coup de poker. (mila&loevan)

« je comprends que t’aies du mal à compter mais deux c’est du niveau maternelle loe. » la gamine dit d’un ton moqueur, elle te tirerait la langue que le résultat serait le même que maintenant. tu souris et roule des yeux sacrément content que l’histoire de ce fameux soir soit derrière vous et que vous puissiez en reprendre là où en était votre relation d’avant, mila ne semble pas avoir pris ses distances d’un millimètre et tu ne peux en être que l’homme le plus joyeux du monde. « j’étais pourtant sûr que c’était quatre. » tu dis pour la taquiner encore, mais elle est pas dupe à ta supercherie et laisse couler. elle se plonge dans ses pensées sans que tu puisses l’en empêcher sûrement en train d’imaginer des bobards à te raconter pour pas se focaliser sur le sujet qui t’intéresse vraiment. c’est étrange d’être comme ça avec elle, la vie des autres d’habitude tu t’en préoccupe jamais et encore moins quand ils se mettent à raconter qui passe dans le lit de qui, mais avec mila t’as toujours cette oreille attentive. déjà parce qu’avec les problèmes dans lesquelles elle se fourre toujours, tu es presque certain que si elle avait personne pour la conseiller, elle finirait par se torturer et ensuite parce qu’elle déblatère t’intéresse sincérement. « ça va. » elle finit par lâcher dans un soupir. « enfin j’imagine. » elle triture sa nourriture avec sa fourchette comme toi quelques instants plutôt. « pourquoi t’es autant intéressé par elle, d’ailleurs? t’es pas son genre désolée. » tu ris doucement. « j’imagine oui. » certainement qu’elle préfère les paires de seins et les mains doucereuses ou peut-être est-ce juste mila et son magnétisme? personne n’est insensible au charme de mila, même toi, tu aurais craqué si votre relation n’avait pas autant évolué, si le respect et l’amour que tu lui portais n'étaient pas aussi fort. finalement, elle te dit qu’elle est encore avec l’autre con et tu grognes. bon dieu, ce que ce type peut t’insupporter. « mais qu’est-ce que tu lui trouves bon sang? » cette situation ne rime à rien qui plus est, elle semble complètement accroc à l’autre gamine, mais elle continue à se coltiner ce connard. « pourquoi tu quittes pas cet abruti pour kitty? » bien que t’es jamais rencontrée celle-là, tu l’imagines bien plus au bras de mila que cash. « et camden? comment ça va? toujours avec… kimberly? c’est ça? » elle fait toujours ça, depuis six mois que son frère sort avec beverly, mila peut pas s’empêcher de la détester par procuration et tu sais pas pourquoi, une pointe d’agacement se niche sur ton visage, mais tu l’effaces très vite, pas la peine de montrer à mila ce que tu ressens. tu hausses les épaules. « ouais, bizarre qu’il se soit pas déjà lassé pour une prostituée non? » tu mords dans un morceau de pancake avant d’ajouter. « au fait. je me la fais. » le regard de la gamine en face de toi te porte à croire qu’elle ne suit pas bien où tu veux en venir, alors tu précises. « la copine de camden, je la baise. » pour l’instant, tu t’attardes pas sur les détails sordides ne sachant ce qu’elle va penser de cette situation plus ou moins étrange, tu n’as pas idée qu’elle puisse s’imaginer que beverly se contente de tromper camden avec toi et non que vous échangiez carrément les rôles. pour toi, le côté glauque est le premier qui te vient à l’esprit, mais dans un esprit plus sain peut-être ne serait-ce pas le cas. et donc les précisions à apporter ne te viennent pas naturellement.

