shattered (nana)

elle a un goût d’ailleurs, mila. ce genre d’envie irrépressible de laisses ses semelles râper l’asphalte brûlant jusqu’à ce que l’épuisement lui extirpe toute pensée de la boîte crânienne. une envie de néant, de vide, qui lui berçait l’âme jusqu’à ce qu’elle ne soit plus qu’oublie volage et une accalmie profonde des sentiments. elle veut brusquement connaître d’autres couleurs, d’autres visages aux traits différents et aux sourires tordus par d’autre maux. peut-être d’un autre langage aussi, qui semblerait plus poétiques avec ses sonorités gutturales et le mystère des mots qui le composent. elle n’aurait plus qu’à sonder les coeurs au fin fond des pupilles, et à imaginer les sentiments à des froissements de sourcils. comme exténuée de ce quotidien qui l’emprisonne entre les mêmes rues froides et mille fois parcourues qu’elle en connaît même les crevasses qui zèbrent ses murs. elle veut enivrer ses pupilles de tout nouveaux nuanciers, mais sans réellement pouvoir, ni même vouloir finalement. elle se retrouve simplement à marcher, un peu trop lourde sur ses jambes fuselées, et l’esprit bien trop chargé pour penser à s’égarer dans les nébuleuses accrochées dans le ciel toujours azur. elle cherche, mais sans réellement en connaître l’objet. alors elle ne trouve pas, et sent l’exaspération qui lui enlace la trachée. mais elle continue, avec cet engouement futile et absurde, à errer jusqu’à s’en fatiguer le corps. jusqu’à ne plus trop savoir où elle est, si ce n’est toujours ici. toujours trop proche. pas assez loin. et c’est quand finalement elle sent le crissement d’une terre moins dure sous ses chaussures, et qu’elle sent les effluves fleuries délicate lui chantonner aux narines qu’elle mets un nom sur les lieu. le parc. c’est toute une effusion de couleurs vivaces qui se mélangent en véritable kaléidoscope sur sa rétine, et c’est foutrement agréable. suffisamment pour qu’elle s’abandonne dans son errance pour se laisser tomber sur un des bancs qui jalonnent le lieu, regard perdu dans un émeraude dégoulinant à profusion. ce sont les secondes qui maintenant reprennent leur course, un peu plus mollement. comme si le temps était suspendu quelque part, ce sont seulement les quelques respirations qui remuent sa poitrine qui lui rappelle son défilement doux. mais le repos est court, bien trop vite assassiné par des échos de voix à la sonorité atrocement amer. sans trop savoir pourquoi, c’est ses yeux qui coulent de droite à gauche pour chercher à trouver la source du dérangement, jusqu’à ce qu’ils s’échouent sur deux silhouettes. nana. bien trop occupée à aboyer sur ce même type que lorsqu’elle faisait encore partie de son quotidien, et que le souvenir de son visage était frais dans sa mémoire. l’impulsion violente qui se mélange à ses veines, elle se sent se relever et réduire les distances jusqu’à eux, à mesure que les mots résonnent avec plus de clarté contre ses tympans et qu’ils forment un semblant de sens. laisse la tranquille, tire toi. ça ressemble bien trop à des mots expulsés abjectement de ses propres lèvres, tandis que ses yeux sont perchés dans ceux du mec de nana. mais y’a toujours cette affection pour elle, nichée quelque part dans son palpitant, qui se réveille. et c’est probablement pour ça qu’elle supporte pas sa présence à lui, et qu’elle préfère l’observer en fuyant lâchement la brune du regard.

aujourd'hui, c'est balade en amoureux. pas vraiment son genre à nana, les balades main dans la main, l'sourire niais accroché au visage. mais elle a l'impression qu'elle doit lui bien ça, à jax. qu'elle lui doit bien de faire semblant d'être toujours là. au moins un peu. alors elle avance, accrochée à ses doigts comme à une bouée de sauvetage. comme si le simple fait que prétendre que tout allait bien allait aider. nana elle soupire. plus pour elle-même que pour les autres. le cerveau embrumé. elle sait plus où aller. et jax, il a l'air nerveux. les doigts qui se resserrent autour d'ceux de nana. le regard rivé droit devant. y'a comme un compte à rebours. la bombe est prête à exploser. y'a comme une fissure entre eux. un truc de cassé mais nana elle veut pas l'avouer. il s'arrête. c'est net. nana elle a l'impression d'avoir percuté un mur. il s'tourne face à elle. sans pour autant lâcher ses doigts. pas encore. qu'est-ce t'as nana ? sourcils arqués, elle plonge ses yeux dans les siens la gosse. on s'demande si elle fait semblant d'pas comprendre. ou si elle comprend vraiment pas. comment ça qu'est-ce j'ai ? il soupire. lâche enfin ses doigts pour venir se frotter le visage. joue pas à ça. nana elle croise les bras, on dirait qu'la conversation prend une tournure à laquelle elle s'attendait pas. t'es ailleurs en c'moment. les yeux plongés dans les siens, il jauge. on dirait qu'il essaie de comprendre. parle moi putain. elle sait pas nana. elle sait pas ce qu'elle a. elle sait pas ce qu'elle veut. elle sait même pas où elle va. j'ai rien jax. c'est sûrement pas ce à quoi il s'attendait. il s'met à rire. rire jaune. y'a un autre mec, c'est ça ? c'est au tour de nana d'se mettre à rire. un autre mec ? sûrement pas. rien à voir. c'est elle le problème. juste elle qui n'sait plus dans quelle direction elle doit aller. juste elle qui a l'impression d'être paumée. n'dis pas n'importe quoi. il secoue la tête, hausse les épaules. j'te crois pas. lèvre retroussée, sourcils froncés. nana elle lève la tête vers lui, visiblement agacée. tu sais quoi, va t'faire voir. j'ai autre chose à foutre que de m'occuper d'tes problèmes imaginaires. elle se braque nana, signe qu'il y a bien quelque chose qui cloche. le cerveau qui s'agite dans tous les sens. elle s'apprête à faire demi-tour. à le laisser planter là. fuir. mais il la rattrape par le bras et la ramène vers lui. on a pas fini d'parler. la mâchoire qui se serre. nana elle plonge ses yeux dans les siens. oh que si. elle secoue l'bras pour s'détacher d'son emprise. on parlera quand tu te seras calmé. nana elle a pas l'temps de continuer. y'a cette voix qui arrive à ses oreilles. comme un écho du passé. jax il a l'regard qui se durcit, les prunelles qui s'pose sur celle qui vient d'arriver. t'es qui toi ? c'est mila. elle a envie d'lui dire nana. mila ma copine. mila mon amie. mila qui est partie. qui m'a abandonnée. mais elle dit rien d'tout ça nana. pas la moindre attention pour celle qui vient de s’immiscer entre eux. un problème à la fois. d'toute façon elle aussi, elle fait comme si nana elle existait pas. d'toute façon on avait terminé jax. il secoue la tête. appelle moi quand t'iras mieux. sourire narquois qui étire ses lèvres. c'est toi qui va pas bien nana. alors compte pas sur moi pour revenir vers toi. il la laisse là. sans un dernier regard. nana elle en oublie presque mila. mila qui est toujours là. jusqu'à ce que son regard se pose enfin sur elle. mélange de joie et d'incompréhension. partagée entre l'envie d'lui dire qu'elle lui a manqué et celle de lui hurler dessus. j'peux savoir pourquoi tu t'mêles de mes affaires ? elle lui crache son venin au visage. j'peux savoir pourquoi tu m'as abandonnée ? ça elle le dira pas. jamais. tu t'ennuies dans ta nouvelle vie ? sinon pourquoi t'es là, plantée devant moi. trop de questions mais aucune qui n'sort de sa bouche. trop blessée. trop perdue.

