devil wrapped in silk (billy) terminé.

Gemma ne fait pas dans les sous-entendus en sucre. Elle est brute et véhémente, te plaque contre le mur ou te tourne le dos. Sa subtilité est souvent mystique, toujours lascive, mais si Billy a quoi que ce soit à lui dire, elle est bien déterminée à ne pas lui mâcher le travail. A aucun d'eux, d'ailleurs. Aussi, quand il lui répond énigmatiquement mais avec une transparence quasi touchante, elle lui tourne le dos. Prétend ranger ses flacons de thé en vrac. Elle a divers épithètes, Gemma. Fleur bleue n'en fera jamais partie, et il faudrait que Billy s'en aperçoive de lui-même. Juste un baiser. C'était juste un baiser. Elle les distribue avec autant de régularité que les gifles - et franchement, elle y prend le même plaisir. C'était un baiser très réussi, certes. Particulièrement délicieux car il n'engageait à rien, un baiser qui se contente des lèvres, des mains, qui ne réclame rien de plus que de faire durer le moment. Pas une porte d'entrée vers plus, pas un prélude. Gourmand et gourmet, l'art pour l'art. La dernière fois qu'on l'a embrassée comme ça, comme si c'était assez, comme si le baiser valait le détour à lui seul, elle avait quinze ans. Avec Billy, l'autre soir, dans leur alcôve, elle avait quinze ans à nouveau. C'était agréable, le retour dans le temps. C'était une expérience - et précisément, c'était rien d'autre que ça. Elle pensait avoir été assez claire. Elle pensait que sa personnalité entière clamait haut et fort qu'elle est tout sauf une girlfriend potentielle. Qu'elle n'est pas celle dont on est amoureux, ni même celle qu'on embrasse, d'ailleurs. Elle donne pas la main, sourit rarement, et sous les treize épaisses couches de confiance en elle, l'anniversaire d'Edna la préoccupe car prétendre être en couple, ce sera un fichu rôle de composition. Puppy Osgood, son premier copain. L'absurdité du concept est presque amusante. Elle s'apprête à le mettre à la porte, réfléchit à la meilleure façon d'allier fermeté et tact - après tout, elle ne peut pas vraiment utiliser de ses méthodes habituelles assez musclées, puisque qu'avant la soirée de vendredi, elle a encore besoin de lui - mais il la prend de court. Elle se retourne, sourcil droit haussé, intriguée. Il négocie ? Monsieur a des conditions ? Elle croise les bras, lèvres pincées, icône d'incrédulité en kimono rouge. Elle n'avait pas prévu cette éventualité, trop confortablement drapée dans sa certitude que Billy se plierait sans broncher à ses exigences. C'est bien pour ça qu'elle lui étendait l'invitation à lui plutôt qu'à n'importe quel autre type. Parce qu'il n'était pas supposé attendre quoi que ce soit en retour. Parce que ça devait être facile. Menton haut, bras croisé, Gemma est en conseil de guerre. Elle attend de voir miroiter les intentions cachées. Qu'est-ce qu'il peut bien réclamer, un vrai rencard ? Un autre baiser ? Plus ? Elles ont l'air enfantines à première vue, les clauses de Billy, énoncées avec ses voyelles longues à lui, ses mots précis, ses phrases complètes comme s'il avait fini par apprendre qu'à faire des affaires avec le diable, mieux valait éviter les vides juridiques. Gemma est aux aguets, attendant les arrières-pensées inévitables qui n'arrivent pourtant jamais. Elle reste interdite, une poignée de secondes à peine, mais suffisamment longtemps pour que le silence prenne toute la place. Ne jamais avoir à faire de compromis avec un mec est bien la raison pour laquelle Gemma est polygame depuis qu'elle a l'âge de comprendre ce mot. Après une pause paraissant interminable, elle se met subitement en mouvement, s'arrache au plan de travail et se plante droit devant lui, main tendue pour officiellement sceller le pacte. "Très bien. Smoking maintenant, prédiction vendredi après m'avoir ramenée, si et seulement si j'ai trouvé ta performance convaincante. Surtout, plus aucun autre 'pourquoi' à ce sujet, ni aujourd'hui ni jamais. Aucune question, et une fois la soirée achevée, interdiction d'en reparler. A prendre ou à laisser." Parce qu'à la question 'qu'est-ce que t'as à prouver', la réponse sera toujours à toi, rien. A vous tous, absolument rien.

