(nora) enfant désastre.

( la tête tournée vers les étoiles )
ABSENCE - nora, pourquoi t'as pas de papa ? y a que des questions sans réponse pour nora. nora, c'est à l'orphelinat qu'elle a grandi, fille de tout le monde et de personne. des mensonges pour palier au vide, des grognements pour cesser la curiosité. nora, elle sait pas. ni qui est elle est ni d'où elle vient. elle se contente d'errer, le trou béant au fond de la poitrine, sans même plus chercher à connaître. rien que chercher à survivre. MORSURE - mauvaise manie qu'elle se trimballe depuis l'enfance, planter ses crocs partout là où elle le souhaite, pour montrer son mécontentement, faire part d'un caprice, et faire mal, aussi. surtout. nora, elle laisse la trace de ses canines sur les épidermes, en souvenir de la marque identique qu'elle trimballe encore, des années plus tard, sur l'épaule gauche. vieux souvenir de l'orphelinat, où seul le plus fort s'en sortait vivant. LOYAUTÉ - y a qu'une parole dans la vie et nora ne brise jamais la sienne. jamais. nora, elle a déjà trop vécu les promesses en l'air, les départs soudains. les abandons répétés. nora, on l'a laissée derrière et on l'a oubliée, au profit d'une vie meilleure. et nora, elle déteste tous ces gens pour avoir osé s'en aller. alors nora quand elle promet, elle tient. et nora quand elle promet, elle attend la même chose des autres. elle donne pas sa confiance facilement nora, mais quand on l'a, c'est pour la vie. LIÉS - ils ont cinq ans quand ils partagent le même dortoir, nora et sil. la petite tête bientôt décolorée - résultat raté d'une histoire bien drôle - de laquelle elle s'est tout de suite méfiée, jusqu'à la bagarre qu'ils ont créé parce que y a que comme ça qu'ils savent communiquer. ça commence par une baston à cinq ans et ça finit main dans la main des années plus tard. nora et sil, c'est une histoire qui dure depuis toujours, une histoire qui ne s'arrêtera pas même lorsque la mort les séparera. sil, c'est tout ce qu'elle a. la famille décomposée et le frère qu'elle n'a jamais eu. PÉPITOS - se damner pour un paquet de pépitos. y en a peu qui en seraient capables, mais nora l'a déjà sûrement fait plus d'une fois. un petit paquet de gâteau qui signe l'entrée au paradis. le goût divin du chocolat sur les lèvres, l'adrénaline du coeur, quand elle coince le paquet sous le manteau, avant de sortir de l'épicerie comme si rien n'était. et se sentir vivante. COLÈRE - colère rouge et noire, aussi sombre que l'esprit, aussi bouillonnant que les instincts. nora, elle a la rage au creux du ventre, la colère pour seul moteur. nora, elle est en colère contre tout et n'importe quoi, contre tout et rien à la fois. et contre le monde entier, surtout, pour ne pas vouloir la laisser s'évader. elle a la rage de ceux qui se relèvent toujours, peu importe avec quelle force on tente de les mettre à terre. GROGNON - pas l'ombre d'un sourire sur les joues rondes, rarement l'éclat d'un oeil malicieux, au détour d'une blague mal affirmée. nora, elle a la vie marquée sur le visage, les grognements à toutes les occasions pour rappeler qu'elle a pas envie d'être là. elle a pas beaucoup d'amis nora, pas beaucoup de gens qui savent faire tomber le masque. et c'est très bien comme ça. FOLIE - y a quelque chose qui tourne pas rond chez nora. on y met pas exactement le doigt dessus, ça plane dans l'air comme le silence retombe après la guerre. mais c'est là, jamais très loin, au détour des crises piquées sans trop de raison, des colères démesurées déclenchées sans même comprendre pourquoi. nora, y a le trou noir de la folie qui l'appelle quand elle s'y penche un peu trop fort, le corps qui oscille entre les deux, quand l'esprit, lui, a déjà sombré. ASPHYXIE - y a ses mains qui se referment autour de son cou et ses lèvres qui parfois se scellent aux siennes, juste pour prouver qu'elle est sienne. dans les jours sombres il la sent presque tendre le cou dans sa direction, l'invitation divine et dévastatrice à y poser les doigts. dans un regard y a la couleur de la haine, dans un baiser souvent le goût de l'enfer. et quelques lambeaux d'amour, parfois, quand le coeur s'en mêle. et y a ce besoin vicieux de posséder, même tout ce qui est abstrait. entre vents et marées, entre ouragans et cataclysmes. entre violence et tendresse, souvent même entre haine et amour, ils s'accrochent et ne se défont plus. ainsi va l'histoire, des désirs déchaînés et des amours inavoués. ECCHYMOSES - de la couleur sur la clavicule et les omoplates. les genoux éraflés, les phalanges rougies. nora, elle tape. nora, elle bouscule, se jette dessus, sans penser à demain. elle crache comme les garçons et s'en va en relevant sa capuche, parce que c'est comme ça qu'elle a vu faire, depuis tout gamin. se battre comme un homme pour oublier qu'elle n'est rien d'autre qu'une fille. ORGUEIL - quelque part dans la lueur du regard sombre et dans le palpitant affolé, il y a l'écho de l'orgueil qui gît, mis à mal. nora, c'est droit dans les yeux qu'elle scrute et c'est le menton bien relevé qu'elle ignore. nora a toujours raison. nora n'est jamais coupable de rien. et dans les étranglements coincés au fond de la gorge, gisent tous les secrets qu'elle ne dira jamais. des lettres immondes et répulsives formées par les excuses, ce dont elle ne sera jamais capable. TOXIQUE - des lambeaux de peau déchirés auxquels s'accrocher et des plaies à creuser pour y trouver sa place. nora, elle s'accroche aux gens et ne les laisse jamais partir, les garde bien jalousement pour elle, pantins de ficelles qu'elle manie à son goût. nora, c'est la tumeur sous la peau, le poison qui remonte délicieusement les veines. la violence de son amour qui claque en pleine gueule et toute une vie pour se remettre de son passage dévastateur. LUNE - la lune, y a que sa lumière dans le ciel pour rappeler à nora qu'elle est sur terre. comme un point d'ancrage, la seule qui sera toujours là. rendez-vous tous les soirs, à la sortie des arcades. la tête levée vers le ciel pour l'apercevoir, et sentir le palpitant qui se calme. un bracelet à la forme identique autour du poignet qu'elle ne quitte jamais, comme un porte-chance qui n'apporte rien que du malheur. mais nora, elle aime bien croire que la lune veille sur elle comme une enfant perdue.AIGUILLES - y a le visage de nora qui pâlit à vue d'oeil quand elle se trouve en compagnie des fines piquantes, la nausée qui la prend si elle s'en approche d'un peu trop près. phobie irrationnelle dont elle n'arrive pas à se défaire. sans aucun doute l'une des raisons qui la fait fuir les hôpitaux comme la peste. nora, c'est un bébé qui a peur des aiguilles et plutôt mourir que de laisser quelqu'un s'en apercevoir. AUTO-DESTRUCTION - y a pas de compétences grandioses qui fassent sortir nora de l'ordinaire mais s'il fallait compter son habilité à tout détruire, alors on la couronnerait dans la minute. de la maladresse naturelle à l'attrait sombre pour l'annihilation, nora se fait reine du bas monde, sous-fifre des enfers. du verre brisé aux mains couvertes de sang, de tous les coeurs qu'elle a déchiré, nora laisse sa trace partout où elle passe, le meilleur venin de tous. avec pour seule réussite, détruire et s'auto-détruire.