j’étais pourtant sûr que c’était quatre. le rictus s’écharpe d’une fausse outrance qu’elle mime en fronçant sensiblement les sourcils. la raillerie est leur langage propre, leur façon bien particulière et personelle d’échanger sans avoir à déposer les coeurs trop lourd sur la table, et alors qu’une poignée de phrases en arrière mila peinait à trouver ses mots et à les articuler intelligiblement, sa langue est ravie de retrouver la facilité qui coule d’habitude entre eux. l’accusation serait profanatoire si elle avait été psalmodier d’une autre bouche, mais venant de lui elle ne fait que gratter une irritation superficielle chez elle qu’elle balaie bien rapidement d’un coup de main. le coeur gonflé à l’adrénaline de la tension à peine essoufflée, c’est finalement le sujet interdit qu’il remet sur la table en faisant allusion à sa relation bourrée de mines avec cash. pourtant il sait très bien que le sujet est fragile, doit être manipulé avec une précaution religieuse quand il est placé dans ses paumes à elle. parce que même après des années à se dire sienne, mila ne parvient toujours pas à le manipuler sans risquer de tout briser d’une pression trop sérieuse d’ongle. elle aimerait feindre l’idylle parfaite qu’on découvre seulement sur les écrans, lui chanter les louanges d’un amour vibrant et pur. mais sous le joug du regard de loevan la reine des masques n’est qu’un foutu livre ouvert où chaque ligne est imprimée en caractère gras clignotants. elle essaie pourtant de brouiller les pistes, de l’emmener vers des sentiers boueux qu’il ne se risquera pas à emprunter. et pourtant, à l’instant où elle décèle ce même éclat sombre qui lui grignote l’oeil à chaque fois que le sujet de cash est mis sur la table elle sait. elle sait déjà la couleur des prochains mots qui dévaleront la pente de sa langue et c’est sa mâchoire qui se métamorphose déjà en un étau sévère en anticipation. et il ne se fait pas prier, lui trace les contours de toute l’absence d’affection qu’il a pour lui sans même s’encombrer d’une fausse commodité qui filtrerait le jugement. mila oublie juste l’espace d’un instant la plaisanterie, laisse un soupçon d’animosité la mordre la lèvre quand sa réponse claque un peu trop sèchement. le traite pas d’abruti, s’il te plaît. politesse appuyée pour arrondir les angles, mais qui n’est qu’une poudre aux yeux qu’elle sait d’ores et déjà inutile. qu’importe. la seule personne apte à juger et insulter son couple c’est bien elle. quitter la personne avec qui je suis depuis des années pour une stripteaseuse? t’as d’autres conseils débiles de ce genre? le soupir qui ponctue la chute de sa question outrageusement rhétorique. finalement, elle qui avait tendu un appât pour dévier la conversation se réjouit de le voir mordre aussi facilement. et finalement, à mesure qu’il continue de s’étaler sur beverly, mila réalise qu’elle a peut-être posé un doigt aveugle pile là où il avait quelque chose à gratter. je la baise. alors que ses lèvres étaient déposées à l’orée de son verre et que le liquide démarrait tout juste son cours le long de sa gorge, elle manque de s’étouffer sous le coup de la surprise qui l’accable au plexus. pardon? elle croit presque à une machination tissée par son esprit trop fertile après avoir été lessivé, mais les mots continuent de vrombir avec une clarté cinglante entre les parois de son crâne. sois un peu plus précis quand tu me balances des trucs comme ça, camden est au courant au moins? parce qu’elle ajoute bien vite les éléments pour tenter de démêler le vrai du faux, et ce sont les révélations encore fraîches de son trouble qui ressurgissent aussitôt. bien que la tromperie soit la première solution qui ait fleuri dans son crâne, elle l’a presque aussitôt chassée en se remémorant de la relation presque fusionnelle que loevan et son jumeau ont. trop peu de place pour une trahison de cette ampleur, n’est-ce pas? pourtant elle sent au creux de son regard qu’il y a bien plus, une noirceur qui suinte de toute cette histoire à moitié avouée.