Billy ne sait pas vraiment comment interpréter sa réaction. Il se demande si elle est surprise, énervée ou d’une certaine manière impressionnée. Elle ne bouge pas ce qui n’aide pas à lui donner des indices et le rassurer un peu. Gemma peut être tellement imprévisible. Quand il a l’impression de faire des progrès, elle peut lui échapper trois secondes plus tard. C’est pour ça qu’il redoute d’avoir franchi une de ses barrières invisibles et en même temps… En même temps s’il n’en franchit pas, rien ne se passe. Billy n’est pas bête, il sait très bien qu’il lui semble lisse mais il n’est pas que ça. Il est rempli de douceur, de candeur, de créativité et d’envie d’aventures. Certes il est sûrement beaucoup trop gentil pour ce monde, pas adapté à se défendre face à la perversité et la méchanceté mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose. S’il souhaite être plus percutant et incisif, il ne veut pas dénaturer la personne qu’il est. Et quand bien même il le voudrait, on ne peut pas changer profondément sa personnalité. Soudain elle s’avance. Voilà qu’elle est bien proche de lui – ce qui est plutôt inhabituel mais ce n’est pas pour lui déplaire –. Elle lui tend la main avant de dire : « Très bien. Smoking maintenant, prédiction vendredi après m'avoir ramenée, si et seulement si j'ai trouvé ta performance convaincante. Surtout, plus aucun autre 'pourquoi' à ce sujet, ni aujourd'hui ni jamais. Aucune question, et une fois la soirée achevée, interdiction d'en reparler. A prendre ou à laisser. » Si Billy reste calme, c’est l’effervescence en lui. Soyez réjouis pour lui parce que là, ce moment précis c’est une petite victoire. Elle fait des compromis. Elle lui accorde ses simples requêtes – même si elle fixe les modalités, faut pas trop en demander. Alors Billy, il sourit, d’un grand sourire franc et joyeux. Y a le bonheur qui se lit sur son visage. Il la prendrait bien dans ses bras et la ferait tournoyer s’il ne savait qu’elle n’aimerait pas ça et que les lieux ne s’y prêtent pas vraiment. Une autre fois. Aujourd’hui il se contentera du sourire. « Marché conclus. » Et il prend la main dans la sienne et là c’est l’atmosphère qui change. On parle d’un contact physique et c’est le corps de Billy qui réagit. Il sent la douceur de sa main contre la sienne. C’est comme si son corps se chargeait en électricité. Ça part de sa main, ça monte dans son bras, dans sa tête et ça redescend dans l’autre bras, dans son corps, ses jambes et ses pieds. Ça donne un sacré coup de boost à son cœur qui s’emballe. Oh lala, ça il ne peut pas le cacher même s’il souhaite ardemment le cacher. Il ne veut pas paniquer. Mais comment contrôler cette réaction physiologique ? Il est amoureux, c’est pas seulement une belle phrase qu’il se répète, non. Billy il la vit depuis qu’il a rencontré Gemma. Si certains sont sceptiques, voilà une preuve supplémentaire de son adoration. Gemma enlève sa main et tout revient à la « normale ». Pas de commentaire. « Je te laisse te changer, je t’attend dehors. » Et pour la première fois – sûrement – pour aujourd’hui, Billy n’attend pas après elle. Il se lève, attrape le carton d’invitation et file vers la sortie. Il a besoin de prendre un peu l’air et comme ça il l’a devancé, elle le met pas à la porte, il la prend tout seul. Il n’empêche qu’il ne peut se défaire d’un sourire, le même que celui d’il y a deux minutes. Un sourire franc, un sourire heureux. C’est une belle journée qui commence.