Spoiler:

un goût d’antan déposé le long des papilles, noie la langue sous ses effluves douce amère. ce sont les souvenirs, les réminiscences, et les balafres qui deviennent vives et carmines le long d’un épiderme que l’on pensait cicatrisé depuis bien longtemps. plaies qui deviennent béantes sous le joug impérial du regard qu’elle évite, avec les contours d’une silhouette trop souvent observée, chérie même. parce qu’elle l’avait aimée, nana. du bout de ses quelques centimètres en moins, et de ses sourires dénués de tout autre artifice. purement, avec cette affection simple et douce. ancienne amie qui n’est plus qu’un cimetière grotesque de tout ce qu’elle a abandonné en tournant les talons sur cette vie écœurante de profusion et de poussière dorée à s’en écorcher la cornée. comme des affamées de la lumière, du surplus. noyée dans un quotidien où tout n’était jamais assez beau, aussi luxueux. assez vrai. que du bonheur en toc qui viciait les veines, en écœurait les bouches. petit à petit, à mesure que les soirées à se complaire dans les apparences, le masque s’était ébréché. fissuré jusqu’à éclater en mille fragments qu’elle n’avait même pas tenté de ramasser, usée de devoir s’écorcher les doigts pour ensuite masquer les coupures à coups de sourire fabriqués. empire en toc. aseptisé sous un béton brûlé par l’astre solaire, dépecé par un trop insuffisant. c’est un mélange grossier de tout ça qu’elle sent remonter jusqu’à ses lèvres, alors même qu’elle n’a fait que respirer le même air qu’elle. il est comme chargé de ce soufre de l’amertume, semblant de regret qui se profile à l’horizon maintenant qu’elle est confrontée à ce qu’elle a abandonné derrière ses empreintes. celle qu’elle a abandonné. lâchement, avec le traitement rance du silence. passage trop brutal du tout au rien. de l’omniprésence à l’absence absolue. nœud qui vient étreindre les boyaux, tordre les lèvres alors qu’elle sent les scrupules s’immiscer dans le torrent de ses veines, se propager dans chaque recoin de son être engourdi par l’appréhension. la remarque du type à son égard qui lui éveille un peu plus la conscience, tandis qu’elle se laisser emporter dans son introspection. elle les laisse parler, s’aboyer vilement des mots aiguisés. cherchent à démêler le sens de l’échange, comprenant assez rapidement le type de relation qui les lie l’un à l’autre. et c’est dolent d’avoir sa nouvelle vie à elle qui dessine ses contours austères devant ses pupilles. sans elle. pas une once d’allégresse dans ses dires, et ça lui fait arquer légèrement le sourcil. puis il s’en va, et c’est plus qu’elles. et ses yeux qui finalement s’attardent jusqu’à elle, sensation oubliée, gommée par les moments passées loin l’une de l’autre. et évidemment, aucune trace de douceur. seulement un brasier de reproches à moitié dissimulées qui dégoulinent de ses phrases. désolée, sûrement un vieux réflexe. les mots qui claquent contre le palet, piquée par l’animosité qui jusqu’alors ne lui avait jamais été destinée. elle l’avait vue, la tornade nana. mais elle en avait jamais senti les souffles abrasifs contre son propre épiderme. c’est vrai que ta vie a l’air tellement plus amusante. regard qui s’échappe pour pointer la silhouette gommée de ce qu’elle suppose être son copain qui s’éloigne. c’est qui lui? ton nouveau clébard? la mâchoire qui s’enserre un peu plus à chaque seconde interminable qui s'égrène, renforce le regret qu’elle ressent de s’être interposée. de la confronter elle, sans trop savoir pourquoi.  

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