soudain la gamine est tendue, elle te demande gentiment de ne pas traiter son petit ami et tu peux pas t’empêcher de rouler des yeux. premièrement parce que c’est un crétin, pour toi ce gars ne sait pas prendre soin de mila, sinon elle n’irait pas d’elle même chercher du réconfort ailleurs et surtout pas dans les bras d’une prostituée ou tu ne sais plus trop quel métier exerce sa maîtresse, mais la brune a plus de classe que ça. plus de discernement et tu n’aurais jamais pensé qu’elle tromperait qui que soit un jour dans sa vie, elle qui est si portée sur les valeurs et toutes ces merdes, mais l’autre con a réussi à lui faire changer d’avis. et puis deuxièmement, ce type semble pas clean, il y a quelque chose qui cloche dans son comportement, un truc que tu veux surtout pas chercher à savoir parce que sinon tu casserais les dents de ce connard pour avoir eu les couilles de blesser l’une des seules personnes à qui tu daignes accorder de l’importance. du coup en voyant la réaction de mila, tu lèves les yeux au ciel par réflexe, mais tu ajoutes rien parce que tu veux pas créer un autre scandale pour aujourd’hui surtout pas en plein milieu d’un restaurant du bord d’autoroute. elle serait capable de s’enfuir en montant dans un camion pour rejoindre la ville. foutue tête de mule. elle aborde un sujet qu’elle pense plus léger, la petite amie de ton frangin parce qu’elle sait pas quelle merde se cache derrière tout ça. tu hésites juste une fraction de seconde avant de tout lui avouer après tout au point où tu en es... elle réagit pas exactement comme tu l’avais pensé, elle se contente d’un pardon étonné. tu lui offres un petit sourire innocent, la serveuse qui a débarrassé vos assiettes quelques minutes plus tôt a laissé des cartes pour les desserts devant vos yeux. tu pointes une des images du doigt. « on partage ce truc-là? » mais bien sur, elle lâche pas le morceau qui le ferait après un truc dans ce genre-là? une révélation comme ça n’est pas des plus anodines. la première chose qu’elle demande c’est si camden est au courant et ça te fait éclater de rire. « pour les quelques premières fois, il l’était oui. c’est lui qui a proposé de partager. » tu hausses les épaules comme si cette situation était des plus banales. mila connaît un peu votre façon de fonctionner à tous les deux depuis le temps, mais avant cela vous n’aviez jamais partagé de conquête surtout sans que celle-ci soit au courant, beverly est la première. une chance pour elle d’être le cobaye de cette expérience malsaine. alors qu’elle te sonde, tu finis par craquer et continue de déblatérer. « et ensuite j’sais pas j’ai recommencé et j’ai omis de lui en parler. mais c’est sa faute aussi, il me fait passer tout ce foutu temps avec elle, amène beverly ici, amène beverly là-bas. » tu roules des yeux en repensant à tous les services que cam a réclamé à propos d’elle. « elle paie à sa place, tu vois? » les mots qui sortent de ta bouche sont affligeants, mais tu ne veux surtout pas dire à la gamine que si tu continues de coucher avec la copine de ton frangin c’est parce que tu en meurs d’envie. c’est parce qu’elle te fait ressentir des trucs que tu ressens pas d’habitude. tu adores mila, mais tu veux pas de ces conseils à la con, après tout elle se tape un abruti et une pute. elle a ses propres problèmes à gérer de son côté. « alors pour le dessert? » tu insistes.

