quand t’étais gosse ? Non, elle t’a jamais dit de ne pas parler aux inconnus, t’as dû entendre cette connerie à la télé. N’empêche que t'as jamais pris cette recommandation au pied de la lettre, t'as jamais compris non plus pourquoi on disait de se méfier des inconnus quand le danger pouvait venir de sa propre famille. Bref, tu sais pas tellement pourquoi t’a répondu à ce message, peut-être parce que tu t’ennuyais à crever en cours, peut-être parce qu’il y avait cent fois plus intéressant que d’écouter ce qu’un vieux débite d’une façon robotique, peut-être aussi juste parce que t’en avais envie. Ouais, tu parierais là-dessus. T’en avais envie. Parce que cette fille t’a tapé dans l’œil quand tu la croisé la veille au soir, lors de cette soirée. Ça non plus tu sais pas bien l’expliquer, tu sais pas bien dire pourquoi, pour ses yeux noirs, son beau brun ou ses tatouages qui marquent sa peau, ou bien pour tout le reste, tout ce qu’elle dégage. Et t’es bien contente d’avoir reçu ce message, ce texto qui t’offre une porte, une délivrance, la liberté. Tu quittes le cours au plus vite, t’arrive les bras chargés d’une bouteille de vodka. Tu t’en fous pas mal de savoir qu’il n’est pas encore dix-sept heures, ou que ce n’est pas une vraie heure pour boire. Et toi tu fais comme chez toi quand elle t’ouvre, t’accueille dans son appartement, tu déposes ta bouteille, tombe dans le canapé, devant les cupcakes magiques. Tu ricanes en lui parlant de tes cours, elle te demande ce que t’étudie. Pour de vrai. Pas l’art et la façon de faire ce genre de pâtisserie –même si tu trouves ça bien plus enrichissant-. Tu soupires en posant tes yeux sur elle. « un tas de connerie qui me serviront jamais. Qui doivent pas servir à grand monde d’ailleurs », toi t’a accepté d’aller à la fac pour faire plaisir à m'man, parce qu’elle pense toujours que l’université fait des gens bien, des gens avec de l’avenir. T'y crois pas trop, mais au moins ça te donne quelques années de plus pour penser à ce que tu feras plus tard. Un peu de répit. Et puis y'a la radio. Rien que pour ça t’accepte de passer quelques heures à user les bancs de tes cours. Tu pourrais pas l’animer si tu’n'étais pas étudiante, si tu’n'avais pas le laissé passer pour traîner sur le campus toute la journée. Ça te va bien pour l’instant, et puis t’aura toujours le temps de voir plus tard pour changer ta vie. La brune te colle un verre de vodka dans les mains, un cupcake dans l’autre, t’apostrophe d’un clin d’œil quand elle te demande si tu’es prête à te défoncer. Tu lui offres ton plus beau sourire, avant de boire le shooter de vodka. Tu grimaces. « J'suis faites pour ça ! », et c’est la triste vérité, t’es trop souvent défoncé, trop souvent en gueule de bois, à un tel point que tu’as commencé à t’habiter estimant que ça faisait d’avoir la tête dans un étau et le corps endoloris. On ne peut pas dire que t’a un problème avec l’alcool, on peut juste dire que t’a un problème pour dire non aux gens qui te proposent de sortir et de boire. Tu croques dans le cupcake, lutte pour pas en foutre partout, laisse le gras et le sucre glisser sur ta langue. « Pt 'ain… », t’avale doucement, « c’est une tuerie ce truc… », tu dégustes le reste de ton gâteau en silence. Jamais ton été trop gâteau en étant plus jeune, mais avec le temps t’a appris à apprécier le gout du sucre, et puis t’en achète jamais toi, et t’en fais encore moins alors quand une occasion comme celle-ci se présente, tu la dégustes. Tu ressers deux shooter de vodka, te penche un peu vers la table. « C’est ton job ? », après tout tu connais pas grand-chose de cette fille, ne serait-ce que son prénom et son adresse. Peut-être bien qu’elle est ce genre de fille créative qui passe son temps dans la cuisine et la farine.