(roman) i'm hungry like a wolf

- la tête tournée vers les étoiles -
ils nous appellent gang, mais ils n'ont rien compris. nous sommes simplement des morceaux rapportés qui forment une famille dont les membres prennent soin des uns des autres. sans ça, nous aurions déjà tous crevé la gueule ouverte dans cette foutue misère que le gouvernement ne veut surtout pas regarder. ils nous sortent des phrases toutes faites pour se donner bonne conscience, si tu veux t'en sortir, tu le peux. ne connaissent-ils pas notre credo : attends-toi à ce que chaque jour soit pire que le précédent. ici, la peur, la violence et la mort règnent en maître. nous n'avons pas de futur, seulement un passé bourré de fantômes et un présent sanglant. nous naissons tous avec un seul but : servir notre clan afin qu'il protège notre sang. c'est tout ce qui compte.

rom se tourna vers la fille. un sourire étrange de psychopathe s'inscrivit sur son visage pendant que ses yeux faisaient l'aller-retour sur le corps de la brune. « petite, tu flirtes avec la mort » elle lui répondit commencez par m'attraper. ils savaient l'un comme l'autre que ce n'étaient que des vantardises. il pouvait l'attraper. il vrilla son regard au sien, elle refusa de détourner les yeux et elle eut l'impression que les secondes pendant lesquelles son regard fouillait son âme étaient interminables. déséquilibrés, c'est ce qu'ils avaient dit. irréparable, trop abîmé. cette gamine est le genre d'idéaliste qu'il déteste, courageuse mais qui n'a rien vu du monde, de son côté obscur, de sa perversité. qui n'a rien compris de ce qu'il est ou à quel point il pourrait péter un cable et la réduire en miettes. elle est du genre qui sauve les gens. il les damne. il y a un gouffre entre eux qu'aucun pont ne réunira jamais. elle le défie parce qu'elle ignore tout de lui, elle ne connait pas ses penchants, la violence dans laquelle il baigne. elle ne comprend pas que c'est un maniaque homicide prêt à la tuer pour être si proche de lui sans qu'il ne l'ait autorisée. elle observe la cicatrice qui part de sa mâchoire, descend le long de son cou et qu'elle devine lui barrer le torse. elle ne semble pas percevoir l'animal qu'il a sous la peau, prêt à surgir et à l'égorger si elle osait ne serait-ce que faire un pas de plus dans sa direction.

rom rentre dans le bar et il sent que la tension est palpable. il sent qu'il n'est pas le bienvenu depuis les emmerdes de la dernière fois. il a pété un cable, c'est clair, mais ils l'ont bien cherché. l'électricité se fond dans sa peau et ses yeux cherchent un regard qui s'attarderait un peu trop sur lui. il est venu pour boire un verre, essayer de noyer les démons, mais ils le rattrapent à vitesse grand V, tous autant qu'ils sont. c'est toujours la même histoire, dans ce quartier sombre. une fois la porte d'un établissement passé, c'est un champ de mines. marchez sur la pointe des pieds. les règles que vos riches parents vous ont enseignées, si vous en aviez, n'ont plus cours. ayez peur du noir. et si vous avez l'impression qu'un monstre est tapi sous votre lit, c'est probablement vrai. bienvenue dans notre monde. voilà ce que sont devenus nos repères. nous vivons dans un monde qui ignore ses propres règles. et quand un monde ignore ses propres règles, toute la noirceur, tout le vice autrefois tenus à distance essaient de s'infiltrer par la moindre fêlure, pour tenter de mettre le grappin sur tout ce qui leur fait envie. une vraie foire d'empoigne. retour à l'âge des cavernes. c'est la loi du plus fort. neuf fois sur dix, la seule règle qui s'applique est celle de la prédation. plus vous êtes grand et costaud, plus vous avez de chances de survivre. sinon, trouvez un flingue ou apprenez à courir. vite. faites les deux, de préférence.
rom n'est pas le genre d'homme qui déroge à la règle : c'est un opportuniste. il sait que lui et son clan font partie du haut de la chaine alimentaire. et il fera tout pour y rester. la musique qui se voulait légère s'arrête, la tension est si palpable qu'il pourrait la prendre dans son poing fermé. il sent des doigts sur ses épaules et le coup part avant même de s'en rendre compte. la soirée se finira comme toujours, avec des points de suture et le goût métallique du sang dans la bouche.