Et juste là, baignés par le halo rougeâtre qui luit à travers les stores du diner poisseux, c’est toute un enchaînement de vieux souvenirs poussiéreux qui se redessinent sous ses paupières et s’impriment au fer brûlant sur sa rétine. C’est son visage à lui qui s’adoucit, la mâchoire à l’angle moins sérieux, les joues un peu plus rosées, et semblant de sourire qui lui mord la bouche. L’impression d’un échange à l’abris du cours ravageur du temps, des années qui érodent leur relation et l’affection épuisante qui tambourine à l’intérieur du poignet. Elle ne savait plus réellement depuis combien de temps elle avait réellement discuté avec elle, qu’il l’avait autorisée à observer silencieusement les entrailles de son esprit sans le recouvrir d’un masque pour embellir les choses. Y’a comme un semblant de nostalgie qui se trace sur son visage à elle, les traits figés dans une contemplation mutine, trop occupée à rassembler les pièces du puzzle que Mila et Loevan représentent. A les manipuler, faire légèrement pivoter pour finalement obtenir la fresque parfaite. Et à aucun moment pourtant elle ne se souvient l’avoir entendu parler d’une autre, tout du moins pas avec ce soupçon de sérieux qui lui tord le sourcil, pas non plus d’une seconde grapillée à coup de sous-entendu graveleux qu’il balançait à la volée. La gamine innocente et trop préservée des démons qui lui bouffent le creux de l’estomac avait associé ça à une pudeur mal placée, ou bien le désir de ne pas l’immiscer dans ses histoires de coeur, peut-être pas méritante de le faire modeler des mots qu’on ne prononce jamais. Le sujet interdit, bête noire des deux âmes écorchées qui se pansent l’une et l’autre mine de rien, les sentiments. Ceux qui sont réels, qu’on étouffe honteusement sous une indifférence qui laisse un goût rance sur le bout de la langue. Non, même elle ne lui avait jamais réellement expliqué les contours de ses propres amours, de ceux qui auraient pu l’être avant qu’elle ne s’arrache la sangsue violemment. Alors pour une fois, Mila se force à lier ses lèvres, à s’engoncer dans un silence imperturbable pour le laisser l’abreuver de ses mots. Toujours la même curiosité étrange qui grapille le coeur, parce que s’il avait jugé pertinent d’évoquer le sujet de Beverly sans y coupe court aussi vite, c’était qu’il y avait bien plus à gratter. Elle esquisse un soupir mi-exaspéré mi-amusé à la tentative futile de Loevan de dévier le sujet en s’attardant sur le menu, exprimant subitement un intérêt grotesque aux desserts. Oeil inquisiteur qui lui crame le sien, et termine de lui arracher les dernières volontés nécessaire à poursuivre ses explications. La réponse qu’il lui offre est satisfaisante. Un peu. Presque, jusqu’à ce qu’il poursuive d’un coup acide de langue, les mots qui résonnent avec un écho dégueulasse dans ses tympans. T’as omis? Tu me prends pour une conne? Et quand elle pensait faire un pas de plus avec lui dans la profondeur des confessions, il lui en arrache trois de moins. Soupir toxique qui déchire les lèvres, alors qu’elle entends presque le brouhaha bordélique de ses mots se mélanger au bord de sa bouche. L’hésitation de la bonne réponse. Parce que même si elle se complait à haïr de toutes ses forces son jumeau, et par affiliation sa petite-amie, c’est la raison qui lui hurle de ne pas simplement hocher la tête et essuyer aussi aisément la faute qu’il lui a juste avouée. Soit t’es un connard fini, soit tu me mens. La deuxième option est étrangement la plus alléchante, même du point de vue de la bafouée. Elle espère flairer justement le faux dans son discours, espère aussi que cet éclat étrange qui lui luit dans l’oeil à la mention de la jeune fille n’est pas juste un jeu de lumière foireux des néons. T’as absolument aucune autre raison de continuer à coucher avec elle, alors? Mila continue de presser les boutons, cherche le détonateur à tâtons, en rajoute une couche probablement superflue sublimée par son oeil qui ne lâche pas le sien. Elle l’agrippe dans un étau puissant, pour qu’il ne puisse pas s’en échapper. Confronté à elle, peut-être qu’il n’aura pas la hardiesse ou le culot de lui mentir de but en blanc. J’ai juste besoin d’une réponse et après je te lâche avec elle. Et oui on partage ton foutu dessert t’as quel âge au juste ? Roulement parfaitement exécuté d’oeil, parce que bien trop pratiqué déjà au fil des années passées à imprimer son agacement en néons clignotants sur toutes les façades.

tu sais pas pourquoi tu as abordé ce sujet-là avec elle, tu aurais pu juste fermer ta grande gueule pour une fois. elle t’aurait demandé comment allait kimberly et ton frangin qu’elle déteste bien évidemment tous les deux et tu aurais haussé les épaules en répondant que tu n’en savais rien et que tu t’en fichais totalement, elle y aurait cru. elle y aurait cru parce que d’habitude tu te fiche de tout et surtout de tout le monde qu’est-ce que tu en as à faire de l’histoire de ton frère et sa petite copine parfaite? rien du tout. rien du tout, sauf que voilà, toi aussi tu te fais la gamine. et ça te saoule que tout retombe sur ta putain de conscience alors que camden doit s’en foutre comme de sa première dent, ouais il doit beaucoup moins culpabiliser que toi à l’idée que tu te fasses sa meuf, il doit penser que ça t’aide et ça l’arrange que tu sois là pour la combler quand il ne peut pas et il sait pas lui, le merdier qu’il a foutu dans ta tête, mais il faut dire que tu ne lui a rien dit. que la seule personne qui ne te jugera jamais peu importe ce que tu feras, et la seule personne à qui tu n’oses pas parler de ça. parce que t’arrives pas encore à savoir s’il est oui ou non bien amoureux de beverly. peut-être est-ce juste son nouveau passe temps? un amusement? l’idée de former un couple lui a paru être bonne pendant une minute et il s’est trouvé tenter d’essayer. ou alors peut-être est-ce la bonne à ses yeux, mais son dévouement envers toi lui a permis de te laisser l’utiliser quelques fois. utiliser... , ce mot te répugne. tu te sens répugnant et encore plus sous les yeux de mila qui te regarde comme si tu venais d'atterrir devant elle comme par magie. elle te demande si tu te fous de sa gueule, mais avec plus de classe. et tu secoues la tête parce que pas moyen de revenir sur tes paroles. c’est dommage. tu devrais faire comme elle une heure plus tôt et essayer de prendre la fuite. mais ça ne marcherait pas, ça ne marche jamais avec quelqu’un aussi têtu qu’elle. « pourquoi, je mentirais? » c’est vrai, qu’elle serait l’utilité d’inventer un truc pareil surtout qu’elle pourrait tout déballer à beverly parce qu’elle se sentirait forcée par son devoir de femme ou un truc du genre. non ridicule, encore plus ridicule que ton histoire. la loyauté de mila à ton égard est sans failles. et pourtant, tu mets souvent le tout à rude épreuve. « t’as absolument aucune autre raison de coucher avec elle, alors? » tu piques du nez vers la table parce qu’elle touche un point sensible, la carte des desserts semble de plus en plus alléchante. tu veux passer au sujet suivant, mais tu ne sais pas comment procéder, alors tu fais semblant de vraiment t’intéresser au dessert sous tes yeux, mais la brune n’est pas naïve et encore moins stupide. elle soupire, tu passes la main dans tes cheveux alors qu’elle te dit qu’elle te lâchera avec ça seulement si tu réponds à sa question. la serveuse débarque à ce moment-là et tu demandes votre dessert d’une voix neutre bien que ça agace mila de devoir attendre. « je… » tu commences mais les mots s'emmêlent dans ton crâne. « elle me plaît. » tu finis par avouer à voix basse. elle t’obsède même et c’est pour ça que tu continues de coucher avec elle malgré toutes les choses qui font que tu ne devrais pas. « elle me plaît vraiment. » tu ajoutes parce qu’aucune réaction ne vient ponctuer ta réponse. « maintenant est-ce qu’on peut juste manger ce truc et rentrer chez nous? » hâte d’oublier cette foutue conversation ou du moins d’en être très loin.

Pour eux qui ne sont définitivement pas habitués aux conversations à coeur ouvert, Mila commence à suffoquer sous le sérieux qui lui enserre la gorge à mesure que les mots s’enchaînent où sont ravalés par un Loevan engorgé d’une fierté superflue. Elle est mitigée entre l’envie de couper court à l’interrogatoire et l’extirper de ce qui semble être une simulation de son dernier jugement, et celle qui la ronge d’obtenir de réelles réponses après avoir été aveuglée par le brouillard du mensonge depuis ces années. Le mensonge, ou l'omission de vérité pour être plus spécifique. Malgré tout, il n’y a pas une once de rancoeur qui lui ponctionne le palpitant à l’idée de ce secret qui lui imbibé d’un noir épais la conscience depuis certainement trop longtemps, et qu’il avait préféré garder à l’abris de sa connaissance. Peut-être qu’il avait peur, de réveiller des démons de mépris chez elle, une incompréhension propre à l’ignorante qui ne connaissait absolument rien à la pathologie dont il souffrait. Et Mila se promet silencieusement, pacte scellé à salive et sang, que dès que l’occasion se présentera et qu’elle sera murée dans la solitude réconfortante de son appartement, qu’elle se renseignera sur le sujet. Comprendre un peu plus le mécanisme complexe qui grince dans ses entrailles, démêler le roulement délicat de ses rouages et mieux apprivoiser le langage qui lui est propre. Elle veut tout simplement savoir, se projeter dans son crâne et ressentir les douleurs qui lui zèbrent le flanc pour parvenir à mieux les panser. Tenter de lui apporter l’antidote sans l'accabler du rôle dégradant du patient en phase terminale qui nécessite des soins intensifs. Et elle sent que cette affiliation avec Beverly est peut-être l’un de ces ingrédients miracles, qui réparent les coeurs écorchés, et qui pourrait lui redonner le soupçon d’espoir dont il semblait avoir été amputé. Encore une fois, c’est l’attente qu’il lui offre en guise de réponse à sa question. Et elle le laisse, se triturer les neurones probablement, pour trouver les bons mots à prononcer au bon moment avec la bonne intonation. Il n’est certainement pas habitué à nommer l'innommable, tout comme elle quelques fractions de minutes auparavant quand il l’avait interrogée sur sa relation volcanique avec Cash. Ce ne sont pas des choses qui se comprennent avec des mots habituellement, encore moins du bout des lèvres de ceux qui sont si maladroits avec leurs émotions et ne parviennent que partiellement à les apprivoiser. La réponse qu’il lui offre est brève, concise et transpire d’une sincérité qu’elle n’ose pas même remettre en question. Pas de signes pour lui stipuler qu’il ment, une hésitation passagère qui indique la véracité de ce qu’il avance. Alors elle lui offre un simple hochement de tête en réponse, ne s’embarasse pas d’autre chose pour respecter la promesse qu’elle lui avait faite de lâcher l’affaire une fois sa curiosité rassasiée. Tu sais qu’il faudra que tu lui en parles un jour. Elle laisse volontairement le mystère planer sur la dite personne, qu’il s’agisse de dire à son frère qu’il s’est attaché à sa copine, où bien réveler à Beverly la vraie nature de ses sentiments. Ou tout simplement l’existence de sentiments dans un palpitant que même Mila pensait maintenant hermétique à ce genre de choses. Et quand il pose le point final sur la discussion, c’est l’échine qui se recourbe, le poids qui l’arrondissait venant d’être dissout. Nouvelle approbation silencieuse, tandis qu’elle plante enfin sa fourchette dans le dessert comme pour sceller définitivement ce chapitre. Mais tout en sachant que le livre n’est certainement pas achevé, et qu’un jour où l’autre ils devront le rouvrir.